Hôtels

Une classe d’actifs revêtant un intérêt patrimonial

La détention conjointe de murs d’hôtel et de son fonds de commerce permet à son propriétaire de sortir son investissement de son assiette de calcul de l’ISF - Le placement n’est pas sans risque puisque l’acquéreur n’est plus seulement investisseur immobilier, il est aussi entrepreneur, exploitant un fonds de commerce.

L’investissement hôteliera ceci de spécifique qu’il concerne le plus souvent l’acquisition conjointe des murs et du fonds de commerce, contrairement à d’autres actifs immobiliers. L’investisseur devient ainsi propriétaire, le plus souvent viaune SCI, et exploitant, via une société commerciale. Aussi, soit il gère lui-même son hôtel en entrepreneur aguerri - seul ou affilié à un réseau de franchises ou de chaînes hôtelières volontaires -, soit il conclut un contrat de location gérance ou un mandat de gestion avec une grande marque qui s’octroiera, dans ce dernier cas, des honoraires de gestion.

Pour un particulier fortuné, l’avantage patrimonial est clair : en tant qu’outil de travail, l’hôtel ne rentre pas dans l’assiette de calcul de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF).

Une solution de diversification et d’optimisation fiscale à laquelle Patrick Brispot, responsable de l’ingénierie patrimoniale de CBRE Global Private Solutions, a fréquemment recours pour ses clients. Les investissements peuvent varier de 7 à 100 millions d’euros avec un ticket moyen aux alentours de 10 millions d’euros.

Un rendement variable…

Certains investisseurs, essentiellement des institutionnels - mais on trouve aussi quelques particuliers -,achètent toutefois uniquement des murs d’hôtels, ceux appartenant à de grandes chaînes hôtelières qui externalisent leur immobilier, par exemple, mais les transactions de murs simples, ne sont pas, en nombre, majoritaires.

Dans ce cas, un bail commercial est conclu entre le propriétaire des murs et l’exploitant. A moins que ce dernier ne soit pas en mesure de régler son loyer - qui peut toutefois être variable en fonction du chiffre d’affaires généré par le gestionnaire -, le rendement se veut relativement stable. Comme pour un investissement en immobilier de bureaux, l’investisseur reçoit un loyer encadré par un indice.

C’est d’ailleurs le cas des propriétaires de résidences de tourisme qui ont acquis un logement dans le cadre du dispositif fiscal Censi-Bouvard. Yves Marchal, directeur général Europe du Sud de Jones Lang LaSalle Hôtels, rappelle d’ailleurs que « ce modèle de vente à la découpe par appartements ne se serait jamais diffusé auprès du grand public s’il n’avait pas été sécurisé par un bail commercial » (Ndlr : ce qui n’exonère pas les investisseurs de rencontrer un certain nombre de problèmes, lire L’Agefi Actifs n°554, pp. 2 et 3).

… en fonction du modèle d’exploitation arrêté.

En revanche, dans l’hypothèse d’une acquisition fonds de commerce et murs, le cœur des transactions du marché, l’investisseur peut enfiler son costume de gérant ou confier l’exploitation de l’hôtel à un opérateur hôtelier qui opte pour un contrat de location gérance (celui-ci loue le fonds de commerce) ou pour un mandat de gestion (il est prestataire de services).

Dans cette dernière configuration, la plus courante selon les observateurs du secteur, le rendement attendu par l’investisseur est plus incertain, plus cyclique, mais aussi potentiellement plus élevé car il dépend du résultat brut d’exploitation de l’hôtel auquel l’investisseur, propriétaire du fonds de commerce, est directement intéressé en tant qu’entrepreneur. Aussi, alors que le rendement de murs seuls s’établirait entre 6 % et 7 % (loyer net sur montant de l’investissement hors frais de notaires), celui d’un investissement murs et fonds pourrait aller jusqu’à 9 %, voire davantage, mais les modalités de calcul sont variables et peu vérifiables. Certains professionnels privilégient le rapport du résultat brut d’exploitation (RBE) sur le montant de l’acquisition lorsque d’autres inscrivent le résultat net au numérateur.

