Fiscalité / PLF 2018

PLF 2018 : Des avantages drastiquement réduits

Bien que le dispositif Pinel soit prorogé, le projet de loi de finances ne comporte pas, dans son état actuel, de mesure de soutien à l'immobilier
Une autre niche fiscale a fait les frais des choix du nouveau gouvernement, les contribuables ne devront plus compter sur la réduction ISF-PME
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Le Big Bang fiscal promis par le candidat Macron a remis à plat (ou presque) la fiscalité de l’épargne et du capital. Dans ce contexte d’uniformisation et de simplification, les régimes de faveur existants – réductions d’impôt, abattements spécifiques ou déductibilité de certaines dettes – ont vu leur portée considérablement réduite. Ainsi, le ton est donné, les réformes fiscales et la réorientation de l’épargne vers les investissements « réels » ne seront pas portées par de nouvelles niches fiscales. Les professionnels du patrimoine saluent toutefois l’allègement de la pression fiscale apportée par la flat tax et le nouvel impôt sur la fortune

DISPOSITIFS IMMOBILIERS

Un dispositif Pinel prorogé et recentré (art.39 du PLF). Ce dispositif, dont l’échéance était fixée fin 2017, serait prorogé jusqu’au 31 décembre 2021 et recentré sur les zones tendues. La mesure coïncide avec la stratégie logement du gouvernement, qui ambitionne de « construire plus, mieux et moins cher, pour provoquer un choc d’offre ». Ainsi, à compter du 1er janvier 2018, le dispositif Pinel sera réservé aux zones A, A bis et B1, qui présentent un fort déficit de logements locatifs. Les zones B2 et C – jugées moins tendues – seraient sorties du dispositif. Pour le reste, le régime Pinel se poursuit à paramètres inchangés. Le contribuable continuera de bénéficier d’une décote de 12 % à 18 % – selon que l’engagement de location est pris pour six ou neuf ans. La durée initiale pourra être rallongée de six ans – par périodes triennales – avec un avantage fiscal variant de 3 % à 6 % par période. L’assiette de la réduction resterait plafonnée à 5.500 euros par mètre carré et 300.000 euros.

Evaluation à mi-parcours. Inédit, le gouvernement a annoncé dans le dispositif du projet de loi de finances (PLF) qu’un rapport sera réalisé à mi-parcours pour évaluer l’efficacité du nouveau dispositif Pinel. L’occasion de vérifier si le resserrement du dispositif a permis le rééquilibrage des zones très tendues. « D’ailleurs, ce recentrage serait souhaitable, puisqu’il permettrait de réguler le marché et de prévenir tout risque de dérapage avec des constructions trop nombreuses dans des zones sans potentiel locatif », indique Christine Chiozza-Vauterin, responsable de l’offre immobilière et de diversification chezBanque Privée 1818. Interrogée sur l’éventuelle remise en cause du régime à horizon 2020, elle précise que « la date d’acquisition faisant foi, l’avantage fiscal obtenu ne serait pas remis en cause quand bien même le dispositif serait modifié a posteriori voire disparaîtrait ». Aucune précision cependant sur les critères qui entraîneraient la remise en cause du dispositif Pinel.

Censi-Bouvard. En l’état actuel, le PLF ne traite pas de la loi Censi-Bouvard, dont le terme a été fixé au 31 décembre 2017 par le précédent budget. L’exécutif n’a annoncé ni prorogation, ni régime de substitution pour soutenir le marché de l’immobilier géré. Un silence qui n’inquiète pas Benjamin Nicaise, président de Cerenicimo : « De manière historique, les textes budgétaires traitent en priorité des logements résidentiels - qui représentent un plus gros volume d’opérations. Puis l’immobilier géré est traditionnellement abordé par amendement ». Pour le moment, à défaut d’une réforme de fond, la profession souhaite la prorogation en l’état du dispositif mais surtout la réintégration dès 2018 des résidences de tourisme, qui depuis le 1er janvier 2017 ont été exclues du dispositif Censi-Bouvard.

