
Un changement de ton qui prend de court les conseils fiscaux
En avril dernier, le gouvernement a présenté un projet de loi visant la lutte contre la fraude fiscale avec un imposant volet répressif. De son côté, le 21 juin, le Ministère du Budget a dévoilé une circulaire dite « Cazeneuve » offrant une opportunité de régularisation aux contribuables détenant des comptes non-déclarés à l'étranger.
Une procédure pérenne pour les avocats…
Les conseils fiscaux ont cru d'abord que cette opportunité serait ouverte le temps de l’adoption du projet de loi. Puis différents avocats ont conclu à la pérennisation de la procédure en raison, entre autres, de l’absence d’annonce sur ce point du ministre du Budget. Ils s’en sont tenus également aux récents échanges avec des responsables du fisc (L’Agefi Actifs, n°610, p. 4) qui n’ont pas été en mesure de leur communiquer un calendrier précis.
… mais limitée dans le temps pour le fisc.
Le vote solennel du projet de loi, le 5 novembre dernier (1), a été l'occasion pour le ministre du Budget de prendre à revers bon nombre d'avocats. Lors des échanges dans l’hémicycle, il a qualifié d’ « absurde » le fait que les régularisés profitent des mêmes conditions, peu important alors qu’ils n’aient pas déposé leur dossier avant la promulgation de la loi. Plus précisément, il a fait valoir qu’à partir du moment « où nous durcissons les conditions de la peine dans la loi, il est normal que ceux qui régularisent leur situation après se voient appliquer des conditions plus dures qu'avant que cette loi ait été adoptée par la représentation nationale ». Puis, s’adressant aux fraudeurs, « si vous venez après la promulgation de la loi – je vous invite tout de même à le faire –, les conditions seront durcies, mais vous pourrez continuer à régulariser votre situation, dans un cadre certes durci, parce que la loi durcit les peines ».
Reste la question de savoir quand sera promulguée la loi au regard notamment de la saisine du Conseil constitutionnel du 6 novembre dernier qui en ralentira le délai de publication. Toutefois, la constitutionnalité de la procédure de régularisation ne pourra pas être soumise au Conseil dans la mesure où la circulaire Cazeneuve ne figure pas dans le texte de loi. Une fois examinée par le Conseil, il est à parier que la loi sera promulguée avant la fin du mois de novembre.
Urgence.
L’urgence dictant désormais le calendrier des régularisations, certains avocats ont demandé durant le week-end du 1er novembre à leurs clients de leur retourner par courriel un accord pour la levée de l’anonymat en indiquant notamment leurs coordonnées, voire la mention de la banque où se trouvent les avoirs concernés. « Il s’agit d’une véritable saisine de l’administration fiscale pour seulement prendre date et conserver la spontanéité pour s’assurer de bénéficier des conditions de la circulaire Cazeneuve, retient l’avocat Eve d’Onorio di Meo. Dans un second temps, nous adresserons au fisc le dossier complet de la personne régularisée auquel sera notamment associé le paiement de l’ISF complémentaire découlant de l’actualisation du patrimoine du client, et le cas échéant des droits de succession supplémentaires. »
De son côté, Marc Vaslin, avocat associé, Scotto & Associés, signale que « l’administration n’a pas communiqué sur le tarif qui sera appliqué après la promulgation de la loi et qui sera le troisième dispositif après ceux retenus par la cellule Woerth et la circulaire Cazeneuve. Elle a d’ailleurs indiqué ne pas avoir eu de communication en ce sens par le cabinet du ministre ».
(1) L’Assemblée nationale a définitivement adopté le projet de loi visant la lutte contre la fraude fiscale dont un volet concerne la création d’un procureur de la République financier. Mais cette consécration souffrirait d’un oubli de taille. « Nous constatons que le texte ne tient pas compte du délit de manipulation d’indices instauré récemment en raison du scandale du Libor fin juillet dernier », relève Rémi Lorrain, avocat, Herbert Smith Freehills Paris LLP. Lire l’intégralité de l’avis d’expert sur http://www.agefi.fr/patrimoine.html