
PLF 2023, des miettes pour le patrimoine

« Pour le patrimoine ? Légèrement fade » : c'est ce que pourrait signifier le sigle PLF, tant le projet de loi de Finances 2023 ne propose cette année que des mesurettes en la matière. « Il y a beaucoup de renouvellements de mesures et de petites adaptations, souligne Dorothée Traverse, avocat associée chez Yards. C’est le résultat de la bataille qui a eu lieu sur le PLF : entre le texte initial et le texte actuel, les mesures fiscales ont été réduites de 70 à une dizaine. » Avec ses 49.3 successifs, le gouvernement a en effet arrêté les contours du texte à l’Assemblée nationale en première lecture. Si quelques amendements ont été conservés, ceux qui n’ont pas été retenus ont parfois provoqué des sueurs froides aux professionnels du patrimoine. « Un amendement proposait de supprimer le pacte Dutreil en 2024 ! », s’exclame Olivier Giacomini, notaire chez Cheuvreux. Après le grand ménage du gouvernement, tour d’horizon des mesures susceptibles d’intéresser les professionnels du patrimoine à partir du 1er janvier 2023.
-Revalorisation du barème de l’IR
Un classique mais qui tient compte cette année d’un taux d’inflation exceptionnel. « Le taux de revalorisation est non négligeable puisqu’il s’établit à 5,4 % avec désormais une entrée dans l’impôt à partir de 10.777 euros contre 10.225 euros en 2022 pour les revenus 2021, précise Benoît Berchebru, directeur de l’ingénierie patrimoniale chez Nortia. L’application du mécanisme de la décote n’a pas été supprimé, pour lisser l’entrée dans l’impôt des contribuables les plus modestes. »
-Actualisation du prélèvement à la source
Dans la même veine, la modulation à la baisse du prélèvement à la source sera autorisée si l’écart entre le montant supporté par le salarié en l’absence de modulation et le montant du prélèvement résultant de sa situation et des revenus de l’année en cours est de 5 %, contre 10 % actuellement. « Le texte prévoit de faciliter la mise en œuvre du prélèvement à la source pour les salariés qui exercent ponctuellement leur activité en France sans relever d’un régime de Sécurité sociale français, précise Marion Calmette, ingénieure patrimoniale chez Société Générale Private Banking. La retenue à la source sera remplacée par un prélèvement mensuel suivant le régime des acomptes de prélèvement à la source. » L’impôt sera donc prélevé selon les derniers revenus connus de l’administration et modulé en fonction de leur évolution afin de simplifier les obligations déclaratives de l’employeur. Utile notamment pour ceux qui emploient des travailleurs transfrontaliers et souhaitent accroître le recours au télétravail.
-By-pass pour l’administration fiscale
Le fisc pourra, dans le cadre d’un examen de la situation fiscale personnelle (ESFP) d’un contribuable, demander directement aux établissements financiers les relevés pour les comptes dont elle a connaissance. Le contribuable devra tous les déclarer à l’ouverture du contrôle. En l’absence de cette déclaration, la durée du contrôle pourra être prorogée alors qu’elle est actuellement limitée à un an. « Concernant les demandes de justification sur les avoirs à l’étranger, il y avait jusqu’à présent une distorsion entre deux dispositions du Code général des impôts, rappelle Marie-Eve Chauvière, avocat associée chez Yards. Soit une obligation de déclaration des contrats de capitalisation ou même nature et les assurances-vie souscrites hors de France, soit une disposition permettant à l’administration de demander au contribuable des informations mais uniquement pour les contrats d’assurance souscrits hors de France et non pour les contrats de capitalisation. » C’est chose réglée avec ce PLF 2023.
-Haro sur les résidences secondaires
Ce PLF va laisser un goût salé aux propriétaires de résidences secondaires. La taxe sur les logements vacants (TLV) va passer de 12,5 % à 17 % la première année où le logement est imposable, puis de 25 % à 34 % les années suivantes. Seules les zones tendues de plus de 50.000 habitants étaient initialement concernées, mais un amendement supprime ce critère, faisant rentrer cinq fois plus de communes dans son champ d’application. Les logements vacants seront imposés directement au bout d’un an de vacance volontaire. Une autre extension – à plus de zones tendues – concerne la faculté pour les maires de majorer la taxe d’habitation (jusqu’à 60 %). Les communes auront jusqu’au 28 février 2023 pour délibérer sur ces deux taxes. S’ajoutera à ces impôts supplémentaires la hausse mécanique de la taxe foncière, indexée sur l’indice des prix à la consommation, qui devrait, suivant l’inflation, approcher les 7 %.
Plusieurs dispositions en faveur des entreprises
La suppression progressive de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) sur deux ans est la mesure la plus connue de ce volet car fortement critiquée par les collectivités territoriales, mais ce n’est pas la seule.