Résidences touristiques. « Cette exclusion est en complet décalage avec les déclarations du Premier ministre, qui souhaite renforcer l’attractivité touristique de la France par un grand plan de rénovation et de création de structures d’accueil », souligne le président de Cerenicimo. Des complexes dont le financement est plus difficile que celui des logements étudiants ou séniors, pour lesquels « les rendements sont suffisamment importants pour intéresser des investisseurs en bloc. En tourisme ce n’est pas possible, il faut donc une incitation fiscale pour attirer les investisseurs privés », plaide Benjamin Nicaise. Dans tous les cas, maintenir la réduction d’impôt en faveur du dispositif Pinel et supprimer le Censi-Bouvard « serait un très mauvais signal envoyé aux investisseurs a fortiori parce que son maintien est nécessaire pour faire face à la pénurie chronique de logements étudiants ou de résidences pour personnes âgées ».

Girardin. Aucun changement en perspective pour l’investissement outre-mer, absent du projet de loi de finances. Le sort des dispositifs Girardin a été réglé par la loi de finances 2016 et l’exécutif ne semble pas vouloir revenir dessus. Ainsi la réduction d’impôt accordée aux particuliers qui acquièrent un logement neuf affecté à leur résidence principale ou qui investissent dans le logement locatif social n’existera plus au 1er janvier 2018 – à l’exception des programmes initiés dans les collectivités ultra-marines dont l’avantage fiscal est valable jusqu’en 2025. Seul le Girardin industriel subsiste jusqu’au 31 décembre 2020, dans les conditions actuellement en vigueur.

Projet de loi sur le logement. En conclusion, le nouveau budget n’a pas de réelle envergure immobilière. Peut-être à dessein, puisque le gouvernement a dévoilé le 20 septembre dernier les premières pistes de son projet de loi logement, dont la présentation est attendue mi-décembre en conseil des ministres, puis au premier trimestre 2018 devant le parlement. L’exécutif prévoit, entre autres, la création d’un abattement fiscal exceptionnel sur les plus-values pour les ventes de terrains en zones tendues, jugeant la fiscalité actuelle « contre-productive » : l’exonération totale de plus-value acquise après de 22 ans de détention incite les propriétaires à conserver leur terrain. Pour y remédier, le nouveau dispositif proposerait un abattement de 100 % pour les cessions destinées à la construction de logements sociaux, de 85 % pour les logements intermédiaires et de 70 % pour tous les autres logements. Serait concerné l’ensemble des cessions conclues avant 2020.

PLUS-VALUES MOBILIERES

Nouvel abattement de 500.000 euros. L’application de la flat tax entraînerait en principe la suppression des abattements pour durée de détention des plus-values sur les valeurs mobilières, l’imposition étant calculée sur le montant brut de la plus-value soumise à l’impôt sur le revenu (IR). Pourtant, un nouvel abattement fixe de 500.000 euros serait octroyé aux dirigeants de PME partant à la retraite en remplacement du dispositif actuel, qui arrive à échéance fin 2017. Pour rappel, les futurs retraités bénéficient jusqu’au 31 décembre prochain d’un abattement fixe de 500.000 euros et d’un abattement renforcé pour le surplus de plus-value. Le nouveau dispositif serait valable pour les cessions réalisées entre le 1er janvier 2018 et le 31 décembre 2022, que le gain soit soumis au barème progressif ou au prélèvement forfaitaire unique (PFU). Etant précisé qu’à la différence du régime actuel, le nouvel abattement ne serait pas cumulable avec les abattements proportionnels de droit commun ou renforcés prévus par la clause de sauvegarde.

Clause de sauvegarde. Pour ne pénaliser aucun contribuable par l’application de la flat tax, ceux qui renonceront à l’application du taux forfaitaire sur l’ensemble de leurs revenus d’épargne et des plus-values afférentes pourraient continuer à bénéficier de certains abattements actuellement en vigueur. Sous réserve que les titres aient été acquis avant le 1er janvier 2018, pourraient continuer à s'appliquer les abattements de droit commun de 50 et 65 % ainsi que le régime renforcé réservé aux cessions de titres de PME de moins de 10 ans. En revanche, le régime de faveur bénéficiant aux cessions intrafamiliales serait purement et simplement supprimé, quelle que soit la date d’acquisition des participations cédées.

