Girardin industriel / DTD

Une responsabilité écartée dans une série d’arrêts

L’association professionnelle a exclu à tort Hedios Patrimoine
La responsabilité de cette société ne peut pas être engagée par des investisseurs avertis
Philippe Meylan, avocat associé, TNDA

Les différents contentieux en cours témoignent de l’ampleur de l’affaire Dom-Tom Défiscalisation (DTD). Pour les conseillers, ils rappellent le caractère toxique de certains partenariats, surtout lorsque le porteur du projet fait l’objet de poursuites en raison d’une escroquerie supposée. La société Hedios Patrimoine peut en témoigner. Elle a vu sa réputation engagée, sur plusieurs fronts judiciaires, en raison de montages – prétendument – éligibles au dispositif fiscal Girardin industriel. D’un côté, elle a fait l’objet d’une exclusion de la part de la Chambre des indépendants du patrimoine (CIP) qui est devenue depuis la Chambre nationale des conseillers en gestion de patrimoine (CNCGP) (1). De l’autre, certains de ses clients ont tenté d’obtenir réparation de préjudices financier et moral (2).

L’exclusion prononcée par la CIP.

En février 2012, la CIP a exclu de manière définitive la société de conseil  pour ne pas avoir suspendu à temps la distribution du produit DTD. Pour l’association, celle-ci en a maintenu la commercialisation en décembre 2009 en dépit de l’alerte qu’elle a donnée au début de ce mois. A ses yeux, le message tiré du signalement d’un ancien responsable de l’administration était pourtant explicite : les réalisations effectives en Outre-mer sont restées « sans aucune mesure » avec le montant des sommes collectées en 2007, 2008 et 2009. 

Des demandes d’indemnisation.

Dans un autre contentieux, celui porté par des clients d’Hedios Patrimoine, c’est également sur la base de la disparition de leur mise initiale qu’une action judiciaire a été introduite en février 2012. Pour mémoire, DTD a conçu une offre destinée à l’acquisition de matériel photovoltaïque auprès de la société Lynx Industries – elle-même détenue par le dirigeant de DTD – en vue de le mettre en location pendant cinq ans. Pour les investisseurs, l’objectif de l’opération est essentiellement fiscal. Par exemple, un particulier a réalisé un apport de 7.000 euros le 23 décembre 2009 en contrepartie d’un avantage fiscal de 10.000 euros environ (3). Un gain que le fisc a décidé de remettre en cause, la plupart des projets de production d’énergie n’ayant pas été bouclés sur le terrain. De quoi justifier pour ce contribuable une autre demande d’indemnisation basée sur la notification de redressement de près de 12.000 euros qui lui a été signifiée.

Des conséquences en chaîne.

Radiée du fichier des conseillers en investissements financiers (CIF) de l’Autorité des marchés financiers (AMF) à partir de juillet 2012 jusqu’à sa réinscription définitive en janvier 2013, Hedios Patrimoine a fait valoir devant les tribunaux que la décision de la CIP a entraîné la perte de la couverture de son assurance responsabilité professionnelle, une initiative de nature à contraindre fortement son activité professionnelle.

Ces difficultés économiques se sont confirmées en 2014 lorsque le tribunal de grande instance (TGI) de Paris a rendu des arrêts favorables à certains de ses clients en fixant par exemple à 8.500 euros le préjudice financier (3). Hedios Patrimoine s’est d’autant plus retrouvé confronté à un problème de taille que sur 982 investisseurs recensés sur le produit de défiscalisation Lynx, 269 ont formulé des réclamations et, parmi eux, 154 les ont portées devant les tribunaux.

Une ligne de défense validée.

En réaction, la société a bâti sa défense sur le fait qu’elle a elle-même pâti de l’escroquerie, là où la Chambre mais aussi ses clients ont soutenu qu’elle leur est apparue comme un partenaire de DTD. Devant les tribunaux, le CGP a mis en exergue le caractère fautif de l’exclusion de son association professionnelle. Dans l’autre dossier, Hedios Patrimoine a fait valoir que la charge de la bonne réalisation de l’opération relevait uniquement de DTD. Elle a aussi prétendu que l’accusation de dol devait être considérée comme inopérante dès lors qu’elle n’était pas partie au contrat conclu entre DTD et ses clients et que sa participation n’était pas établie.

