Droit des sociétés

Un outil au service du chef d’entreprise

Olivier Chomono, directeur associé, La Curatélaire
Le jeudi 5 avril 2018 s’est tenu à Paris un colloque interprofessionnel sur le sujet de la protection de l’entreprise face au risque de dépendance de son dirigeant.
Les professionnels présents à cette manifestation ont mis en évidence l’intérêt grandissant du mandat de protection future pour assurer la pérennité d'une entreprise
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Instauré par la loi du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs et inséré aux articles 477 et suivants du Code civil, le mandat de protection future est un outil complet d’anticipation et de gestion de patrimoine. Il autorise le transfert d’un pouvoir général de représentation à un ou plusieurs mandataires librement désignés, sur tout ou partie d’un patrimoine personnel et professionnel, en cas de nécessité. Le mandat évite la saisie du juge des tutelles et l’ouverture, souvent subie, d’une curatelle, d’une tutelle ou d’une habilitation familiale. Le chef d’entreprise peut ainsi désigner lui-même, à l’avance, la ou les personnes qui prendront la suite des opérations s’il devait se trouver dans l’incapacité de pourvoir seul à ses intérêts. Le dirigeant peut définir les modalités de gestion de son patrimoine et les conditions
du contrôle de la bonne exécution de son mandat.

Autonomie de la volonté. Cette mesure de protection conventionnelle qui peut s’étendre à la protection de la personne vient ainsi compléter opportunément les dispositifs judiciaires existants. La curatelle et la tutelle sont rarement adaptées à la situation particulière du chef d’entreprise du fait de la rigidité des procédures et des délais de traitement administratifs qui caractérisent leur fonctionnement. L’apparition de cette mesure de protection extrajudiciaire dans le Code civil consacre le principe de l’autonomie de la volonté.

La forme du mandat. L’étendue des pouvoirs du mandataire dépend de la forme du mandat qui peut être établi sous seing privé ou sous la forme authentique, devant notaire. Lorsque le mandat est rédigé sous seing privé, l’action du mandataire est limitée aux simples actes de gestion courante tels que définis à l’article 496 du Code civil, et tels qu’illustrés dans les annexes du décret du 22 décembre 2008 relatives à la curatelle ou à la tutelle. Pour les opérations qui dépassent les simples actes de gestion, le mandataire doit adresser une requête préalable au tribunal d’instance afin de solliciter l’autorisation d’un magistrat.
C’est notamment le cas lorsqu’il s’agit de vendre un immeuble ou de l’apporter en société, de renouveler un bail commercial, de commander des grosses réparations sur un immeuble, de placer des sommes d’argent, de vendre des instruments financiers, ou encore de se prononcer sur une résolution en assemblée extraordinaire.

Mandat notarié. Le mandat lorsqu’il est notarié offre au mandataire toutes les prérogatives reconnues à un tuteur sans qu’il soit besoin de solliciter le juge des tutelles pour la conclusion d’actes à titre onéreux (sauf protection du logement et des comptes bancaires). La gestion d’une entreprise demande de la réactivité, le dirigeant a donc tout intérêt à s’orienter vers un mandat authentique dont l’intérêt majeur est de supprimer les délais de traitement des demandes d’autorisation judiciaire.

Rédaction du mandat notarié. Un soin particulier doit être apporté à la rédaction du mandat et nul projet d’acte ne devrait être engagé sans une étude préalable de la situation globale du chef d’entreprise. Cette étude doit intégrer un audit patrimonial personnel et professionnel complet afin d’identifier l’étendue du patrimoine à gérer et de s’assurer de la bonne compréhension des stratégies engagées. La dimension familiale et fiscale propre aux différents modes de détention des actifs patrimoniaux est de première importance, il est donc opportun d’y faire référence dans le mandat. Pour être en parfaite adéquation avec la situation du dirigeant, le mandat exige une rédaction «sur-mesure» et non pas standardisée.

