Responsabilité des CGP

Une année riche en enseignements

Le législateur et les régulateurs poursuivent leur effort d’éducation du marché et scrutent tout manquement des acteurs financiers à leur devoir de conseil et d’information, au premier rang desquels se trouvent les conseillers en gestion de patrimoine (CGP).
Aujourd’hui, aucun produit, ni aucun réseau de distribution n’échappent à la surveillance des autorités de régulation et des magistrats, qui fixent des standards d’exigence toujours plus élevés. Comme l’a rappelé l’ACPR, dans l’affaire SGP, il n’y a pas et il ne saurait y avoir de petit conseil pour de petits contrats.

Sanctions administratives. Les sanctions des autorités de contrôle ont marqué l’année 2018. C’est ainsi que le 26 février la commission des sanctions de l’ACPR a condamné la société SGP, courtier d’assurance, à 150.000 euros d’amende pour s’être exonérée de son devoir de conseil. Le courtier a failli en prodiguant des conseils non personnalisés et en manipulant le consentement de ses clients. La lutte anti-blanchiment est également hautement surveillée. C’est ainsi qu’un établissement de crédit a écopé en mars d’une amende de huit millions d’euros pour absence de prise en compte du risque de financement du terrorisme dans les retraits d’espèce rendus possibles par des crédits à la consommation. De son côté l’AMF a condamné un cabinet de CGP et ses cogérants à des sanctions pécuniaires de 300.000 et 160.000 euros dans l’affaire Maranatha. Il ressort de cette décision que le distributeur d’un produit est autant responsable que le producteur de la documentation précontractuelle.

Inflation du contentieux. De nombreux professionnels s’accordent pour dire que l’application des textes tels que DDA, MIF 2 ou PRIIP’s présente de nombreux écueils qui laissent augurer d’une évolution à la hausse des actions en responsabilité des conseils en gestion de patrimoine.

Dom-tom défiscalisation (DTD). L’affaire DOM-TOM défiscalisation et la jurisprudence qui s’y rattache continuent d’agiter la communauté des CGP. Le 9 janvier 2018, la cour d’appel de Paris a condamné Hedios Patrimoine, l’un des principaux distributeurs des produits de la société DTD, à indemniser la perte de chance subie par l’un de ses clients. Un arrêt important puisqu’il s’agit de la première décision rendue à l’aune du jugement pénal qui a condamné Jacques Sordes et ses complices à de la prison ferme en février 2017 pour une escroquerie aux panneaux solaires aux Antilles, qui s’inscrivait dans le cadre du dispositif Girardin. Une décision qui dénote avec celle de la cour d’appel de Versailles qui, dans un arrêt du 27 septembre 2018, a déchargé un autre CGP distributeur. Les magistrats, bien qu’ayant reconnu que l’intermédiaire était intervenu en qualité de CIF, ont jugé que l’absence de lettre de mission et de rapport écrit ne sauraient prouver la faute du courtier dès lors que l’investisseur n’établissait pas qu’il avait souffert d’un défaut de conseil à l’origine de son préjudice. La responsabilité du conseiller ne pouvait être engagée dès lors que le dossier de souscription détaillait précisément le schéma technique et fiscal de l’opération et que l’échec de l’opération n'était en rien imputable au CGP. Une décision à rapprocher du jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris qui a débouté plus de 200 investisseurs de leur action en responsabilité contre leur CGP.

Gestion de produits financiers. Le 6 décembre dernier, la Cour de cassation a condamné une société de gestion à rembourser près de 640.000 euros à l’un de ses clients en réparation des lourdes pertes financières que celui-ci a subies. En l’espèce, le gestionnaire a réalisé des investissements non conformes au profil de l’investisseur et les magistrats en ont conclu que ce comportement fautif constituait un préjudice, indemnisable à hauteur des moins-values constatées et du rendement perdu. C’est la première fois que la Cour de cassation consacre l’obligation de résultat qui pèse sur le gestionnaire quant au respect des dispositions du mandat conclu avec son client.

Immobilier défiscalisant. Dans ce domaine les intermédiaires doivent se montrer particulièrement attentif à leur devoir d’information et de conseil. Or, il n’est pas facile pour eux de cerner l’étendue de leurs obligations dans la mesure où la loi se montre assez silencieuse sur le sujet. En conséquence, les textes laissent le soin aux magistrats d’en déterminer les contours. Il ressort de différentes décisions que le devoir d’information impose aux CGP de s’informer en amont sur les caractéristiques des produits qu’ils commercialisent et de les relayer à leurs clients de la manière la plus exhaustive possible. Ensuite leur devoir de conseil les oblige à vérifier que l’opération proposée soit en adéquation avec le profil de l’investisseur et avec ses besoins. Un ensemble d’obligations que la jurisprudence a étendu aux professionnels du droit et du chiffre, à l’image des notaires (Cass. 31 janvier 2018, n°16-19389 et n°16-19445). Dans la plupart des cas, les juges estiment qu’il s’agit pour les intermédiaires en immobilier d’une obligation de moyen, qui ne dédouane pas pour autant les conseillers de toute responsabilité.