Le plafond de bénéfices prévu pour l’application du taux réduit d’impôt sur les sociétés (IS) à 15 % en faveur des PME est porté de 38.120 euros à 42.500 euros quand le chiffre d’affaires n’excède pas 10 millions.
La cession d’entreprise individuelle ou d’entreprise individuelle à responsabilité limitée (EIRL) – ce statut étant amené à disparaître progressivement avec la réforme des indépendants – pourra être assimilée à une cession de droit sociaux.
Le statut de jeune entreprise innovante – avec un régime d’exonération d’impôt sur les bénéfices, de taxe foncière et de contribution économique territoriale –, qui devait prendre fin cette année, est prolongé jusqu’au 31 décembre 2025. En contrepartie, il ne s’appliquera plus qu’aux entreprises créées depuis moins de huit ans, contre onze actuellement. « Les jeunes entreprises ne sont souvent pas bénéficiaires avant huit ans mais ce statut permet aussi des allégements de charge sociales », explique Dorothée Traverse.
-Prolongation du crédit d’impôt pour les investissements en Corse (CIIC)
Le dispositif bénéficiant aux petites et moyennes entreprises relevant d’un régime réel d’imposition qui réalisent certains investissements en Corse est prolongé jusqu’au 31 décembre 2025. Les locations meublées de tourisme ne pouvaient y prétendre mais le texte restreint cette exclusion aux activités para-hôtelières à caractère civil. « Cela vaut pour ceux qui n’exploitent pas directement le bien et le donnent en exploitation à un tiers », détaille Benoît Berchebru. Un amendement conservé précise que les résidences de tourisme ou assimilée de moins de 50 lits ne sont pas non plus exclues du CIIC. Le projet de loi autorise par ailleurs l’Assemblée de Corse à adopter un dispositif de taxation spécifique des plus-values sur les immeubles bâtis dans certaines zones afin de limiter la spéculation immobilière.
-Reconduction de l’avantage fiscal forestier
Jusqu’au 31 décembre 2025, cet avantage fiscal se destine aux contribuables qui réalisent des opérations forestières. La nature de l’opération détermine actuellement s’ils ont droit à un crédit ou une réduction d’impôt. Avec le PLF 2023, toutes les opérations ouvriront droit à un crédit d’impôt rehaussé, qu’il s’agisse de l’acquisition de terrains (avec engagement de conservation de quinze ans), de parts d’intérêt de groupements forestiers, de souscriptions au capital de sociétés d’épargne forestière, de dépenses de travaux forestiers ou aux cotisations d’assurance.
-Prolongation du Malraux
Le dispositif de défiscalisation immobilière Malraux est prolongé en 2023. Se destinant aux quartiers historiques dégradés, il permet de favoriser la restauration du patrimoine en cœur de ville. Il offre au propriétaire une réduction d’impôt jusqu’à 30 % du montant des travaux de réhabilitation et ne le soumet pas au plafonnement des loyers.
-Majoration du crédit d’impôt pour garde d’enfant de moins de 6 ans
Le plafond de dépenses prises en compte est relevé de 2.300 euros à 3.500 euros, soit une augmentation de 52 % des dépenses éligibles. Il faudra indiquer dans la déclaration globale la nature des services au titre desquels le contribuable a engagé les dépenses.
-Exonération des transmissions de biens ruraux
Leur transmission à titre gratuit sera partiellement exonérée si elle a lieu pendant un bail à long terme ou un bail cessible. L’exonération porte sur les trois quarts de la fraction de la valeur nette des parts si leur montant est inférieur à 500.000 euros (au lieu de 300.000 euros actuellement), sous réserve d’un engagement de conservation de dix ans (au lieu de cinq). L’exonération bénéficie également aux transmissions à titre gratuit de parts de groupements fonciers agricoles (GFA et GAF). « C’est une façon pour le législateur d’éviter le morcellement des terres agricoles », commente Jessica Toupin, fiscaliste chez Société Générale Private Banking.
Le PLF 2023 n’est pas encore définitif puisqu’il ne s’agit que de la première navette et que les sénateurs ne se sont pas encore prononcés dessus, mais l’exécutif peut tout à fait persister dans son attitude actuelle. Si le gouvernement ne peut pas avoir recours au 49.3 au Sénat (qui n’a pas le pouvoir de renverser le gouvernement en votant une motion de censure), il tranchera toujours sur la mouture finale du texte en cas de conflit avec la chambre haute. En effet, si la commission mixte paritaire – l’organe de départage à l’issue de la deuxième navette – échoue à créer du consensus, l’exécutif pourra de nouveau dégainer le 49.3 à l’Assemblée nationale, qui a le dernier mot dans le processus parlementaire.