Conclusion du mandat. Le mandat de protection future peut être conclu alors même que des héritiers sont en âge et en capacité de reprendre les affaires du mandant. La désignation d’un mandataire en dehors de la sphère familiale est libre mais peut générer un sentiment de défiance à l’endroit du repreneur surtout en présence d’un proche se pensant plus légitime pour poursuivre l’activité de l’entreprise.
Pour prévenir les risques d’incompréhension et de contestation, il est conseillé au mandant d’exposer en préambule du mandat ses motivations.

Choix du mandataire. Le chef d’entreprise peut désigner la ou les personne(s) de son choix sur des critères d’affinités, de confiance, de disponibilité et de compétences. Le mandataire peut être un héritier, un parent, un ami, un collaborateur, un associé, un conseil… et même une personne morale à condition que cette dernière figure sur la liste des mandataires judiciaires à la protection des majeurs, tenue par le représentant de l’Etat dans le département. Il existe cependant quelques restrictions, notamment pour les professions médicales – y compris les auxiliaires médicaux – et de la pharmacie qui ne peuvent pas représenter leur patient dans le cadre d’un mandat. Sont également exclus du dispositif les fiduciaires, les personnes à qui l'autorité parentale a été retirée ou celles qui ont interdiction d’exercer des charges tutélaires. Le conseiller en gestion de patrimoine qui serait mandaté par son client devra respecter les précautions d’usage pour prévenir tout conflit d’intérêts. Dans la plupart des cas, il arbitrera entre sa mission de conseil ou de gestion et son pouvoir de représentation.

Pouvoirs du mandataire. Le mandataire désigné exécute sa mission personnellement. Il peut, le cas échéant si le mandat le prévoit, être accompagné dans ses choix par les professionnels et conseillers présents de manière historique aux côtés du mandant. En cas de besoin, le mandataire pourra être autorisé à déléguer ses pouvoirs à un tiers pour la conclusion d’actes particuliers. A noter qu’en cas de délégation de pouvoir, le mandataire reste seul responsable de la bonne exécution de l’opération concernée.

Rémunération contractuelle. La liberté contractuelle qui encadre la rédaction du mandat notarié permet au dirigeant de définir librement le mode de rémunération du mandataire. La somme allouée peut ainsi être forfaitaire, ou proportionnelle en fonction de critères définis. Le mandat pourra prévoir la révision de la rémunération selon un indice pérenne ; la date d’effet du mandat et sa durée d’exécution étant par définition inconnues lors de sa rédaction.

Activation du mandat. Le mandat de protection future ne produit aucun effet tant que le chef d’entreprise reste en pleine possession de ses facultés. Lorsque l’état de santé du dirigeant ne lui permet plus de poursuivre seul la gestion de ses affaires, il convient de faire constater la situation par un médecin qui établit un certificat médical. La liste des médecins habilités est disponible au tribunal d’instance ou auprès des services du procureur de la République. Le mandataire se présente alors en personne au greffe du tribunal d'instance accompagné du mandant, muni de la copie authentique du mandat, du certificat médical, d’une pièce d'identité et d’un justificatif de domicile. Si les conditions requises sont remplies, le greffier paraphe chaque page du mandat, mentionne la date de sa présentation, y appose son visa avant de le restituer au mandataire accompagné des pièces produites.