Transfert du risque vers l’investisseur.

D’après Olivier Bartholin, senior consultantchez CBRE Hôtels, les opérateurs hôteliers fonctionnent aujourd’hui davantage avec des mandats de gestion (lorsqu’ils ne détiennent pas le fonds de commerce et ne sont que prestataires de services) qu’avec des baux commerciaux (lorsqu’ils louent les murs de l’hôtel mais détiennent le fonds de commerce) « qui représentent des engagements bilanciels importants pouvant pénaliser le cours de leur action ».

De plus, alors que les baux commerciaux sont conclus le plus souvent pour neuf ou douze ans, « les mandats de gestion, eux, peuvent avoir une durée de vingt ans, voire beaucoup plus, pour les marques de qualité, ce qui permet de sécuriser leur activité sur le long terme », poursuit-il.

Aussi, c’est bien volontiers que les opérateurs hôteliers transfèrent le risque financier et juridique lié à l’exploitation de l’hôtel à l’investisseur.

Les externalisations nourrissent l’offre.

Que ce soit dans le cadre de grandes externalisations, comme c’est le cas pour Accor ou B&B, ou dans celui de nouveaux projets de construction qu’elles initient (murs ou murs et fonds), les sociétés hôtelières, qui « n’ont pas vocation à être propriétaires », d’après CBRE Hôtels, disposent d’un savoir-faire suffisamment reconnu en France pour trouver des investisseurs, institutionnels ou particuliers fortunés, qui leur font confiance. « C’est une question d’utilisation des ressources. Externaliser leur immobilier en France leur permet de travailler intelligemment d’autres marchés comme le Brésil ou la Chine sur lesquels elles ont besoin de démontrer leur compétence en investissant elles-mêmes dans le pays. Une fois lancée leur marque, elles pourront ensuite faire le même exercice et externaliser », explique Olivier Bartholin.

En province, « les vendeurs sont au deux tiers des hôteliers qui partent à la retraite », déclare Philippe Souterbicq, directeur général de la société Christie + Co spécialisée dans les transactions d’hôtels.

Une demande hétérogène.

Quant aux acheteurs, Philippe Souterbicq les classe en trois catégories : les investisseurs professionnels, d’abord, souvent multipropriétaires, qui utilisent la dette comme effet de levier et se positionnent sur des fonds de commerce avec ou sans les murs. On trouve ensuite les investisseurs institutionnels, fonds d’investissement, assureurs qui investissent sur des projets en général supérieur à 20 millions d’euros.

Enfin, restent les investisseurs opérationnels, ceux qui vont diriger eux-mêmes leur hôtel (moins d’une cinquantaine de chambres en général) et s’impliquer, directement ou indirectement, dans sa gestion quotidienne. Il peut s’agir d’anciens directeurs d’hôtels comme de personnes se lançant dans l’hôtellerie à la suite de reconversions de fortunes avec des problématiques d’impôt de solidarité sur la fortune (ISF).

Après la cession de leur affaire, ils réinvestissent le fruit de leur vente dans une nouvelle entreprise en acquérant conjointement les murs et fonds d’un ou plusieurs hôtels afin que l’investissement, bien professionnel, soit exonéré d’ISF.

Une classe d’actifs qui fait son chemin.

D’après IPD, « le volume global investi en France en immobilier d’entreprise (bureaux, commerces et logistique) devrait retomber à 12 milliards d’euros en 2012 ».Drainé par de grandes transactions, le marché des hôtels a représenté environ 1,2 milliard d’euros en France en 2011, d’après Jones Lang LaSalle, qui prévoit pour 2012 des volumes similaires. Avec près de 10 % des échanges en immobilier d’entreprise, le marché hôtelier prouve qu’il n’est pas aussi marginal qu’il y paraît mais qu’il constitue une réelle classe d’actifs qui s’installe, au fil du temps, comme « un moyen de diversification ou de spécialisation pour des foncières, des OPCI, des SCPI, et même des particuliers »,conclut Yves Marchal.