
Vers la suppression des prélèvements sociaux pour les non-résidents

Gérald Darmanin, le ministre des Comptes publics, a annoncé ce mardi 16 octobre, lors des questions au gouvernement à l'Assemblée nationale, une série de mesures de simplification de la fiscalité des français de l’étranger ou de ressortissants d'autres Etats disposant de revenus de source française. Une réforme inspirée du rapport de la députée des français de l'étranger, Anne Genetet (LaREM).
Ces sujets seraient repris par voie d’amendements parlementaires ou directement par le gouvernement dans le cadre du PLF et du PLFSS.
Suppression de la CSG sur les revenus des contribuables affiliés à un autre régime de Sécurité sociale de l'Union européenne.
C’est la mesure phare annoncée par le ministre des Comptes publics. Les revenus du capital des non-résidents affiliés à des régimes de Sécurité sociale d’un autre pays membre de l’Union européenne (UE) ou de la Suisse seraient exonérés du paiement de la CSG et de la CRDS.
A noter que les français de l’étranger, résidant en dehors de l’UE ne seraient pas concernés par cette exonération (voir affaire Jahin).
La fin d'un imbroglio judiciaire
La Cour de justice européenne (CJUE) a déclaré en février 2015 que les Français affiliés à un régime social d’un Etat membre de l’UE n'avaient pas à financer le régime social français. C’était le premier contentieux CSG dit « de Ruyter » du nom d’un citoyen néerlandais qui se trouvait dans ce cas précis.
Conséquences de ce jugement, le nombre de dossiers de contentieux déposés dans divers tribunaux n’a cessé de progresser, contraignant le France a procédé au remboursement des cotisations sociales indument perçues entre 2012 et 2015.
Pour sortir de ce mauvais pas, la France a conçu en 2016 un subterfuge législatif pour exclure la CSG du champ du financement de la protection sociale et contourner l’arrêt de Ruyter. Elle a ainsi changé l’affectation de ces prélèvements sociaux qui, une fois transformés en retenues non contributives, permettaient à Bercy de les recouvrer indépendamment du pays d’affiliation des travailleurs.
Une situation à laquelle l’annonce de Gérald Darmanin devrait mettre fin. La France ayant été sanctionnée au niveau communautaire mais également désavouée par ses propres juridictions.
Le tribunal administratif de Strasbourg a ainsi jugé en juillet 2017 que les changements d’affectations budgétaires décidés par la France étaient contraires aux principes communautaires et justifiaient la décharge des prélèvements sociaux opérés sur les revenus de capitaux mobiliers des intéressés. Ce jugement a d’ailleurs été confirmé en appel par la cour administrative d’appel de Nancy le 31 mai 2018, qui a rejeté le recours formulé par le ministre des Comptes publics.
D’autres dossiers de réclamation fondés sur les mêmes motifs attendent leur traitement dans plusieurs tribunaux.
Chiffres à l’appui, Anne Genetet avertit que le montant des contentieux est une véritable bombe à retardement. Les prélèvements sociaux imposés aux non-résidents ont rapporté 285 millions d’euros aux caisses de l’État en 2017.
S’agissant du contentieux sur les prélèvements effectués de 2012 à 2016, 59.000 recours en remboursement ont été reçus au 1er août 2017, 43.764 ont été traités, laissant encore environ 15.000 dossiers à traiter, tandis que déjà 3.300 réclamations portant sur les prélèvements perçus depuis le 1er janvier 2016 ont été déposées.
L’enjeu financier global est estimé à 300 millions d’euros (exercices 2016 et 2017) à quoi il faut ajouter les futures réclamations pour les exercices à venir, tant que seront maintenus ces prélèvements, étant entendu que l’Union européenne condamnera encore la France malgré le fléchage opéré depuis janvier 2016.
« Conclusion, la seule issue possible est de supprimer les prélèvements sociaux sur le patrimoine foncier des non-résidents » selon Anne Genetet.
Autres dispositifs
Les revenus français des expatriés seraient soumis au prélèvement à la source, selon le même barème progressif que les résidents. Jusqu’ici, les français de l'étranger étaient soumis à un mécanisme de retenue à la source libératoire (de 0 %, 12 % ou 20 %).
Les français qui partent bénéficieraient dans les dix ans de leur départ d’un abattement de 150.000 euros sur les plus-values immobilières qu’ils réaliseraient et seraient éligibles à la réduction d’impôt prévue par le dispositif Pinel.
Les pensions alimentaires reçues par un résident de la part d’un non-résident pourraient également être exonérées d’impôt sur le revenu.
Pour l’année 2016, le nombre de foyers non-résidents fiscaux déclarés (français ou non) s’élevait à 231.576 pour un nombre de contribuables total imposés en France de 37.889.181, soit 0,6 % des contribuables. Le montant du seul impôt sur le revenu s’élevait pour les non-résidents à 712 M€, contre 70.327 M€ pour l’ensemble du pays. L’impôt sur le revenu des contribuables non-résidents représente donc 1% du total collecté au titre de l’impôt sur le revenu (IR) au plan national.
On peut résumer ces chiffres ainsi : 0,6% des contribuables rapportent 1% de l’IR.