Missions du mandataire. A compter de sa prise d’effet, le mandat fonctionne comme une procuration générale aux pouvoirs étendus. Lorsque c’est nécessaire le mandataire représente le mandant pour tous les actes à titre onéreux de la vie civile. Il exécute la mission qui lui est confiée conformément aux stipulations du mandat et aux dispositions du Code civil. Dans les autres situations, le mandant qui ne perd pas sa capacité d’exercice peut continuer à conclure des actes dans la limite de ses facultés de discernement. La première mission du mandataire est d’établir un inventaire du patrimoine personnel et professionnel du mandant et de s’assurer de son actualisation tout au long de sa mission. Lorsque le mandat est rédigé sous la forme authentique, l’inventaire est adressé au notaire rédacteur de l’acte qui en assure la conservation. Au regard de l’entreprise, le mandataire représente les droits de l’associé ou de l’actionnaire. Il participe au vote en assemblées ordinaires et extraordinaires et peut ainsi prendre part à la nomination d’un nouveau dirigeant. En aucun cas le mandataire ne peut représenter le chef d’entreprise dans ses fonctions statutaires. Seul le recours au droit des sociétés permet d’organiser la poursuite de la fonction du dirigeant au sein de la société.

Renforcement des pouvoirs. Le mandat de protection future étant un dispositif dont l’étendue évolue avec la situation du chef d’entreprise, le mandant peut continuer d'agir de lui-même. Cette caractéristique parfois critiquée garantit au contraire le respect des libertés individuelles, des droits fondamentaux et de la dignité de la personne, en favorisant dans la mesure du possible l'autonomie du mandant. Lorsque l’évolution de la pathologie du dirigeant commande que sa capacité à agir seul soit limitée, les pouvoirs du mandataire peuvent être renforcés par la mise en place d’une mesure de protection juridique complémentaire. Le chef d’entreprise est ainsi assuré de la pérennité de son mandat dans un cadre sécurisé.

Contrôle de l’exécution du mandat. Il n’est pas de pouvoir sans responsabilités, ni de responsabilités sans contrôle. Le défaut de contrôle du fonctionnement des mesures de protection judiciaire dénoncé dans le dernier rapport de la Cour des comptes peut être pallié grâce au mandat de protection future. Légalement, le notaire rédacteur du mandat contrôle le respect des stipulations du contrat, toutefois le mandataire peut librement confier à toute personne physique ou morale la charge d’exercer un contrôle complémentaire. A compter de la prise d’effet du mandat, le mandataire rend compte annuellement de sa mission selon les conditions fixées dans le mandat. Il établit un compte-rendu de gestion qui détaille le montant et la nature des transactions engagées sur la période. Le notaire rédacteur de l’acte assure la conservation de ce compte rendu.

Double protection. Le mandat vient en complément des mesures de protection du dirigeant prévues par le droit de sociétés. Le mandataire n’est pas autorisé à remplacer le chef d’entreprise dans ses fonctions. Il ne peut devenir ni administrateur, ni dirigeant, mais peut participer à son remplacement par l’expression de son vote en assemblée. L’article 1160 du Code civil impose la destitution immédiate du dirigeant atteint d'une incapacité ou frappé d'une interdiction. Cependant le mandat de protection future n’a pas pour objet de priver le mandant de ses fonctions. Cette particularité permet de disposer d’un délai raisonnable pour le remplacement du représentant de la société. Le dirigeant serait en revanche mal inspiré de rester en place durablement s’il ne veut pas risquer l’annulation de ses décisions pour insanité d’esprit et sa révocation judiciaire pour juste motif.

Dans une société en nom collectif (SNC). Le fonctionnement du mandat de protection future assure la continuité de la SNC lorsque l’un des associés ne peut plus exercer. A défaut de dispositions statutaires ou de décision unanime des autres associés, l’ouverture d’une mesure de protection incapacitante (curatelle, tutelle ou habilitation familiale) à l’encontre de l’un des associés entraîne la dissolution de la société.

