
Une éphémère publicité

Peu répandu en droit français, où il est couramment assimilé à un montage propice à la fraude fiscale, le trust fait l’objet de toutes les suspicions. D’ailleurs, il est encadré par la loi visant la fraude fiscale de décembre 2013 (1). Si la jurisprudence française en reconnaît l’existence, ses contours juridiques demeurent encore flous et nombreuses sont les difficultés pour appréhender en droit interne ce dispositif de common law.
Le registre public des trusts est mort né.
En 2013 (2), le législateur a institué un registre recensant diverses données relatives aux administrateurs, aux constituants et aux bénéficiaires de trusts déclarés. Le 10 mai 2016, passablement ébranlé par l’affaire des Panama Papers, l’exécutif a adopté le décret (3), annoncé trois ans plus tôt, pour définir les modalités de consultation du registre. Le laps de temps écoulé entre la loi et la publication de ce texte laisse d’ailleurs penser que le législateur doutait ab initio de la validité de son dispositif. Le 23 juin 2016, un recours pour excès de pouvoir a été déposé auprès du Conseil d’Etat pour sursoir à l’exécution du texte d’application. Il n’a pas empêché la mise en ligne du registre public le 4 juillet 2016, auquel toute personne disposant d’un identifiant fiscal pouvait accéder sans restriction ni encadrement.
Les faits.
Mme Helen S., ressortissante américaine domiciliée en France, a déclaré à l’administration fiscale divers trusts constitués aux Etats-Unis en vue de sa succession. Elle a demandé au juge des référés de suspendre provisoirement le décret du 10 mai au motif que la libre consultation du registre « est de nature à porter une atteinte grave et disproportionnée à sa vie privée en révélant à des tiers ses intentions successorales et en l’exposant aux pressions de personnes de son entourage tendant à ce qu’elle les modifie ». Le 22 juillet, la Haute juridiction a ordonné la suspension du texte litigieux et saisit parallèlement le Conseil constitutionnel d’une QPC (n°2016-591) sur la conformité du caractère public du registre (L’Agefi Actifs, n°682, p. 15)
Abrogation du dispositif.
Les conseillers sont allés au-delà des espoirs de la requérante et de ses conseils, qui ne contestaient que le caractère public du registre. C’est l’existence même du registre que les Sages ont censurée dans leur décision du 21 octobre au motif que la mise à disposition d’informations personnelles au profit de tierces personnes ne saurait être justifiée par des impératifs de lutte contre la fraude fiscale. « Si le législateur entend créer un nouveau registre des trusts, il devra veiller à restreindre le cercle des personnes y ayant accès, sur les modèles des fichiers Ficovie et Ficoba », précise Stéphanie Auféril, avocat associé du cabinet Arkwood, qui a porté le dossier devant le Conseil. Les informations déclarées ne sont pas pour autant perdues, l’administration fiscale en conserve l’usage pour sanctionner les fraudeurs.
L’amende trust en sursis.
Le registre n’est pas le seul sujet qui alimente l’actualité des trusts puisque la pénalité de 12,5 % appliquée aux administrateurs de trusts manquant à leurs obligations déclaratives (réduite à 3,75 % et 7,5 % en cas de régularisation devant le Service de traitement des déclarations rectificatives - STDR) est également sur la sellette. Par un arrêt du 13 octobre 2016 (n°402318), le Conseil d’Etat a refusé de transmettre la QPC déposée par l’Association (fictive) des contribuables repentis visant à obtenir l’abrogation de cette sanction. Derrière cet organisme se cachaient deux avocats, n’ayant aucun client bénéficiaire de trust en cours de régularisation mais décidés à exploiter la brèche ouverte par la décision du 22 juillet du Conseil constitutionnel. Le Rapporteur public, bien que favorable sur le fonds à cette QPC, n’a eu d’autre choix que de la rejeter puisque l’association n’avait aucun intérêt à agir. « Trois mois de perdus ! », conclut Marc Bornhauser, avocat fiscaliste associé qui a déposé un nouveau recours pour excès de pouvoir (REP) avec QPC pour l’un de ses clients, engagé dans une procédure de régularisation auprès du STDR et qui détient une structure interposée sans être bénéficiaire d’un trust. En l’espèce, soit le Conseil d’Etat rejette la requête et le contribuable – qui n’a pas d’intérêt à agir en l’absence de trust – ne peut pas être redevable de l’amende de 12,5 %, ce qui obligerait le STDR à appliquer strictement cette sanction. Soit il transmet la QPC au Conseil constitutionnel qui, ayant retoqué l’amende de 5 % applicable aux avoirs étrangers non déclarés, ne pourrait, sans se déjuger, considérer comme proportionnée et conforme une amende de 12,5 % dont l’assiette comprend la totalité des avoirs du trust.
(1) Loi n°2013-1117 du 6 décembre 2013.
(2) Article 1649 AB du CGI.
(3) Décret n°2016-567 du 10 mai 2016.