
Réforme du courtage : un texte en points suspensifs

Ce n’est pas la panique à bord, mais un avant-projet de décret d'application (1) de la loi relative à la réforme du courtage laisse planer quelques doutes du côté des futures associations professionnelles agréées. L’adhésion à l’une d’entre elles deviendra obligatoire à partir du 1er avril 2022 pour les courtiers en assurance et les Intermédiaires en opérations de banque et services de paiement (IOBSP). Elles auront la charge de vérifier certains éléments chez les membres et leurs salariés, à minima tous les cinq ans : honorabilité, Responsabilité civile professionnelle (RC pro), garantie financière, capacité professionnelle et formation continue. Le texte parle bien de vérification et non de contrôle, puisque le droit communautaire l’interdit. Dès lors, quelles sont les pièces que les associations seront en droit de demander ? Beaucoup risquent d’être dans les faits une simple attestation sur l’honneur. « Nous n’avons pas le pouvoir d’interroger le casier judiciaire, nous demanderons une attestation ou au mieux un B3 mais sans pouvoir vérifier le contenu éventuel du B2, remarque Pascal Labigne, vice-président d’Anacofi courtage et président du collège IOBSP. S’il y a eu une condamnation depuis l’immatriculation nous ne pourrons pas la vérifier. » Valéria Faure-Muntian, députée à l’initiative de la réforme du courtage répond que « l’association pourra demander au courtier de fournir le justificatif indiquant qu’il a vérifié le casier judiciaire du salarié et que celui-ci est vierge. Si le courtier ou le salarié a fraudé, cela se vérifiera le jour du contrôle de l’Autorité de contrôle prudentiel et de régulation (ACPR). » Les associations devront également vérifier l’adéquation des garanties souscrites à la situation du courtier pour la garantie financière et la RC pro. Mais comment pourront-elles le faire en pratique à moins d’éplucher la comptabilité du membre ? Sur la méthode du faisceau d’indices, répond Valéria Faure-Muntian : « Les associations pourront vérifier la cohérence des déclarations à partir de pièces demandées au courtier, indiquant par exemple l’adéquation entre le nombre de contrats souscrits et le nombre de salariés ».
Le retrait de l’agrément
Les associations auront la possibilité de retirer l’agrément du membre, par radiation simple (pour non-paiement d’une cotisation par exemple) ou par radiation pour manquement au règlement. « Un guide est en train d’être rédigé par les associations, pour que certaines ne soient pas accusées d’être laxistes ou de faire du zèle, en co-construction avec l’ACPR », indique Valéria Faure-Muntian. L’ex-membre devra adhérer à une nouvelle association en justifiant qu’il satisfait aux critères. L’information sera remontée à l’ACPR, qui, compte-tenu de ses faibles moyens par rapport à la masse des courtiers, ciblera probablement plus ses contrôles. Problème, les missions de vérification seront exercées par des personnels dédiés au sein des association, sous couvert du secret professionnel. Dès lors, sur quels éléments les commissions disciplinaires se baseront-elles pour décider le retrait de l’agrément ? « Les élus auront au moment utile un rapport fourni par les salariés de l’association pour statuer, avec des éléments tangibles », assure la députée, qui rappelle que le modèle existe déjà pour les CIF.
Fiches déclaratives
Enfin, les associations auront la charge de vérifier l’adéquation de la capacité professionnelle et de la formation à la réalité du poste. « Des fiches déclaratives seront formalisées et le courtier donnera copie du diplôme et des attestations de formation », précise la députée. Encore une fois, la procédure semble reposer sur la bonne volonté du membre et la qualité de la fiche de poste fournie. « Nous avons demandé à l’ACPR d’établir un mode opératoire pour connaitre les pièces que nous serons en droit de réclamer et les délais pour les obtenir », résume Pascal Labigne. Une réunion est prévue le 29 septembre entre les associations et l’ACPR, à charge pour cette dernière de dissiper les doutes.
(1) Décret précisant les conditions et modalités d’application des II, III et IV de l’article unique de la loi n° 2021-402 du 8 avril 2021 relative à la réforme du courtage de l’assurance et du courtage en opérations de banque et en services de paiement.