Dans une société anonyme (SA) ou par actions simplifiée (SAS).  Lorsque la société dispose d’un conseil d’administration, les administrateurs peuvent remplacer le président défaillant par l’un de leurs membres ou nommer provisoirement un nouveau dirigeant. Si l’intérim est assuré par le directeur général, il est préférable qu’il soit secondé par un ou plusieurs directeurs généraux délégués. Pour les SA organisées autour d’un directoire et d’un conseil de surveillance, le conseil peut désigner un directeur général parmi les membres du directoire, sous réserve que les statuts le prévoient. Dans cette hypothèse, le directeur général est investi des mêmes pouvoirs de représentation que le président empêché et peut ainsi prendre la suite des opérations sans interruption. Dans une SAS, les associés jouissent d’une grande liberté statutaire et peuvent anticiper l’empêchement du dirigeant (art. L.227-5 du Code de commerce) en désignant dans les statuts le nom de la personne qui le remplacera. Ils peuvent également opter pour la convocation d’un comité d’actionnaires et le charger de la nomination d’un remplaçant.

Dans une société à responsabilité limitée (SARL) ou civile. Dans ces deux formes de société, les greffes ne reconnaissent pas systématiquement la désignation d’un gérant successif et peuvent exiger que le gérant remplaçant soit obligatoirement nommé par une décision des associés. Par précaution, une clause peut être insérée dans les statuts afin d’organiser la démission du gérant. Cependant, dans la mesure où les textes autorisent explicitement la cogérance, la mise en place d’une direction à deux têtes permettra d’assurer la continuité de la société en cas d’empêchement de l’un des gérants. Le cas échéant, l’instauration d’un mandat de protection future est l’occasion de réviser les statuts de la société pour les mettre en cohérence avec les dispositions du mandat et de s’interroger sur la forme sociale de l’entreprise.

Conclusion. Le talent d’anticipation du dirigeant s’illustre par sa capacité à mettre en œuvre aujourd’hui les solutions adaptées aux situations futures. Les chefs d’entreprise, déjà habitués au fonctionnement des mandats et des procurations, sont certainement plus à l’aise en présence d’une solution sur-mesure conçue par un notaire ou un cabinet de conseil spécialisé que par la mise en place d’une réponse standardisée adoptée dans l’urgence, dont le fonctionnement peut se trouver assez éloigné de leur volonté et de leurs objectifs. La mandat de protection conjugué aux dispositions du droit des sociétés offre à chacun la possibilité d’anticiper le moment où il ne sera plus tout à fait capable de gérer son patrimoine personnel ou professionnel.

Mandat de protection future. Instauré par la loi du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs et inséré aux articles 477 et suivants du Code civil, le mandat de protection future est un outil complet d’anticipation et de gestion de patrimoine. Il autorise le transfert d’un pouvoir général de représentation à un ou plusieurs mandataires librement désignés, sur tout ou partie d’un patrimoine personnel et professionnel, en cas de nécessité. La mise en place du mandat permet d’éviter la saisie du juge des tutelles et l’ouverture, souvent subie, d’une curatelle ou d’une tutelle ou encore d’une habilitation familiale. Le chef d’entreprise peut ainsi désigner lui-même, à l’avance, la ou les personnes qui prendront la suite des opérations s’il devait se trouver dans l’incapacité de pourvoir seul à ses intérêts. Le dirigeant peut stipuler les modalités de gestion de son patrimoine ainsi que les conditions de contrôle de la bonne exécution de son mandat.

Autonomie de la volonté. Cette mesure de protection conventionnelle qui peut s’étendre à la protection de la personne vient ainsi compléter opportunément les dispositifs judiciaires existants. La curatelle et la tutelle sont rarement adaptées à la situation particulière du chef d’entreprise du fait de la rigidité des procédures et des délais de traitement administratifs qui caractérisent leur fonctionnement. L’apparition de cette mesure de protection extrajudiciaire dans le Code civil assoit le concept de l’autonomie de la volonté de la personne et du primat de la volonté individuelle anticipée selon les principes que la volonté humaine est suffisamment forte pour se donner elle-même sa propre loi et que les individus sont les meilleurs défenseurs de leurs propres intérêts.

