
Un contrôle accru sur les produits à risque

INTERMÉDIATION EN BIENS DIVERS
L’appétit des épargnants pour des investissements plus rémunérateurs n’a pas échappé à certains intermédiaires qui se sont dès lors emparés du créneau. Manuscrits, vins, diamants, minerais et métaux rares… l’offre est pléthorique et les contentieux se multiplient. A titre d’exemple, avant de faire l’objet de poursuites judiciaires, les membres du réseau Marble Art Invest – spécialisés dans le courtage en art contemporain – et leurs distributeurs – notamment des CGP – ont été condamnés en 2014 par l’Autorité des marchés financiers (AMF) à des amendes allant de 4.500 euros à un million d’euros. Au terme des prestations proposées, la Commission des sanctions a retenu que les mis en cause avaient la qualité d’intermédiaires en biens divers et qu’à ce titre, ils auraient dû se soumettre au contrôle de l’AMF préalablement à la diffusion de leurs produits. Depuis, la loi Sapin II de décembre 2016 a révisé le dispositif de contrôle des investissements atypiques (L’Agefi Actifs n°690, p. 23).
Contrôle a priori.
Désormais, quelle que soit la catégorie du produit, tous les intermédiaires en biens divers doivent soumettre leur documentation promotionnelle à l’examen de l’AMF qui en vérifie la conformité, préalablement à toute communication ou démarchage auprès du public. Le législateur a entendu remédier à une distorsion de traitement en uniformisant le régime de contrôle a priori des activités de ces intermédiaires. Pour rappel, la loi Hamon du 17 mars 2014 (1) a institué deux régimes juridiques distincts, l’un dit « normal », l’autre « allégé » pour encadrer les biens divers. Jusque-là, l’AMF exerçait un contrôle préalable uniquement sur les biens du régime « normal » visés au I de l’article L.550-1 du CMF – c’est-à-dire les produits dont le client délègue la gestion ou ceux qui offrent une faculté de reprise ou d’échange et la revalorisation du capital investi. A contrario, la seconde catégorie de biens visée par le CMF – celle soumise à un « régime allégé » (art. L550-1, II du CMF) – était exemptée de vérification a priori. C’est seulement en cours de vie du produit que le régulateur pouvait se faire communiquer les documents promotionnels pour en vérifier la régularité.
Des modalités à définir.
Il revient à ces intermédiaires d’établir un projet de document d’information qu’ils déposent à l’AMF accompagnés des projets de contrats types. Il est prévu que ces documents comportent toutes les indications utiles à l’information des épargnants, dont une description de la nature et de l’objet de l’opération proposée. L’identité de l’initiateur et des gestionnaires des biens doit être dévoilée. Il est aussi question d’indiquer le montant des frais supportés par l’épargnant et de préciser les modalités de revente des droits et des biens acquis. Le superviseur dispose d’un délai de deux mois pour se prononcer sur la validité de ces documents. Les opérations de promotion et de démarchage ne pourront être engagées qu’une fois l’agrément de l’AMF recueilli et, le cas échéant, ses observations respectées. Toutefois, les conditions d’établissement de ce document d’information ne seront clairement connues qu’après publication d’un décret en Conseil d’Etat.
Garanties.
L’AMF est habilitée à déterminer le niveau minimum des garanties que l’intermédiaire devra constituer pour être autorisé sur le marché. Ce qui implique d’aménager le Règlement général de l’AMF (RGAMF) : une consultation publique a été lancée pour recueillir les observations de la Place. Le projet d’article 441-1 du RGAMF propose par exemple un socle de garantie communes à tous les intermédiaires – c’est-à-dire ceux à l’initiative de l’opération, ceux qui en recueillent les fonds et les gestionnaires des biens. Ces derniers devront justifier de leur honorabilité, de leur compétence ainsi que de l’existence d’une assurance responsabilité professionnelle, sans que le projet ne précise la forme que devront prendre ces justificatifs. Des garanties spécifiques seront exigées des intermédiaires à l’origine de l’opération. Le projet d’article 441-3 du Règlement liste – de manière non exhaustive – les justificatifs qui devront être annexés au document d’information. Il s’agit notamment d’un rapport d’expertise attestant de l’existence des biens, la présentation de garanties et des projets de documents commerciaux. En complément de la modification de son règlement, l’AMF annonce déjà une mise à jour de sa doctrine visant les documents d’informations.
Moyens.
Certains professionnels s’interrogent sur les moyens dont dispose l’AMF pour mener à bien ces contrôles. « Nous craignons que cette nouvelle mission de l’AMF ne soit financée par une augmentation des droits versés par les professionnels », avance David Charlet, président de l’Anacofi (Association nationale des conseils financiers). Stéphane Astier, avocat du cabinet Haas Avocats, se montre plus confiant et considère « que l’utilisation accrue des nouvelles technologies permettra à l’AMF d’optimiser la gestion de son personnel et de ses ressources ».