IMPOT SUR LA FORTUNE IMMOBILIERE (IFI art. 12 du PLF)

Immobilier exonéré. L’immobilier affecté à l’exercice de l’activité professionnelle du redevable serait exonéré d’IFI comme il est actuellement exonéré d’ISF. Même traitement pour les immeubles affectés à une activité de location meublée, selon les mêmes conditions de recettes et de revenus. Toutefois, les exonérations partielles des titres, 1) détenus par les salariés et mandataires sociaux et, 2) soumis à un engagement Dutreil, seraient supprimées. Sans que le texte précise ce qu’il adviendrait de l’exonération des pactes en cours. Selon Jean Rognetta, président de PME Finance, « l’arrivée à échéance des anciens pactes pourrait être vertueuse. La libération de titres sera probablement un facteur de relance du segment des PME et ETI cotées, dont le volume d’échange va augmenter sur le marché ». Par incidence, serait abrogée l'exonération d’ISF du dirigeant retraité qui transmet ses titres avec réserve d’usufruit. En matière d’immobilier privé, la décote de 30 % appliquée à la résidence principale serait maintenue ainsi que les exonérations partielles bénéficiant aux terres agricoles, aux parts de groupements fonciers agricoles (GFA) ou forestiers (GF), aux bois et forêts ainsi qu'aux biens ruraux donnés en bail à long terme.

Débat sur les SCPI et OPCVI. L’assujettissement à l’IFI des parts de SCPI et d’OPCVI détenues via des contrats d’assurance vie provoque l’émoi chez les assureurs. Certains - craignant une forte décollecte - voudraient vendre ces produits comme des investissements à part entière pour obtenir, en sortant les SCPI et OPCVI de l’assiette de l’IFI, une réduction d’un impôt qui n’existe pas aujourd’hui. « Or, ces actifs sont déjà dans l’ISF, par conséquent leur intégration dans l’IFI est sans impact sur leur fiscalité », déclare Stéphanie Hamis, avocate associée (Arsene Taxand). Toutefois le projet de loi présente une potentielle faille puisque « à ce stade, les détentions via des contrats de capitalisation ne sont pas visées, ce à quoi il devrait être remédié lors de l’examen du PLF », analyse Stéphane Jacquin, responsable de l’ingénierie patrimoniale, chez Lazard Frères Gestion.

Réduction ISF-PME. Disparaît à partir du 1er janvier 2018 le dispositif ISF-PME, qui permettait à des contribuables de déduire de leur ISF 50 % du montant de leurs investissements dans la limite de 18.000 euros pour un investissement dans des fonds spécialisés de type FIP/FCPI, et 45.000 euros dans des souscriptions au capital de PME. Néanmoins, le texte accorde un sursis aux contribuables ayant investi dans des titres de PME au cours de l’année 2017. A titre dérogatoire, ils pourront – sauf amendements contraires – imputer leur « réduction ISF » sur l’IFI 2018. Au-delà les parts de fonds ou les titres acquis à compter du 1er janvier prochain n’ouvriront droit à aucune réduction d’IFI. Une annonce qui inquiète certaines sociétés de gestion spécialisées dans la commercialisation de fonds PME, mais que beaucoup d’acteurs relativisent. « Les FIP et FCPI-ISF redeviennent des véhicules d’investissement lambda, sauf à bénéficier de la réduction Madelin IR-PME. Depuis leur création, ils ont été plébiscités par des investisseurs en quête de défiscalisation, qui voyaient dans la réduction un retour sur investissement immédiat. Demain, les commercialisateurs vont devoir aller chercher les clients en vendant un rendement et un niveau de sécurité suffisant », commente ainsi Stéphanie Hamis. Une analyse que partage Jean Rognetta, selon qui « la rentabilité du montage ISF-PME se faisait trop souvent sur la défiscalisation plutôt que sur la performance de l’entreprise ».