Et c’est cette position que les juges ont validé. En décembre 2012, soit trois ans après le début de l’affaire, le TGI de Paris a annulé la décision du conseil de discipline de la CIP. Une solution que la Cour de cassation a validée à son tour en février 2016 (1). Dans l’autre contentieux, les magistrats ont débouté les clients de leurs demandes.

L’heure des réparations.

Si les difficultés financières traversées par Hedios Patrimoine ne relèvent pas uniquement de l’exclusion de la CIP, les juges ont établi que c’est bien en raison de cette décision que le CGP « a été contraint de rechercher un assureur et une association agréés par l’AMF ». Privé du statut de conseil en investissement financier (CIF), cette société a fait constater une baisse de ses résultats sur la base de laquelle elle a exigé un dédommagement.

Les parties se sont alors opposées sur le point de savoir si la diminution de l’activité en assurance vie devait être intégrée à ces calculs. Pour la CIP, un contrat d’assurance vie ne relève pas des produits qui requièrent la qualification de CIF et un arbitrage ne constitue pas une transaction mais une opération d’assurance soumise au seul Code des assurances. Pour Hedios Patrimoine en revanche, ce statut est indispensable à son activité : les unités de compte sont représentatives d’instruments financiers que seuls les CIF peuvent conseiller. C’est clairement cette dernière argumentation que les juges ont retenue (lire l’encadré) avant de procéder à l’appréciation détaillée du préjudice.

Si le gérant d’épargne a réclamé plus de sept millions d’euros à l’association, la Cour d’appel de Paris a préféré se ranger derrière les différents coefficients de causalité établis par un expert pour mesurer le préjudice. Dans un arrêt du 24 mai 2016 (1), elle en a déduit une estimation détaillée de plus de deux millions d’euros.

Les demandes d’indemnisation écartées.

Dans une série d’arrêts en date du 10 juin 2016, la Cour d’appel de Paris a écarté les demandes d’indemnisations de clients de la société de conseil. Elle a notamment retenu que ce CGP s’est livré à une série d’investigations destinées à recueillir des informations techniques sur le produit proposé par DTD. Il a aussi effectué des vérifications in situ et des recherches sur la solvabilité et la crédibilité financière des monteurs de l’opération. En obtenant des avis juridiques spécialisés, le juge a estimé que « sa croyance dans le sérieux de l’opération dont l’architecture devait permettre la réalisation du résultat escompté sur le plan fiscal était légitime ». Pour obtenir une position favorable du magistrat, la société a profité du fait que les investisseurs qui ont engagé sa responsabilité, particulièrement avertis, ont eu connaissance des risques pris (lire l’encadré). A ce propos, Philippe Meylan, l’avocat associé du cabinet TNDA qui a défendu Hedios, relève que « la même position est retenue pour un médecin, mais aussi pour les trois autres souscripteurs considérés comme des investisseurs professionnels ou avertis en raison de leurs métiers ou de leurs compétences ». Il ajoute que la responsabilité de la société de conseil « est également écartée pour la souscription du particulier qui est intervenue après la diffusion de l’alerte relayée par la CIP le 8 décembre 2009 ».

La fin des procédures ?

Si la chambre s’est refusée à tout commentaire sur l’arrêt du 24 mai, une source proche du dossier a confirmé l’absence de pourvoi en cassation. Rien n’est acquis en revanche du côté des actions introduites par les clients d’Hedios. Hélène Féron-Poloni et Nicolas Lecoq-Vallon, les avocats associés en charge de leur défense, confirment qu’un tel pourvoi est très probable. « L’action conjointe que nous avions entreprise à l’égard d’Hedios est maintenue. Surtout, nous attendons les premières décisions qui seront rendues par les tribunaux au sujet des produits GSH 2010. Il s’agit d’un investissement éligible au Girardin industriel qu’Hedios a monté lui-même et distribué en 2010 auprès des mêmes clients qui s’étaient vu proposer les solutions DTD en 2008 et 2009 ».

 

(1) Il est question de cette exclusion dans les arrêts de la Cour de cassation du 3 février 2016, n°14-18.571 et de la Cour d’appel de Paris du 24 mai 2016, n°13/02396 accessibles sur www.agefiactifs.com.

(2) Le contentieux DTD est développé dans des arrêts de la Cour d’appel de Paris du 10 juin 2016 n°14/09406, n°14/04869, n°14/09403 et n°14/09513.

(3) N°14/09406.