Jurisprudence

Responsabilité d’une société de gestion sur la dette grecque

Une société de gestion se voit condamnée à restituer 100 % du capital investi dans des obligations grecques au titre d’un mandat de gestion profil prudent

Par un jugement du 21 mars dernier, le Tribunal de commerce de Paris a retenu la responsabilité d’une société de gestion pour non respect du profil de gestion prudent stipulé dans le mandat, en investissant une partie importante du capital d’une entreprise dans des obligations grecques. Selon Nicolas Lecoq-Vallon, associé du cabinet Lecoq-Vallon & Feron-Poloni, « le tribunal considère que la société de gestion, au-delà de respecter le profil de gestion à travers la souscription d’obligations, doit vérifier le risque de défaut et ce d’autant plus que la défaillance de la Grèce était un scénario clairement identifié à l’époque de la souscription ». 

En l’occurrence, une société a conclu un mandat de gestion avec une orientation prudente pour valoriser son excédent de trésorerie d'un montant de 3 millions d'euros. En exécution de son mandat, la société de gestion a investi les sommes qui lui avaient été confiées dans diverses obligations et notamment la somme globale de 887.887 euros dans des obligations émises par l'Etat Grec en février et avril 2010.

L’investisseur constate une perte de plus de 75 % sur les obligations souscrites, soit une moins- value de 684.938 euros.

Respect du profil de gestion et obligation de prudence. Le Tribunal de Commerce affirme que « la société de gestion n'a pas fait preuve de prudence en choisissant ces obligations grecques en privilégiant la cotation des agences de notation, et le rendement immédiat, sans tenir compte de plusieurs éléments d'importance tels que: l'augmentation brutale du taux, les avis divergents des organes spécialisés de communication, et l'alerte de son client considéré pourtant comme non professionnel, et qu'il a ainsi pris un risque certain. »

Ainsi, la société de gestion ne peut pas opposer la clause exonératoire de responsabilité dans la mesure où une telle clause ne peut jouer que si tous les termes du mandat sont respectés.

Préjudice financier et évaluation de la perte de rendement. Quant au montant du préjudice financier, les juges retiennent qu’il ne peut s’apprécier par une estimation du rendement global du portefeuille mais en se rapportant aux pertes réellement provoquées par la faute de la société de gestion. «Le client obtient la restitution de la totalité du capital investi dans ces obligations grecques. » En effet, le tribunal a fixé le montant du préjudice financier à la perte en capital correspondant à la différence entre le capital investi et le montant de la cession, soit 615.725 euros.

Le Tribunal a également retenu un préjudice du fait de la perte de rendement évalué conformément à l’estimation du client, à 1 % des sommes investies sur les trois années de gestion. En revanche, l’existence d’un préjudice dans la gestion de l’entreprise consécutif à la faute de la société de gestion a été écartée faute de preuve.

Tribunal de commerce de Paris du 21 mars 2014 n°2103011345