
Un choix entre des projets antagonistes

A quelques jours de l’élection présidentielle, une revue des programmes respectifs des principaux candidats s’impose.
Revenus de l’épargne.
Une flat tax de 30 % est promue par Emmanuel Macron et François Fillon, candidats respectifs d’En marche (EM) et des Républicains (LR). Dans le détail, il s’agit de remplacer le barème progressif actuellement applicable aux revenus de placements, aux dividendes et aux intérêts, par une taxe forfaitaire de 30 % incluant les prélèvements sociaux de 15,5 %, sans condition de durée. Si le représentant d’EM offre au contribuable la possibilité d’opter pour le barème progressif de l’impôt sur le revenu (IR), il précise que seuls les dividendes soumis au barème seront éligibles à l’abattement de 40 %. A l’inverse, François Fillon prévoit une imposition forfaitaire et unique qui ouvre droit à l’abattement de 40 %. Tous deux incluent dans le dispositif les plus-values sur valeurs mobilières. Dans l’immédiat, Marine Le Pen pour le Front national (FN) conserve le régime actuel, en prévoyant cependant que des baisses d’IR et d’impôt sur les sociétés (IS) profiteront indirectement aux dividendes soumis au barème de l’IR. Pour Jean-Luc Mélenchon (La France Insoumise-LFI), l’heure est à l’augmentation de la taxe additionnelle sur les dividendes. Pour le Parti Socialiste (PS), Benoît Hamon est resté relativement évasif sur ce sujet.
Assurance vie.
Emmanuel Macron appliquera la flat tax de 30 % aux contrats de plus de 150.00 euros qui font l’objet de nouveaux versements, sans revenir sur la fiscalité successorale de l’assurance vie. Il n’est pas précisé si le montant de l’enveloppe sera apprécié contrat par contrat ou sur le total des contrats détenus par un contribuable. François Fillon, autre défenseur de la taxe de 30 %, exclut toutefois l’assurance vie de son champ d’application pour conserver le régime actuel. De son côté, la candidate FN envisage de faire sauter la restriction à la libre disposition des actifs fixée par la loi Sapin II.
Plus-values mobilières.
Il est envisagé d’inclure les plus-values sur valeurs mobilières dans la flat tax. Marine Le Pen, opposée à cette taxe forfaitaire, maintiendrait le régime actuel en proposant toutefois l’exonération totale des plus-values de cession de titres de PME-PMI de plus de sept ans, dans l’optique de fluidifier les transmissions d’entreprise. Une réforme plus globale serait envisageable à terme.
Prélèvement à la source.
Les candidats LR et FN proposent son abrogation. L’un instaurerait une réforme alternative pour développer la mensualisation et la « contemporanéité » de l’impôt. L’autre conserverait le système actuel tout en intégrant la taxe d’habitation à l’IR, sous la forme d’une taxe additionnelle progressive. Emmanuel Macron se dit favorable sur le principe à la réforme et propose de la mettre au banc d’essai pendant un an afin d’en tester « la robustesse technique ». Benoît Hamon, de son côté, projette de fusionner l’IR avec la contribution sociale généralisée (CSG) – qui deviendrait progressive – idée que partage Jean-Luc Mélenchon. Ce dernier entend aligner l’imposition des revenus du capital sur ceux du travail et élargir l’assiette de l’impôt, étant précisé que chaque citoyen français serait soumis à l’impôt national quel que soit son pays de résidence.
Barème de l’IR.
Les candidats de la gauche prônent une augmentation du nombre de tranches. De cinq tranches Benoît Hamon passerait à dix tranches. Jean-Luc Mélenchon surenchérit avec un impôt doté de quatorze tranches, dont une à 100 % pour la quote-part supérieure à 400.000 euros de revenus annuels. Le FN conserverait le même nombre de tranches – tout comme les candidats LR et EM – mais propose un allègement de l’impôt de 10 % sur les trois premières tranches du barème.
Conjugalisation et familialisation de l’IR.
Alors que le prélèvement à la source ne remet pas en cause le principe du quotient familial et conjugal, plusieurs candidats militent pour leur suppression. Ainsi, les représentants PS et LFI défendent l’individualisation de l’IR et la fin du « quotient conjugal » pour imposer les contribuables selon leurs revenus et non plus sur les revenus du foyer. Le quotient familial serait transformé en crédit d’impôt « enfant ». François Fillon prend le contrepied en proposant de relever le plafonnement du quotient familial à 3.000 euros. Le leader d’EM opte pour une solution médiane en laissant au couple le choix d’une imposition séparée.
Cotisations sociales.
Celui-ci annonce la suppression des cotisations maladie et chômage pour les salariés et les indépendants, soit une diminution de 3,1 %. Cette mesure serait financée par une majoration de 1,7 % point de la CSG, à l’assiette élargie. Dans le même esprit, le candidat LR promet un abattement forfaitaire généralisé des cotisations sociales salariées, pour permettre une augmentation immédiate des salaires nets de l’ordre de 350 euros par an et par salarié. A l’inverse, Jean-Luc Mélenchon augmente de 2,6 points les cotisations chômage et de 2 points les prélèvements sociaux.