La forme du mandat. L’étendue des pouvoirs du mandataire dépend la forme du mandat qui peut être établi sous seing-privé ou sous la forme authentique, devant notaire. Lorsque le mandat est établi sous seing-privé, l’autonomie d’action du mandataire est limitée aux simples actes de gestion courante tels que définis à l’article 496 du Code civil, et tels qu’illustrés par les annexes du décret du 22 décembre 2008 relatif aux actes de gestion du patrimoine des personnes placées en curatelle ou en tutelle. Pour la conclusion d’une opération plus importante, le mandataire doit adresser une requête préalable au tribunal d’instance afin de solliciter l’autorisation d’un magistrat. C’est notamment le cas lorsqu’il s’agit de vendre un immeuble ou de l’apporter en société, de renouveler un bail commercial, de commander des grosses réparations sur un immeuble, de placer des sommes d’argent, de vendre des instruments financiers, ou encore de se prononcer sur une résolution en assemblée extraordinaire.

Mandat notarié. Le mandat lorsqu’il est notarié offre au mandataire toutes les prérogatives reconnues à un tuteur sans qu’il soit besoin de solliciter le juge des tutelles pour aucun des actes à titre onéreux (sauf protection du logement et des comptes bancaires). La gestion d’une entreprise demande de la réactivité, le dirigeant a donc tout intérêt à s’orienter vers un mandant sous forme authentique dont l’intérêt majeur est de supprimer les délais de traitement des demandes d’autorisation judiciaires.

Rédaction du mandat notarié. Un soin particulier doit être apporté à la rédaction du mandat et nul projet de rédaction ne devrait être engagé sans une étude préalable de la situation globale du chef d’entreprise. Il semble judicieux que cette étude intègre un audit patrimonial personnel et professionnel complet afin d’identifier dès sa mise en place, l’étendue et la consistance du patrimoine à gérer et de s’assurer de la bonne compréhension des stratégies engagées. La dimension familiale et fiscale propre aux différents modes de détention des actifs patrimoniaux est de première importance, il est donc opportun d’y faire référence dans le mandat. Pour être en parfaite adéquation avec la situation du dirigeant, le mandat exige une rédaction « sur-mesure » et non pas standardisée.

Conclusion du mandat. Le mandat de protection future peut être conclu alors même que des héritiers sont en âge et en capacité de reprendre les affaires du mandant. La désignation d’un mandataire en dehors de la sphère familiale est libre mais peut générer un sentiment de défiance à l’endroit du repreneur surtout en présence d’un proche se pensant plus légitime pour poursuivre l’activité de l’entreprise. Pour prévenir les risques d’incompréhension et de contestation, il est conseiller au mandant de rédiger un préambule dans lequel il exposera ses motivations.

Choix du mandataire. Le chef d’entreprise peut désigner la ou les personne(s) de son choix sur des critères d’affinités, de confiance, de disponibilité et de compétences. Le mandataire peut être un héritier, un parent, un ami, un collaborateur, un associé, un conseil… et même une personne morale à condition toutefois que cette dernière figure sur la liste des mandataires judiciaires à la protection des majeurs, tenue par le représentant de l’Etat dans le département. Il existe cependant quelques restrictions, notamment pour les professions médicales – y compris les auxiliaires médicaux – et de la pharmacie qui ne peuvent pas représenter leur patient dans le cadre d’un mandat. Sont également exclus du dispositif les fiduciaires, les personnes à qui l'autorité parentale a été retirée ou celles qui ont interdiction d’exercer des charges tutélaires. Le conseiller en gestion de patrimoine qui serait mandaté par son client devra respecter les précautions d’usage pour prévenir tout conflit d’intérêts. Dans la plupart des cas il arbitrera entre sa mission de conseil ou de gestion, et son pouvoir de représentation.

Pouvoirs du mandataire. Le mandataire désigné exécute sa mission personnellement. Il peut, le cas échéant si le mandat le prévoit, être accompagné dans ses choix par les professionnels et conseils présents de manière historique aux côtés du mandant. En cas de besoin, le mandataire pourra être autorisé à déléguer ses pouvoirs à un tiers pour la conclusion d’actes particuliers. A noter qu’en cas de délégation de pouvoir le mandataire reste seul responsable de la bonne exécution de l’opération concernée.

