Succession

Quel impact fiscal en cas d’absence de représentation ?

Fabrice Collard, notaire à Paris, maître de conférences associé à la faculté de droit de Nancy

La représentation successorale permet à un héritier de prendre la place d’un héritier plus rapproché qui est prédécédé, renonçant ou indigne à venir à la succession de l’un de ses parents (1). Les personnes habiles à être représentées par leurs descendants sont les enfants du défunt et ses frères et sœurs. Sauf stipulation contraire, le mécanisme ne s’applique ni à une succession testamentaire (2), ni au contrat d’assurance vie même s’il a été accepté par le bénéficiaire (3). Le bénéfice de ce contrat à une personne déterminée est présumé fait sous la condition de l’existence du bénéficiaire à l’époque de l’exigibilité (4). En cas de prédécès de certains des bénéficiaires, le capital est versé au(x) survivant(s) du «groupe» des gratifiés (5). Destinée à assurer l’égalité entre les souches, la représentation postule aussi leur pluralité. Ce n’est pas le cas si le défunt ne laisse qu’un seul enfant (6) par exemple. L’héritier vient alors de son propre chef. La loi du 23 juin 2006, en renouvelant les fonctions de la représentation, modifie sans doute cette lecture (7). Mais par un arrêt du 14 mars 2018 (8), la Cour de cassation maintient sa solution.

En l’espèce, il s’agissait d’une application aux collatéraux. La représentation, rappelle la Cour, ne s’applique qu’en cas de pluralité de frères ou sœurs du défunt, vivants ou ayant des descendants (9). Faute de représentation, ils sont assujettis aux droits d’enregistrement au taux de 55% applicable aux neveux et nièces (CGI, art. 777, tableau III). Ils ne profitent pas du taux de leur auteur (35 ou 45%). L’exception fiscale ne profite qu’aux héritiers en ligne directe descendante.

Le petit-enfant appelé à la succession de son grand-père du fait du prédécès de son père, enfant unique, bénéficie en effet de l’abattement prévu au I de l’article 779 du CGI en faveur de l’enfant prédécédé (10). Si le collatéral vient par représentation (cas d’une pluralité de souches) et qu’il soit aussi gratifié, à titre personnel, d’un contrat d’assurance vie : il est nécessaire de faire une double liquidation, d’une part au titre des biens reçus par succession en application du mécanisme de la représentation et selon l’abattement et le tarif prévus pour les frères et sœurs, d’autre part au titre du bénéfice de l’assurance vie, qui sera imposé selon le cas à l’article 757 B ou 990 I du CGI.

S’il entre dans le champ d’application du premier texte, après l’abattement de 30.500 euros réparti entre les différents bénéficiaires, il sera taxable selon l’abattement personnel et le tarif prévus pour les neveux (11). C’est différent si l’héritier vient à la succession par représentation et que la clause bénéficiaire est rédigée au profit de l’unique représenté. Et si la clause bénéficiaire désigne les « héritiers », faute de clause contraire ce sont les règles de la dévolution légale qui s’appliquent et donc le mécanisme de la représentation (12). La désignation des héritiers à titre subsidiaire est une précaution pour éviter l’intégration des capitaux dans l’actif successoral.

 

(1) C. civ., art. 751 à 755 – pour une application de la règle en droit fiscal, Bofip-Impôts BOI-ENR-DMTG-10-50-80 n°310, 24 août 2017.

(2) C. civ., art. 1039. – pour une application de la règle en droit fiscal, Bofip-Impôts BOI-ENR-DMTG-10-50-80 n°320, 24 août 2017.

(3) Cass. 2e civ., 10 sept. 2015, n°14-20.017 (1279 F-P+B) : AJ Famille 2015 p.625, note J. Casey.

(4) V. l’art. C. ass., art. L. 132-9. – Pour une clause de représentation, Cass. 2e civ. 13 juin 2013 n°12-20.518 (n°964 F-D) - Cass. 2e civ., 3 juill. 2014, n°13-19.886.

(5) Cass. 2e civ., 22 sept. 2005, n°04-13.077.

(6) Cass. 1re civ., 25 sept. 2013 : Bull. civ. I, n°192; JCP N 2013, 1279, note M. Nicod; JCP N 2014, 1147, obs. R. Le Guidec; RTD Civ. 2013, p. 875, note M. Grimaldi.

(7) Droit des successions et des libéralités, Ph. Malaurie et Cl. Brenner, Lextenso, 7e éd., 2016, note 28 sous n°77. – Droit civil. Les successions, les libéralités, Fr. Terré, Y. Lequette, et S. Gaudemet, Dalloz, 4e éd., 2014, n°107.

(8) Cass. 1re civ., 14 mars 2018, n°17-14.583, FS-PB.

(9) La condition est aussi exigée par l’administration, V. rép. min. Candelier n°54899, JO AN du 26 janvier 2010, p. 846 reprise dans la base Bofip-Impôts BOI-ENR-DMTG-10-50-80, 24 août 2017, n°330. – comp., CA Paris, 5 mars 2018, n°18/08228.

(10) Bofip-Impôts BOI-ENR-DMTG-10-50-80, 24 août 2017, n°330.

(11) Rép. min. n°59852 à M. Le Nay : JOAN Q, 23 févr. 2010 reprise dans la base Bofip-Impôts BOI-ENR-DMTG-10-50-80, 24 août 2017, n°390.

(12) Bofip-Impôts BOI-ENR-DMTG-10-50-80, 24 août 2017, n°410. – V. par ex : CA Bordeaux 10 février 2014 n°12/03121, ch. 1e civ. sect. A. : BPAT 2/14.