Remboursement de la TVA « 8e Directive »

Attention aux demandes d’informations complémentaires !

En cas de défaut de réponse ou de réponse tardive à une demande d’informations, la Cour déduit de l’analyse de la directive que cela ne peut entraîner la perte du droit au remboursement de la TVA
On ne saurait trop attirer l'attention des entreprises sur la nécessité d’assurer un suivi particulier de leurs demandes de remboursement de TVA auprès d’autres Etats membres

Dans une décision du 2 mai 2019 (affaire C-133/18 Sea Cruise Services GmbH), la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) a jugé que délai de réponse à une demande d’informations de l’Etat membre de remboursement, n’est pas un délai de forclusion et que le non-respect dudit délai n’entraine pas la perte du droit au remboursement de la TVA. Les informations complémentaires établissant l’existence du droit à remboursement peuvent être fournies au stade de la procédure devant le juge fiscal.

Cette décision résout une difficulté pratique habituellement rencontrée dans le cadre des demandes de remboursement de TVA par les opérateurs économiques intervenant dans plusieurs pays de l’Union Européenne (EU) autres que celui de leur établissement. Il est courant que les administrations fiscales sollicitent la production, généralement dans un délai d’un mois, d’informations complémentaires (justificatifs complémentaires, précisions sur le circuit commercial, la nature ou la destination des biens et services au titre desquels la TVA a été supportée). Ces demandes, envoyées par courrier électronique le plus souvent dans une langue autre que celle de l’opérateur économique, sont parfois traitées hors délai lorsqu’elles ne sont pas purement et simplement ignorées jusqu’à la notification d’une décision de rejet de la demande de remboursement.

 

Principe de neutralité de la TVA. C’est ce qui est arrivé à la société allemande Sea Cruise Services GmbH. Cette société a demandé le remboursement de la TVA acquittée en France, dans le cadre de ses activités de prestations de services au profit de navires de croisière fluviale et maritime. L’administration française a sollicité par courriel des informations complémentaires et a, en l’absence de réponse dans le délai imparti d’un mois, rejeté la demande de remboursement. La société allemande a contesté la décision de rejet devant le tribunal administratif (TA) de Montreuil et a produit à cette occasion les renseignements complémentaires demandés. Selon l’administration fiscale, le non-respect du délai de réponse d’un mois a entraîné la perte définitive (forclusion) du droit au remboursement de la TVA et rendu impossible toute régularisation devant le juge fiscal. L’administration fiscale a alors demandé au tribunal que la demande de la société soit déclarée irrecevable. Pour la société, les renseignements complémentaires non fournis au stade de la phase administrative de la procédure de remboursement devaient pouvoir être produits devant le juge fiscal. Ne pas admettre une telle possibilité constituait une violation inadmissible du principe de neutralité de la TVA. En l’absence de précisions dans la directive TVA des conséquences sur le droit à remboursement d’un défaut de réponse à une demande d’informations, le TA de Montreuil a décidé de saisir la CJUE d’une question préjudicielle. La décision précitée de la Cour consacre, par une interprétation constructive des dispositions applicables, le caractère fondamental du droit au remboursement et donne son plein effet au principe de neutralité de la TVA.

La Cour rappelle le droit pour tout assujetti communautaire de demander le remboursement de la TVA supportée dans un autre Etat membre pour les besoins de ses opérations économiques. Ce droit constitue le pendant du droit à déduction de la TVA supportée par l’assujetti dans son Etat d’établissement.  Le droit au remboursement de la TVA constitue un principe fondamental du système de TVA et vise à soulager l’opérateur économique du poids de la TVA dans le cadre de ses activités économiques (principe de neutralité).  Ce droit ne peut en principe être limité. La Cour analyse ensuite les modalités d’exercice du droit au remboursement qui mettent des obligations notamment de délais à la charge des opérateurs économiques dont le non-respect n’entraîne toutefois pas nécessairement la perte du droit au remboursement.

 

Délai de forclusion. La demande de remboursement de TVA doit être présentée au plus tard le 30 septembre de l'année suivant l’année sur laquelle porte la TVA dont le remboursement est demandé. Pour la Cour, il s’agit d’un délai contraignant dont le non-respect est sanctionné par la perte définitive du droit au remboursement, sans aucune possibilité de régularisation. Une demande de remboursement ne peut valablement être introduite après l’expiration de ce délai qui constitue un délai de forclusion dont le non-respect entraine la déchéance du droit au remboursement.

 Il n’en va pas de même du défaut de réponse ou de la réponse tardive à une demande d’informations. La Cour déduit en effet d’une série d’éléments tirés de l’analyse de la directive, que le non-respect de ce délai ne peut entraîner la perte du droit au remboursement de la TVA et qu’il ne s’agit dès lors pas d’un délai de forclusion. Tout d’abord, il ne ressort pas de la directive TVA que les informations complémentaires demandées dans le cadre de l’instruction d’une demande de remboursement introduite dans les délais ne peuvent plus être fournies après l’expiration du délai de réponse d’un mois. Ensuite, les informations complémentaires peuvent être sollicitées de tierces personnes et le non-respect par ces personnes du délai de réponse ne saurait entraîner la déchéance du droit au remboursement de l’assujetti alors même que ce dernier n’a aucune influence sur l’envoi d’une réponse. Enfin, malgré le défaut de réponse à la demande d’informations, l’Etat membre doit prendre, dans un certain délai, une décision formelle d’accepter ou de rejeter la demande de remboursement. Ainsi, une demande de remboursement peut faire l’objet d’une admission totale ou partielle malgré l’absence de réponse à une demande d’informations complémentaires. Dans la mesure où le délai de réponse à une demande d’informations ne constitue pas un délai de forclusion, sa méconnaissance ne saurait entraîner la perte de la possibilité de régulariser la demande par la production, directement devant le juge fiscal, des informations complémentaires de nature à établir l’existence du droit au remboursement de la TVA.

 

Procédure dite « 8e Directive ». Si la décision de la Cour doit être saluée, on ne saurait trop attirer l'attention des entreprises sur la nécessité d’assurer un suivi particulier de leurs demandes de remboursement de TVA auprès d’autres Etats membres et de prêter une attention particulière aux demandes d’informations formulées par les administrations fiscales de l’Etat membre du remboursement. Une telle précaution est nécessaire pour réduire les délais d'instruction et le coût des demandes de remboursement de TVA dans le cadre de la procédure dite « 8e Directive ». En fonction des enjeux, l’intervention d’un conseil local dès la phase administrative de la procédure de remboursement peut s’avérer opportun.