
Succession contentieuse : demander la délivrance du legs dans l’année du décès n’est pas toujours recommandé

Un particulier décède en 2007 et laisse pour lui succéder deux enfants. Dans un testament olographe qu’il a rédigé l’année de son décès, il avait institué une tierce personne légataire universelle de son patrimoine. Le droit français permet aux deux enfants de ne pas être écartés pour autant de la succession de leur parent, via le mécanisme de la réserve héréditaire. Ces deux enfants ont la possibilité de demander au légataire universel le versement d’une somme appelée indemnité de réduction représentant les deux tiers du patrimoine transmis, soit les deux tiers en valeur de l’immeuble transmis en l’espèce. Comment calcule-t-on l’indemnité de réduction ? La question se pose de manière plus saillante en présence d’une succession contentieuse. L’enjeu financier peut en effet être très important. Un arrêt du 28 mai 2015 nous éclaire sur ce point. Celui-ci rappelle notamment que le « L'indemnité de réduction doit être calculée d'après la valeur des biens donnés ou légués à l'époque du partage et en fonction de leur état au jour où la libéralité a pris effet ». Lire l’arrêt ICI.
Alexandra Rosenthal, notaire et responsable du pôle Patrimoine & Entreprise de l’étude Poisson & Associés notaires tire les enseignements de cet arrêt :
Il faut être très vigilant dans le cadre d’une succession contentieuse avant de demander la délivrance du legs dans l’année du décès afin que son effet remonte au jour du décès car :
- Elle permettra au légataire de recueillir les fruits et revenus des biens légués depuis le décès.
o C’est négatif pour les héritiers réservataires ;
o C’est positif pour le légataire.
- Elle fera supporter au légataire toutes les moins-values liées à la dégradation du bien pour absence d’entretien alors même qu’il n’aura peut-être pas le pouvoir de réaliser cet entretien si la délivrance effective n’a pas lieu…Dans ce cas, il devra verser une indemnité de réduction importante (basée sur l’état du bien au jour du décès) mais recueillera un bien qui s’est dévalorisé !
o C’est négatif pour le légataire ;
o C’est positif pour les héritiers réservataires.
- Elle fera bénéficier le légataire de toutes les plus-values dues à son action s’il est effectivement mis en délivrance rapidement après (ou habite déjà dans les lieux) et a les pouvoirs d’améliorer le bien. Dans ce cas, il devra verser une indemnité de réduction basée sur l’état du bien au jour du décès et recueillera un bien qui s’est amélioré du fait de ses investissements.
o C’est logique.
En qualité de notaire, nous conseillerons de faire coïncider la date d’effet de la délivrance avec la date de délivrance effective par les héritiers réservataires et sensibiliserons les parties sur les conséquences de l’effet rétroactif de la demande en délivrance dans l’année du décès lorsque le legs est réductible.