
Provisions au fonds de travaux : les actions récursoires resteront la norme

Le démembrement de propriété questionne encore. Cette fois, c'est sur le fonds de travaux, élément indispensable du financement des travaux de copropriété, que l'incertitude plane. La députée Isabelle Rauch (Moselle ; LaRem) demande à Emmanuelle Wargon, ministre chargé du Logement, qui de l'usufruitier ou du nu-propriétaire est redevable des provisions au titre du fonds en l'absence de clause de solidarité entre eux (1). Un décret du 17 mars 1967 fixe une liste de dépenses catégorielles dont certaines, comme les grosses réparations, vont au nu-propriétaire, et d'autres, comme les dépenses d'entretien, sont à la charge de l'usufruitier.
« Dans la mesure où ces provisions ne sont pas recouvrables, y compris dans le cas d’une succession, et ne sont par nature pas affectées à l’une ou l’autre des catégories, l’appel de fonds est à la discrétion du gestionnaire, relève la députée. Les moyens de droit dont dispose chacune des parties, aussi bien le recours en fin d’usufruit que les actions récursoires contre l’usufruitier ne sont opérants qu’en cas de dépense desdites provisions, mais ne permettent pas de contester le bien-fondé de l’appel de fonds vers l’un ou vers l’autre. » La jurisprudence étant muette sur ce point, la députée propose au gouvernement de proportionner l'appel sur les ratios habituellement constatés entre grosses réparations et dépenses de maintenance dans différentes catégories de copropriété.
Dans le silence du statut des cotisations au fonds de travaux, le gouvernement se réfère au régime de droit commun de l'usufruit. Il cite l'article 608 du Code civil qui prévoit que « l'usufruitier est tenu, pendant sa jouissance, de toutes les charges annuelles de l'héritage ». Emmanuelle Wargon en déduit que « la cotisation au fonds de travaux constituant une réserve de fonds dont l’usage peut être divers et dont le versement est une charge annuelle obligatoire, elle pourrait s’analyser comme une charge annuelle incombant à l’usufruitier [...] sans préjudice d’une éventuelle action de ce dernier à l’encontre du nu-propriétaire en cas d’emploi des fonds à des fins de grosses réparations. » La distinction entre grosses réparations et travaux d'entretien étant de plus sujette à interprétation jurisprudentielle - variable selon les juridictions pour un même type de travaux - instaurer une règle de répartition à priori, basée sur une moyenne qui ne tient pas compte de la diversité des immeubles, serait « délicat, voir inopérant », estime la ministre. Les actions récursoires engagées à posteriori de l'emploi des sommes resteront donc la norme en la matière.
(1) Question écrite 40008, JO AN du 06/07/2021 ; Réponse ministérielle du 02/11/2021