Vers une confiscation des actifs russes ?

Une réunion s'est tenue jeudi 3 mars entre la Chancellerie et Bercy pour que les actifs gelés puissent être à terme confisqués.
(Pixabay : qimono)

Lors du briefing presse du 3 mars sur la task force dédiée à la mise en oeuvre des sanctions contre les cercles du pouvoir russe, Bercy a indiqué étudier la possibilité de «transformer le gel des actifs en saisies». Si l'on se fie aux échos rapportés dans la presse de la réunion qui s’est tenue le même jour entre Bercy et la Chancellerie, la saisie ne serait en réalité qu'un préalable à la confiscation. Le ministère de la Justice anticipe déjà de réaffecter les biens immobiliers pris au cénacle poutinien «à des organisations à but non lucratif, rendant ainsi à la collectivité, au service de l'intérêt général et des plus démunis, ce qui aura été illégalement acquis», a-t-il indiqué au Figaro. 

Saisie provisoire ou confiscation définitive

«La saisie pénale, provisoire, se fait à l’initiative du juge d’instruction ou du parquet avec l’autorisation du juge des libertés et de la détention, éclaire Renaud Alméras, avocat fiscaliste. Elle rend le bien indisponible avec des garanties procédurales et permet de garantir une éventuelle et future peine de confiscation en évitant que le bien ne disparaisse dans la nature pendant l'enquête». Là où la saisie s'assimile à une forme de gel renforcé et non limité dans le temps, la confiscation opère en revanche un transfert de propriété de la personne concernée à celle de l’Etat et ne peut être décidée que par une juridiction du fond. 

Du point de vue du droit international, l’idée apparaît pour le moins périlleuse. «Le gel des actifs n’implique pas de transfert de propriété, à l’inverse de leur confiscation», éclaire William Woll, avocat en droit international. Une atteinte au droit de propriété qui ne semble pas compatible avec les standards internationaux en matière de droits de l’Homme. «En droit international, cela s’appelle des contre-mesures : ce sont des mesures normalement illégales qui répondent elles-mêmes à un acte illégal, et qui deviennent de ce fait légales, poursuit l’avocat. Les contre-mesures doivent être nécessaires et proportionnées pour ne pas violer le droit international. A partir du moment où les oligarques ne peuvent plus financer la guerre, l’objectif est atteint. Une confiscation serait difficilement justifiable.»

Sollicité pour des précisions, Bercy n'a pas souhaité répondre. 

Une voie de contournement 

Eric Dupond-Moretti, pour contourner cette difficulté, s'oriente sur la recherche d'infractions financières dans le cadre de procédure judiciaires accélérées contre les ressortissants russes concernés par les mesures de gel. Il s'est engagé devant le Figaro à ce que, dès réception des signalements Tracfin les parquets soient invités à ouvrir «systématiquement des procédures judiciaires afin que des investigations approfondies puissent être mises en œuvre sur les faits, notamment, de blanchiment que les montages financiers ou les opérations occultes seront susceptibles de caractériser.» L'enchevêtrement de sociétés écrans que placent certains oligarques russes entre eux et leurs propriétés donnera certainement du grain à moudre aux enquêteurs. Faute de moyens supplémentaires du côté des magistrats du siège, il n'est en revanche pas certain qu'une coopération renforcée entre les services de renseignement de Bercy et les parquets français suffise pour accélérer la machine judiciaire.