Rémunération contractuelle. La liberté contractuelle qui encadre la rédaction du mandat notarié permet au dirigeant de définir librement le mode de rémunération du mandataire. La somme peut ainsi être forfaitaire, ou proportionnelle en fonction de critères définis. Le mandat pourra prévoir la révision de la rémunération selon un indice pérenne ; la date d’effet du mandat et sa durée d’exécution étant par définition inconnues lors de sa rédaction.

Activation du mandat. Le mandat de protection future ne produit aucun effet tant que le chef d’entreprise reste en pleine possession de ses facultés. Lorsque l’état de santé du dirigeant ne lui permet plus de poursuivre seul la gestion de ses affaires, il convient de faire constater la situation par un médecin habilité qui établit un certificat médical. La liste des médecins habilités est disponible au tribunal d’instance ou auprès des services du procureur de la République. Le mandataire se présente alors en personne au greffe du tribunal d'instance accompagné du mandant, muni de la copie authentique du mandat, du certificat médical, d’une pièce d'identité et d’un justificatif de domicile. Si l'ensemble des conditions requises est rempli, le greffier paraphe chaque page du mandat, mentionne la date de sa présentation, y appose son visa avant de le restituer au mandataire accompagné des pièces produites.

Missions du mandataire. A compter de sa prise d’effet, le mandat fonctionne comme une procuration générale aux pouvoirs étendus. Lorsque c’est nécessaire le mandataire représente le mandant pour tous les actes à titre onéreux de la vie civile. Il exécute la mission qui lui est confiée conformément aux stipulations du mandat et aux dispositions du Code civil. Dans les autres situations, le mandant qui ne perd pas sa capacité d’exercice peut continuer à conclure des actes dans la limite de ses facultés résiduelles. La première mission du mandataire est d’établir un inventaire du patrimoine personnel et professionnel du mandant et de s’assurer de son actualisation tout au long de sa mission. Lorsque le mandat est rédigé sous la forme authentique, l’inventaire est adressé au notaire rédacteur de l’acte qui en assure la conservation. Au regard de l’entreprise le mandataire représente les droits de l’associé ou de l’actionnaire. Il participe au vote en assemblée ordinaire et extraordinaire et peut ainsi prendre part à la nomination d’un nouveau dirigeant. En aucun cas le mandataire ne peut représenter le chef d’entreprise dans ses fonctions statutaires. Seul le recours au droit des sociétés permet d’organiser la poursuite de la fonction du dirigeant au sein de la société.

Renforcement des pouvoirs. Le mandat de protection future étant un dispositif de protection collaborative proportionné à l’évolution de la situation du chef d’entreprise, le mandant peut continuer d'agir de lui-même. Cette caractéristique parfois critiquée garantit au contraire le respect des libertés individuelles, des droits fondamentaux et de la dignité de la personne en favorisant dans la mesure du possible, l'autonomie du mandant. Lorsque l’évolution de la pathologie du mandant commande que sa capacité à agir seul soit limitée, les pouvoirs du mandataire peuvent être renforcés par la mise en place d’une mesure de protection juridique complémentaire. Le chef d’entreprise est ainsi assuré de la pérennité de son mandat dans un cadre sécurisé.

Contrôle de l’exécution du mandat. Il n’est pas de pouvoir sans responsabilités, ni de responsabilités sans contrôle. Le défaut de contrôle du fonctionnement des mesures de protection judiciaire dénoncé dans le dernier rapport de la Cour des comptes trouve dans le mandat de protection future une réponse de nature contractuelle. Légalement, le notaire rédacteur du mandat contrôle le respect des stipulations du contrat, toutefois le mandataire peut librement confier à toute personne physique ou morale le charge d’exercer un contrôle complémentaire. A compter de la prise d’effet du mandat, le mandataire rend compte annuellement de sa mission selon les conditions fixées dans le mandat. Le mandataire établit un compte-rendu de gestion qui détaille le montant et la nature des transactions engagées sur la période. Le notaire rédacteur de l’acte assure la conservation du compte rendu de gestion.