ISF.
François Fillon propose de le supprimer, tandis qu’Emmanuel Macron le cantonnerait aux actifs immobiliers, créant ainsi un « impôt sur la fortune immobilière ». La détention d’entreprises ou d’actions serait donc exclu de l’assiette de l’ISF. L’abattement sur la résidence principale serait maintenu, ainsi que celle sur les œuvres d’art. Renaud Dutreil, qui représentait le candidat au Grand Oral organisé par le Conseil supérieur du notariat (Grand O’ du notariat) le 29 mars dernier, a suggèré que l’ISF deviendrait une super taxe foncière, comme c’est le cas aux Etats-Unis. Certains commentateurs interprètent ses propos en indiquant que le principe de l’ISF disparaitrait au profit d’une taxe foncière augmentée. Le FN conserverait l’ISF, tandis que le PS et LFI le renforcerait. Ce dernier souhaite intégrer les œuvres d’art dans l’assiette de calcul de l’ISF.
Donations et héritages.
Lors de cette manifestation, Gilles Lebreton, représentant Marine Le Pen, a indiqué vouloir « favoriser les donations », en instaurant un abattement de 100.000 euros tous les cinq ans envers les enfants, et pour les petits-enfants, un abattement de 50.000 euros tous les cinq ans au lieu de 30.000 euros tous les 15 ans. François Fillon, de son côté, souhaite un sursis du paiement des droits de succession dans le cadre d’une transmission d’entreprise au sein même de la famille. Les droits dus ne s’exerceront que lorsque l’entreprise sera vendue à un tiers. En outre, il abaisse les droits de donation et fait passer le délai nécessaire pour reconstituer l’abattement de 15 à 10 ans. Renaud Dutreil, représentant du candidat d’EM a indiqué qu’il serait nécessaire de baisser les cotisations sociales « afin de ne pas dissuader les employeurs d’embaucher » et d’augmenter la contribution sociale généralisée (CSG) « dont l’assiette est beaucoup plus large et transgénérationnelle ». Il a insisté également sur la « nécessité d’une solidarité familiale ». Par ailleurs, le candidat LFI compte augmenter les droits de succession sur les gros patrimoines.
Immobilier.
François Fillon propose de supprimer l’encadrement des loyers, de créer un bail homologué avec des avantages fiscaux d’autant plus importants que le loyer sera bas, et de diminuer le délai d’expulsion grâce à une nouvelle procédure. Il prévoit également un programme de requalification des centres anciens, et des mesures de défiscalisation pour leur réhabilitation. S’agissant des plus-values immobilières, le délai à partir duquel elles seraient totalement exonérées pour les résidences secondaires serait ramené de 30 à 22 ans. Les autres candidats ne comptent pas changer les règles en vigueur en la matière. Marine Le Pen veut baisser les droits de mutation à titre onéreux de 10 %, baisser la taxe d’habitation des plus modestes et geler son augmentation. Le candidat socialiste souhaite faire réviser les valeurs locatives dans le cadre de la taxe d’habitation, et prendre en compte les emprunts contractés pour abaisser la taxe foncière pour les primo-accédants, créer une surtaxe pour les biens supérieurs à 10.000 euros du mètre carré, et encadrer les loyers dans toutes les zones tendues. Quant à Jean-Luc Mélenchon, il prévoit une garantie universelle pour le paiement des loyers qui serait financée par les bailleurs eux-mêmes, une taxe pour les hautes transactions immobilières, et la fin de la dégressivité dans le temps de l’imposition des plus-values sur la résidence secondaire. Il indique également vouloir « aller encore plus loin dans l’encadrement des loyers » et limiter l’utilisation des plates-formes du type « Airbnb » aux seuls propriétaires occupants et pour une durée limitée. Enfin, il prône l’arrêt du Pinel, contrairement aux autres candidats. Emmanuel Macron, quant à lui, souhaite créer un bail mobilité de trois mois à un an, évaluer le dispositif « Pinel », et supprimer la taxe d’habitation pour 80 % des français.
Installation des notaires.
Les notaires se sont également montrés inquiets s’agissant des nouvelles règles d’installation qui leur sont désormais appliquées en vertu de la « loi Macron ». Si aucun candidat ne se dit prêt à revoir les modalités prévues par les textes. Renaud Dutreil a indiqué qu’il n’était pas mandaté par Emmanuel Macron sur ce thème, même s’il pense personnellement qu’il y a un écart entre « l’intention de loi et sa mise en œuvre ». Il a ajouté que « connaissant le pragmatisme d’Emmanuel Macron et sa capacité à s’auto-critiquer, je pense que la porte sera ouverte ». Cécile Untermaier a indiqué, pour le compte du candidat PS, vouloir empêcher les notaires déjà installés de pouvoir postuler. Elle a en revanche assumé le choix de la méthode, à savoir le tirage au sort des postulants à l’installation. Les autres candidats se disent en revanche prêts à revoir ce point. A noter enfin que François Fillon a également indiqué qu’il supprimerait la tutelle du Ministère de l’Economie et de l’Autorité de la concurrence sur la profession notariale, laissant uniquement celle du garde des Sceaux.