Droits de succession

Quel régime pour les neveux et nièces ?

Claire Farge et Candice Marquilly, avocat, directeur de mission et juriste, cabinet d’avocats Fidal, département droit du patrimoine
Lorsque les règles de la représentation s’appliquent, un neveu ou une nièce peut exercer les droits successoraux de leur parent, frère ou sœur du défunt et être taxé(e) au tarif applicable entre les frères et sœurs
Il n’est pas avantageux en termes de fiscalité pour des neveux et nièces d’être institués légataires par testament
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Une lecture rapide du code général des impôts (art. 777 et 779, V) pourrait laisser penser que, lorsqu’ils héritent, les neveux et nièces sont en toutes hypothèses, taxés au taux de 55 % aux droits de succession, et ne bénéficient individuellement que d’un abattement de 7.967 euros. Si telle est la solution effectivement retenue en présence d’un neveu ou d’une nièce qui hérite de son chef, que ce soit par testament (aux termes d’un legs) ou en application des règles de la dévolution légale (par exemple en présence de neveux issus du même et unique frère, prédécédé, du défunt), il peut en aller autrement lorsque les règles de la représentation s’appliquent.

Ce mécanisme juridique permet à un neveu ou à une nièce d’exercer les droits successoraux de leur parent, frère ou sœur du défunt, et d’être taxé(e) au tarif applicable dans les successions entre les frères et sœurs (35 % jusqu’à 24.430 euros et 45 % au-delà). Le neveu ou la nièce bénéficie alors de l’abattement prévu entre frère et sœur, soit 15.932 euros (art. 779 IV CGI). En cas de pluralité de neveux et nièces issus du même parent, l’abattement est partagé entre eux, sans que cela puisse représenter pour chacun moins de 1.594 euros (BOI-ENR-DMTG-10-50-80-20170824 n°270).

Mais la représentation ne peut jouer que si le frère ou la sœur dont est issu le neveu ou la nièce est prédécédé ou a été jugé indigne de succéder en application des règles de l’indignité successorale posées par le Code civil (art. 726 à 729-1 C.civ.). En revanche, la représentation est impossible en présence d’une unique souche ou lorsque le défunt a prévu l’exhérédation par testament de son frère ou de sa sœur. Par exemple, un défunt laisse, pour recueillir sa succession, son frère A prédécédé, laissant lui-même cinq enfants (neveux et nièces du défunt) et sa sœur B, exhérédée par testament, qui a un enfant C (nièce du défunt). Ici, la représentation ne peut pas jouer puisque B ayant été exhérédée, la succession est dévolue à une unique souche. Tous les neveux et nièces sont donc appelés de leur chef à la succession. La succession est alors divisée en six parts égales entre les neveux et nièces. La représentation aurait pu jouer si par exemple la sœur du défunt, au lieu d’être exhérédée, avait renoncé à la succession ou était pré-décédée. Il y aurait alors eu deux souches permettant le jeu de la représentation. Dans ce cas, la succession légale aurait été répartie en deux moitiés entre les deux souches. Finalement, les enfants de A auraient reçu 1/10ème chacun (1/5è de la moitié) et l’enfant de C aurait reçu ½ de la succession (5/10ème).

C’est exactement ce qu’a dû rappeler la cour de cassation dans une affaire dont les faits étaient similaires à ceux ici décrits (cass.civ.1ère 17 avril 2019, n°17-11508). De même qu’elle a eu l’occasion de confirmer encore tout récemment, la nécessité d’une pluralité de souches pour que les neveux et nièces puissent bénéficier du tarif et de l’abattement prévu pour les frères et sœurs. Ainsi, une nièce issue d’une sœur unique du défunt qui a renoncé à la succession hérite de son chef et doit donc être taxée au tarif de 55 % (Cass. Civ.1ère, 3 octobre 2019, n°18-18736).

D’un ensemble de règles complexes à combiner on peut retenir que :

- Il n’est pas avantageux, en termes de fiscalité, pour des neveux et nièces qui pourraient bénéficier des règles de la représentation d’être institués légataires par testament.

- Il est possible d’améliorer la fiscalité d’une transmission de patrimoine par décès dévolue à des neveux et nièces : soit en les désignant bénéficiaires d’un contrat d’assurance vie alimenté par des primes versées avant 70 ans et relevant donc de la fiscalité de l’article 990 I du CGI ; soit en introduisant un projet philanthropique (legs à une association, fondation…) dans la transmission de son patrimoine. C’est la technique du legs net de droits qui nécessite un soin particulier dans sa mise en place. 

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