
Suite de l'arrêt de Ruyter

Un contribuable, résident du Luxembourg, est associé au sein de deux SCI, dont le siège se trouve en France et qui ont enregistré des plus-values immobilières au cours de l’année 2013. A raison de la réalisation de ces gains, l’associé a été imposé aux prélèvements sociaux de 15,5 % par l’administration fiscale française, à due proportion de ses parts dans ces sociétés. Une imposition qu’il conteste en tant que non-résident.
Affiliation sociale. Le redevable remet en cause son assujettissement aux prélèvements sociaux aux motifs que les cotisations litigieuses financent le régime social français auquel il n’est pas rattaché. Ce dernier est affilié à la sécurité sociale luxembourgeoise auprès de laquelle il perçoit des pensions de retraite de source française. « En l’espèce l’assuré bénéficie d’une couverture sociale et vieillesse qui n’est pas versée en raison de la législation luxembourgeoise. Il n’est indemnisé qu’au titre de dispositions communautaires, parce qu’il a cotisé en France alors qu’il était salarié. Ce qui explique que ses pensions soient versées par le Luxembourg pour le compte et à la charge de la France, à qui sont refacturées les prestations », indiquent Hervé-Antoine Couderc, avocat associé, et Paul-Marie Schneider, collaborateur du cabinet STC Partners /Andersen Tax & Legal. Dans ces conditions, il invoque devant le tribunal administratif de Nancy, le principe d’unicité de l’affiliation et des cotisations de sécurité sociale, posé par le règlement européen sur la sécurité sociale de 2001 et l’arrêt de Ruyter (1), qui selon lui fait échec à son assujettissement en France.
Motivations. « Le contribuable fait valoir que les pensions dont il bénéficie sont versées par les caisses d’assurance luxembourgeoises et qu’en vertu de la règle d’unicité, il n’est redevable d’aucune cotisation auprès de la France », analysent les avocats du cabinet STC Partners /Andersen Tax & Legal, un argument que n’entend pas l’administration fiscale qui soutient « que son ressortissant, bien qu’affilié dans un autre pays de l’Union européenne, est avant tout indemnisé par la France qui supporte in fine la charge des pensions versées ». Ce qui justifie qu’il soit assujetti aux cotisations sociales françaises.
Procédure. Par un jugement du 5 novembre 2015 (2), les juges nancéiens déchargé l’associé du montant des cotisations visées. Débouté, Bercy a saisi la cour administrative d’appel de Nancy (3) qui a rejeté sa requête, à l’exception du prélèvement de solidarité de 2 %, qu’elle a remis à la charge du contribuable. L’administration fiscale s’est pourvue contre l’arrêt d’appel. Les magistrats du Conseil d'Etat ont jugé que le non-résident qui perçoit une pension de retraite de source française doit, pour contester son assujettissement aux cotisations sociales, justifier qu’il est affilié au régime de sécurité sociale d’un Etat membre, que c’est en vertu de la législation de cet Etat qu’il est indemnisé et que les prestations versées ne sont pas à la charge de la France (CE, 3ème - 8ème chambres réunies, 19 déc. 2018, n°409153). Dans ces conditions, la cour administrative d’appel qui n’a pas recherché l’origine des prestations, a commis une erreur de droit. L’arrêt d’appel est annulé et l’affaire est renvoyée devant la cour d’Nancy. De l’avis d’Arnaud Tailfer, counsel du cabinet Arkwood, « cette décision s’inscrit dans la droite ligne de l’arrêt de Ruyter et complète l’édifice jurisprudentiel existant en traitant du cas particulier des retraités. Une lecture a contrario confirme qu’un non-résident qui percevrait des pensions autres que françaises pourrait demander la restitution de cotisations sociales réclamées par la France ». En conclusion, « il ne suffit pas de résider dans un autre Etat de l’Union pour échapper aux prélèvements sur les revenus du capital », précisent Hervé-Antoine Couderc et Paul-Marie Schneider.
Nouveau dispositif légal. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 (4), a instauré une nouvelle cotisation de 7,5 % pour les non-résidents. « Si bien que depuis le 1er janvier, le résident fiscal de France qui n’est pas à la charge du régime social obligatoire français est soumis à un prélèvement de 7,5 % sur ses revenus du patrimoine et de placement, alors que le non-résident dans la même situation y est assujetti sur ses seuls revenus immobiliers », résume Arnaud Tailfer.
(1) CJUE C-623/13, 26 fev. 2015.
(2) TA Nancy, 05 nov. 2015, jugements n°1401385/87/88/89 et 1401495
(3) CAA Nancy, 25 janv. 2017, arrêt n°15NC02416
(4) Loi n°2018-1203 du 22 déc. 2018