Sanctions.
Pour contraindre les intermédiaires au respect de la réglementation, le régulateur dispose d’un arsenal répressif. Il peut ordonner la fin des opérations de communication. Dans ce cas, le client peut obtenir du juge la résolution du contrat ou des dommages et intérêts. Le non-respect du dispositif d’information peut aussi être assorti de sanctions pénales. L’AMF dispose également de sanctions disciplinaires et pécuniaires applicables après un contrôle ou une procédure contradictoire. A cela s’ajoute le dispositif pénal de droit commun. Stéphane Astier souligne qu’il existe « un haut degré de contrôle en la matière, a fortiori parce que les intermédiaires en biens divers peuvent être contrôlés par différentes autorités telles que la Direction générale de répression des fraudes (DGCCRF) ».
Responsabilité des CGP.
A côté des sanctions encourues par les intermédiaires, les CGP sont également exposés dès lors qu’ils participent à la commercialisation de ces produits. « C’est une question extrêmement sensible. Tous les maillons de la chaîne de commercialisation peuvent être sanctionnés. Dans les faits, le tribunal va rechercher si le CGP a procédé aux diligences requises avant de proposer un produit atypique à ses clients », relève Stéphane Astier. Ce dernier a pu observer que l’obligation de moyens incombant aux CGP se transformait souvent en obligation de résultat lorsque le conseiller appartenait à un réseau. Celui-ci est présumé pouvoir s’adosser à la puissance du réseau pour opérer un contrôle approfondi des produits qu’il commercialise. Dans tous les cas, « la généralisation du contrôle préalable de l’AMF va faciliter le travail des CGP », conclut Stéphane Astier.
PRODUITS TOXIQUES
Depuis 2010, ce sont près de 4 milliards d’euros qui ont été perdus par les épargnants victimes des pratiques des plates-formes de trading spéculatif. Désormais, la loi Sapin II interdit la publicité en ligne à destination des particuliers portant sur des produits très spéculatifs. L’AMF a précisé dans son règlement général les catégories de contrats financiers et les types de communications visés.
Les contrats financiers concernés.
Sont interdits de promotion les produits remplissant cumulativement les critères posés par le CMF et le RGAMF. Selon les critères légaux, « les contrats financiers qui ne sont pas admis aux négociations sur un marché réglementé ou un système multilatéral de négociation » ne peuvent pas faire l’objet de publicité (art. L. 533-12-7 du CMF). L’AMF, de son côté, a défini les contrats concernés dans des termes suffisamment génériques – en évitant toute appellation – pour capter un maximum de produits et prévenir les tentatives de contournement. Dans les faits, l’interdiction vise notamment les contrats à options binaires, les contrats sur différence (CFD) et ceux ayant pour sous-jacent une devise (Forex). Les titres financiers, tels que les warrants ou les certificats, et certains contrats de couverture sont exclus du dispositif.
Les opérateurs affectés.
C’est à dessein que le législateur a choisi d’impliquer un maximum d’acteurs – nationaux comme européens. Certains députés ont d’ailleurs regretté que le dispositif ne soit pas davantage ciblé afin de ne contrôler que les opérateurs « voyous ». Ainsi, l’ensemble des prestataires de services d’investissements (PSI) et des conseillers en investissements financiers (CIF) agréés en France ou disposant d’une succursale sur le territoire sont concernés, au même titre que les opérateurs publicitaires agréés ou non (annonceurs, intermédiaires, conseillers en publicité, diffuseurs, vendeurs et acheteurs d’espace publicitaires).
Les médias soumis à encadrement.
Le dispositif balaie un large spectre de médias puisqu’il réglemente la publicité en ligne, y compris sur les mobiles et les réseaux sociaux, ainsi que la communication audiovisuelle (télévision ou radio). Toutes les stratégies promotionnelles sont dans la ligne de mire de l’AMF : publicité directe ou indirecte proposant la souscription de contrats financiers toxiques, actions de mécénat et de parrainage en faveur des investissements très risqués. Toutefois, un tempérament a été introduit pour autoriser les PSI et les CIF à promouvoir ces produits depuis leurs propres sites internet.
L’arsenal répressif de l’AMF et de la DGCCRF.
Le contrôle des opérateurs publicitaires est confié à la DGCCRF. Les annonceurs qui diffuseront une publicité interdite sont passibles de diverses sanctions administratives allant du simple rappel à la loi jusqu’à une amende administrative de 100.000 euros, soumise à la compétence de la DGCCRF (art. L. 222-16-1 du Code de la consommation). L’AMF pourra demander en référé au juge judiciaire le blocage des sites illégaux (art. L. 621-13-5 du CMF). Le secret professionnel de l’Autorité de régulation des jeux en ligne est partiellement levé pour permettre l’échange de renseignements avec l’AMF, l’ACPR et la DGCCRF.
(1) Loi n°2014-344 du 17 mars 2014 – art. 110.