Double protection. Le mandat vient en complément des mesures de protection prévues par le droit de sociétés à destination des dirigeants. Le remplacement du chef d’entreprise dans ses fonctions n’entre pas dans la sphère des pouvoirs du mandataire. La personne désignée ne peut pas devenir administrateur ou dirigeant d’entreprise en vertu du mandat de protection future, mais elle peut participer à son remplacement par l’expression de son vote en assemblée. L’article 1160 du Code civil impose la destitution immédiate du dirigeant atteint d'une incapacité ou frappé d'une interdiction. Cependant le mandat de protection future n’a pas pour objet de priver le mandant de ses fonctions. Cette particularité permet de disposer d’un délai raisonnable pour le remplacement du représentant de la société. Le dirigeant serait en revanche mal inspiré de rester en place durablement s’il ne veut pas risquer l’annulation de ses décisions pour insanité d’esprit et sa révocation judiciaire pour juste motif.

Dans une société en nom collectif (SNC). Le fonctionnement du mandat de protection future assure la continuité de la SNC lorsque l’un des associés ne peut plus exercer. A défaut de dispositions statutaires ou de décision unanime des autres associés, l’ouverture d’une mesure de protection incapacitante (curatelle, tutelle ou habilitation familiale) à l’encontre de l’un des associés entraîne la dissolution de la société.

Dans une société anonyme (SA) ou par actions simplifiée (SAS). En cas de défaillance, le président d’une SA est remplacé temporairement par son directeur général en attendant que le conseil d’administration désigne un nouveau président. Lorsque la SA comporte un conseil de surveillance, les mêmes règles s’appliquent par le support du vice-président et du conseil. Dans une SAS, les associés jouissent d’une grande liberté statutaire et peuvent anticiper l’empêchement du dirigeant (art. L.227-5 du Code de commerce) en désignant dans les statuts le nom de la personne qui le remplacera ou encore d’organiser la nomination d’un remplaçant en recourant à un comité d’actionnaires.

Dans une société à responsabilité limitée (SARL) ou civile. Dans ces deux formes de société, les greffes ne reconnaissent pas systématiquement la désignation d’un gérant successif et peuvent exiger que le gérant remplaçant soit obligatoirement nommé par une décision des associés. Par précaution, une clause peut être insérée dans les statuts afin d’organiser la démission du gérant. La mise en place de parts assorties d’un droit de vote plural peut faire écho aux stipulations du mandat de protection future organisant la participation du mandataire à l’assemblée désignant le nouveau gérant. La cogérance est en revanche explicitement prévue par les textes. La mise en place du mandat de protection future peut induire une utile révision des statuts de la société. Ces derniers devront être cohérents avec les stipulations du mandat et il sera parfois même nécessaire de s’interroger sur l’opportunité de modifier la forme sociale de l’entreprise au regard des stratégies de sauvegarde envisagées.

Conclusion. Le talent d’anticipation du dirigeant s’illustre par sa capacité à mettre en œuvre aujourd’hui les solutions adaptées aux situations futures. Les chefs d’entreprise, déjà habitués au fonctionnement des mandats et des procurations, sont certainement plus à l’aise en présence d’une solution sur-mesure conçue par un notaire ou un cabinet de conseil spécialisé que par la mise en place d’une réponse standardisée adoptée dans l’urgence, dont le fonctionnement peut se trouver assez éloigné de leur volonté et de leurs objectifs. La rédaction d’un mandat de protection combiné à l’articulation du droit des sociétés offre à chacun la possibilité d’anticiper le moment où nous ne serons plus tout à fait capables de gérer notre patrimoine personnel ou professionnel.