Jurisprudence

Salaire différé et partage de l'indivision : deux actions qui ne peuvent être assimilées

Intenter l'une ne peut pas justifier l'interruption de la prescription de l'autre.
Sora Shimazaki

Une action en versement d'un salaire différé (1) peut-elle être assimilée à une action aux fins de partage d'une indivision successorale ? Pour la Cour de cassation, les deux doivent être distinguées (2). 

Un fils B reçoit avec ses frères et soeurs C et D un héritage de leurs parents A. Les enfants C et D décèdent ultérieurement, laissant comme héritiers leurs épouses et enfants. L'épouse et les enfants C demandent le paiement d'une créance de salaire différé (2) à l'encontre de la succession de la mère A pour le travail du mari C.

L'épouse D soulève une fin de non-recevoir pour cause de prescription. La Cour d'appel l'écarte au motif qu'une précédente action engagé par le mari C aux fins de partage de la première succession tend au même but que l'action en versement d'un salaire différé. Il résulte en effet de l'article 2241 du Code civil que l'interruption de prescription peut s'étendre d'une action à l'autre si les deux tendent aux mêmes fins, bien qu'ayant une cause différente. Or, les deux actions concernées, argue la Cour, visent à mettre fin à l'indivision qui affecte la succession en déterminant les droits respectifs des héritiers. Selon elle, l'action en versement d'un salaire différé est virtuellement comprise dans l'action en partage, de sorte que la prescription n'est pas acquise. 

Sobrement, la Haute juridiction répond que l'action en versement d'un salaire différé ne tend pas à la liquidation de l'indivision successorale ou à l'attribution d'un bien au demandeur. La finalité n'étant donc pas la même que celle de l'action en partage, la Cour de cassation casse et annule l'arrêt d'appel. 

(1) Créance dont est susceptible de bénéficier le descendant, son conjoint ou ses enfants qui a participé de façon effective, directe et désintéressé à la mise en valeur de l'exploitation familiale

(2) Arrêt de la première chambre civile du 7 juillet 2021 (10-11.638)