
Un retour est envisageable dans de bonnes conditions fiscales

L’annonce du Brexit et le cadre incertain de sa mise en œuvre est l’occasion pour certains nationaux français résidant au Royaume-Uni de se poser la question d’un éventuel retour en France. D’autant plus que, pour ceux installés en Grande-Bretagne au début des années 2000, cet événement coïncide avec la fin de leur statut fiscal privilégié de résident « non domiciled ». Souvent appréhendé, un retour au pays peut néanmoins être réalisé dans de bonnes conditions s’il est bien anticipé.
Certains Français installés au Royaume-Uni bénéficient actuellement du statut de « UK resident non domiciled » qui présente des avantages fiscaux en termes d’impôt sur le revenu et de transmission.
Ce statut est accordé sous réserve de ne pas avoir de liens étroits avec le Royaume-Uni avant son arrivée sur le territoire et de justifier d’une installation temporaire. Il permet aux nouveaux arrivants sur le sol britannique d’être imposés non pas sur leurs revenus mondiaux mais, sur option, sur leurs revenus de source britannique et sur leurs revenus étrangers rapatriés au Royaume-Uni. Les revenus réalisés hors du Royaume-Uni y sont ainsi exonérés d’impôt tant qu’ils n’y sont pas rapatriés. Cette option est gratuite les sept premières années, puis conditionnée au paiement d’un forfait annuel (« remittance basis charge ») de 30.000 livres au-delà de sept ans de résidence, 60.000 livres après douze ans et 90.000 livres au-delà de dix-sept ans.
Une réforme du statut change la donne.
La qualification de résident « non domiciled » présente également des conséquences fiscales en matière de transmission. En cas de décès, l’imposition aux droits de succession britanniques ne porte pas sur le patrimoine mondial du défunt mais uniquement sur son patrimoine situé au Royaume-Uni, conduisant dans certains cas à une exonération de droits de succession sur des biens situés à l’étranger.
A la suite d’une réforme du statut de « non domiciled » qui entrerait en vigueur à partir d’avril 2017, le redevable perdra ce statut de résident dès lors qu’il est installé depuis plus de quinze ans au Royaume-Uni. Si cette règle était déjà applicable en matière de transmission, elle aura des incidences au regard de l’impôt sur le revenu. Dès lors, les redevables ayant opté par le passé pour la « remittance basis » seront soumis sur la totalité de leurs revenus à l’impôt au Royaume-Uni, quel que soit leur Etat de source, qu’ils soient rapatriés ou non (sous réserve de l’application des conventions fiscales), à un taux équivalent à celui applicable en France (45 % au-delà de 150.000 livres). En matière de transmission, le patrimoine mondial devient imposable aux droits de succession britanniques (sous réserve de l’application des conventions fiscales) qui prévoit, comme en France, une exonération du conjoint survivant et une imposition au taux de 40 % au-delà de 325.000 livres entre parent et enfant.
Indépendamment de la qualité de résident « non domiciled », il n’existe pas d’ISF au Royaume Uni, soit une économie supplémentaire pour les Français résidents britanniques. Ces derniers demeurent toutefois redevables de l’ISF français sur certaines catégories d’actifs comme les biens immobiliers situés en France lorsque le patrimoine taxable en France excède 1,3 million d’euros.
Un retour en France bien préparé peut s’effectuer sans coût fiscal dissuasif. La France dispose en effet, pour les impatriés, de deux dispositifs incitatifs relatifs à l’impôt sur le revenu et à l’ISF. Ces régimes de faveur, introduits par la loi de Finances rectificative pour 2003 puis modifiés substantiellement par la loi du 4 août 2008, poursuivent deux objectifs principaux : attirer des travailleurs qualifiés mais également encourager les expatriés français à revenir en France.
Il est notamment prévu une exonération partielle et temporaire d’impôt sur les revenus des impatriés établissant leur domicile fiscal en France. Afin de bénéficier de ce régime de faveur, les personnes concernées ne doivent pas avoir été fiscalement domiciliées en France au cours des cinq dernières années précédant leur prise de fonction et doivent établir leur domicile fiscal en France à cette occasion.
