Réforme du courtage : la goutte d'eau pour les courtiers ?

DDA, pandémie et maintenant réforme du courtage, pour certains la coupe était pleine, et les Journées du courtage l'occasion de l'exprimer.
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« Avec l'Orias, on achète le droit de travailler, avec l'ACPR, on achète le droit d'être contrôlé, et demain, on achètera le droit d'être en règle ! » Heïdi Salazar, fondatrice du groupe Dolce Vita Assurances, est venue ce mardi 14 septembre pousser un cri du coeur aux Journées du courtage. Avec l'adhésion obligatoire à une association professionnelle agréée qui se profile à l'horizon 2022, elle craint que les courtiers boivent la tasse. 

Oui, comme le rappelle la députée à l'orgine de la réforme du Courtage, Valéria Faure-Muntian, le texte était dans les tuyaux depuis 2018 (1) et a donc eu largement le temps d'être discuté, décrets d'application compris. Oui, le dispositif tend à professionnaliser le métier qui souffre d'un déficit d'image. Mais pourquoi diable « le texte n'a-t-il pas été mis en place en même temps que la réforme des conseillers en investissements financiers, il y a 10 ans de cela ? », tempête Heïdi Salazar, qui juge le moment malvenu après que la profession ait subi la mise en place de la directive sur la distribution d'assurance (DDA) puis la pandémie. « Cela fait 18 mois que nous sommes au front face à des compagnies qui boudent le courtage, face à des gestions de sinistre qui, sous prétexte de digitalisation, deviennent catastrophiques. »

Un ping-pong s'engage entre elle Jean-Paul Faugère, vice-président de l'ACPR, éclipsant presque Philippe Poiget, président de l'Orias, troisième invité de la table ronde. 
- « Aucun courtier ne rechigne à montrer patte blanche. 
- Un certain nombre de flibustiers ternissent l'image de la profession, les parlementaires ne se sont pas emparés de ce sujet par hasard. 
- Beaucoup sont des courtiers en libre prestation de service (LPS) qui ont laissé des clients sans garanties en s'évaporant dans la nature !
- Nous promouvons, dans le cadre de la révision de Solvabilité 2, un resserrement des contrôles sur les prestataires de services d'investissement.
- La majorité des intermédiaires sont des courtiers de proximité, cela va favoriser la concentration.
- Le rôle de courtier de proximité est irremplacable. Ces exigences professionnelles ne sont pas propres à cette profession et sont irréversibles. »

L'une des interrogations d'Heïdi Salazar fait écho aux débats parlementaires de la réforme du Courtage : « Pourquoi l'Orias n'a-t-il pas été chargé de procéder aux contrôles, pourquoi ce sont des associations gérées par d'autres courtiers ? ». Le représentant de l'ACPR assure que la sécurité des données collectées et l'impartialité des membres seront des conditions discriminantes au moment de la procédure d'agrément, lorsque le régulateur sélectionnera les associations professionnelles agréées. Non versé au débat, le futur décret d'application de la réforme dont les grandes lignes sont déjà connues prévoit que les salariés de l'association dédiés à la vérification de certains éléments chez les membres (2) seront couverts par le secret professionnel. Les dirigeants courtiers de l'association n'auront donc, en principe, pas accès à certains documents stratégiques. 

Reste la question de la détermination des critères justifiant l'adhésion à une association plutôt qu'une autre. Pour Heïdi Salazar vient en premier le prix, puis l'accompagnement. Julien Séraqui président de la CNCGP, conteste cette priorisation lors d'une séance de questions/réponses avec le public transformée en plaidoyer : « La question du prix n'a pas grande importance, elle est liée aux services proposés ». Un accompagnement à la carte qui variera - et le tarif avec - en fonction de l'association. La nature des activités des adhérents de l'association aura également son importance : inutile d'adhérer à une association orientée majoritairement vers l'assurance vie pour un courtier spécialisé dans l'assurance de personnes.
Le 1er avril 2022, les nouveaux courtiers ouvriront la voie de l'adhésion obligatoire, puis seront rejoints par les autres lors du renouvellement annuel d'inscription, à la fin de l'année. 

(1) Le Conseil constitutionnel avait à l'époque censuré le dispositif lors de l'examen de la loi Pacte, indiquant qu'il s'agissait d'un cavalier législatif.
(2) Honorabilité, RC pro, garantie financière, capacité professionnelle et formation continue.