Une distinction doit toutefois être observée entre les impatriés salariés et les impatriés non salariés. Si l’impatrié salarié bénéficie du dispositif dès lors qu’il est recruté de l’étranger par une entreprise établie en France, l’impatrié non salarié doit demander un agrément préalable et justifier d’une activité professionnelle qui représente un apport particulier à l’économie française. Les dirigeants de sociétés anonymes (SA et SAS), les gérants minoritaires de SARL ainsi que les dirigeants d’entreprise soumis au régime fiscal des salariés sont considérés comme des impatriés salariés.
Pour les impatriés salariés, ce régime ouvre droit à une exonération d’impôt sur le revenu de la prime d’impatriation et de la fraction de rémunération correspondant à l’activité exercée à l’étranger. Il est également possible de déduire partiellement les cotisations versées aux régimes de retraite supplémentaires et de prévoyance complémentaire étrangers auxquels le contribuable était affilié avant son arrivée en France. Les personnes impatriées peuvent également bénéficier, pendant la durée d’application du régime, d’une exonération d’impôt sur le revenu à hauteur de 50 % du montant de certains « revenus passifs » perçus à l’étranger. Par revenus passifs, le législateur entend les produits de la propriété intellectuelle ou industrielle, les dividendes, les intérêts et les gains réalisés lors de la cession de titres étrangers.
Cette période d’exonération précédemment fixée à cinq ans a fait l’objet d’un allongement à huit ans dans la loi de Finances pour 2017 pour les salariés et dirigeants qui ont pris leur fonction à compter du 6 juillet 2016. L’allongement de la période d’exonération est accompagné pour les employeurs d’une exonération de taxe sur les salaires versés aux personnes bénéficiant du régime des impatriés pendant huit ans. Ces modifications récentes font directement écho à la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne et visent notamment à attirer les cadres du secteur financier et de l’assurance en France. Le régime applicable aux impatriés non salariés leur permet de bénéficier d’une exonération d’impôt sur le revenu de 30 % de leur rémunération et de 50 % de leurs revenus passifs.
Des exonérations à l’ISF.
S’agissant de l’ISF, les critères du régime des impatriés sont beaucoup plus souples. Pour en bénéficier, il suffit de ne pas avoir été fiscalement domicilié en France au cours des cinq années civiles précédant celle au cours de laquelle le contribuable s’installe en France. Sous réserve de respecter cette condition, seuls les biens du contribuable situés en France sont imposables à l’ISF. Il en résulte que les biens situés à l’étranger tel un contrat d’assurance vie luxembourgeois ou un bien immobilier britannique ne sont pas pris en compte dans l’ISF. Cette exonération s’applique jusqu’au 31 décembre de la cinquième année qui suit celle au cours de laquelle le domicile fiscal a été établi en France.
Ces deux dispositifs permettent temporairement aux impatriés de bénéficier d’un cadre fiscal favorable. En matière de transmission, les conjoints résidents français sont exonérés de droits de succession, tout comme au Royaume-Uni. En ligne directe, les enfants bénéficient d’un abattement de 100.000 euros et sont ensuite imposés selon un barème progressif dont le taux marginal est de 45 % à partir de 1,8 million d’euros, contre 40 % au Royaume-Uni dès 325.000 livres. Il est par ailleurs possible de bénéficier d’un régime plus favorable en matière de transmission lorsque le contribuable souscrit un contrat d’assurance vie avant 70 ans. Dans ce cas, les capitaux décès sont exonérés à hauteur de 152.500 euros par bénéficiaire puis les 700.000 euros suivants sont taxés à 20 % et 31,25 % au-delà. Si le contrat d’assurance vie est aussi un mode de détention reconnu au Royaume Uni, il ne bénéficie d’aucun avantage en matière successorale.
Un retour en France ne signifie donc pas inéluctablement une augmentation de la charge fiscale. Toutefois, les pays européens rivalisent d’ingéniosité pour attirer les contribuables qualifiés et fortunés à l’image du Royaume-Uni et son régime de résident « non domiciled ». Ce dispositif précurseur a été dupliqué et adapté sous différentes forme au Portugal, en Espagne et plus récemment en Italie. Le Brexit venant sonner le glas de l’ère européenne au Royaume-Uni, les contribuables fortunés et mobiles seront-ils prêts à succomber aux charmes des autres pays européens disposés à leur ouvrir les bras ?