Maintien de l'IR-PME. La future loi de finances n’a apporté aucun changement au dispositif Madelin (pour rappel, le montant de la réduction d'impôt est égal à 18 % des versements réalisés par le contribuable retenus dans la limite annuelle de 50.000 euros pour une personne seule [100.000 euros pour un couple]). Le dispositif entre également dans le plafonnement global des niches fiscales. Certains militent pour l’augmentation du plafond de déduction actuel en compensation de la disparition de l’ISF-PME. Stéphanie Hamis estime « que l’inconvénient majeur du dispositif IR-PME est d'être doublement plafonné – au titre des montants investis et du plafonnement global des niches fiscales – ce qui peut en limiter la portée. Or, on a constaté ces dernières années que le ticket moyen d’investissement stagnait autour de 10.000 euros par an, loin des 50.000 euros autorisés (voire 100.000 euros pour les couples). Ce chiffre laisse penser que le plafond n'est pas un réel frein au développement de l'investissement dans les PME, mais que l'aversion des Français pour le risque l'est bien plus ».

Pistes de réflexion. Un avis qui ne fait pas l’unanimité. Selon la Cour des comptes, le dispositif ISF a permis d’investir 1,2 milliard d’euros dans les PME. Redoutant la disparition de ce régime, les députés Les républicains ont proposé « une transposition du dispositif ISF sur l’IFI pour renforcer les PME ». De son côté, l’association PME Finance souhaiterait a minima un renforcement du taux et un déplafonnement – au moins temporaires – de l’IR-PME ou, à défaut, l’ouverture aux PME du plafond de 18.000 euros applicable aux Sofica (sociétés de financement de l’industrie cinématographique et de l’audiovisuel). A terme, l’association a réclamé la création d’un compte d’épargne réalisant la fusion de toutes les niches fiscales en un seul dispositif, dont le taux de défiscalisation et le plafond seraient révisables chaque année. Cet avantage fiscal pourrait alors être imputé sur l’ensemble de la fiscalité personnelle du contribuable. « Ce qui en plus de simplifier la vie du contribuable, permettrait à l’Etat de flécher beaucoup plus finement l’épargne vers les PME ou l’immobilier », assure le président de l’association.

Restrictions des dettes déductibles. L’exécutif a prévu dans le texte de l’IFI différents mécanismes afin de limiter, voire interdire, la déductibilité de certains passifs. De ce fait, ne seraient pas imputables les dettes contractées auprès des membres du foyer fiscal du contribuable, ce qui en matière d’impôt sur la fortune inclut les éventuels prêts accordés par le concubin, en plus du conjoint ou des enfants mineurs. Seraient également écartées les dettes familiales contractées auprès de proches – sauf à prouver leur caractère « normal » c’est-à-dire justifier de la réalité du prêt. En l’état actuel des débats, cette clause de sauvegarde ne vaut pas pour les prêts accordés entre conjoints. Certains députés ont dénoncé la création d’une « présomption irréfragable d’abus à l’encontre des conjoints » et ont demandé à ce que les époux bénéficient de cette clause. Les emprunts sollicités auprès d’une société contrôlée par le redevable ne seraient pas non plus déductibles.

Emprunts bancaires sous surveillance. D’autres limitations entendent restreindre l’effet de levier induit par le financement de l’immobilier par l’emprunt. Ainsi, le redevable qui finance son immeuble au moyen d’un crédit in fine ne pourrait plus déduire l’intégralité du capital restant dû pendant la durée de l’emprunt. Le projet de loi de finances prévoit à la place l’application d’un amortissement linéaire théorique pour limiter d’année en année le montant du capital déductible. Autre précaution, le texte a instauré un plafond de dette déductible pour les contribuables dont le patrimoine immobilier brut excède cinq millions d’euros. Le cas échéant, si les dettes du redevable représentent plus de 60 % de la valeur des actifs imposables, la quote-part excédant ce seuil ne serait déductible qu’à moitié. Enfin Stéphane Jacquin précise « que pour l’évaluation des droits sociaux, il ne pourra être tenu compte des dettes contractées par la société pour financer l’acquisition d’un bien ayant précédemment appartenu au redevable de l’IFI ou à des membres de son foyer fiscal ». Des propos que Lazard Frère Gestion a illustré de la manière suivante : une personne cède un immeuble d’un million d’euros à une SCI constituée entre ses enfants et se réserve l’usufruit des parts. La société emprunte 800.000 euros pour financer l’opération. Dans ce cas, la valeur déductible au passif de l’IFI est de un million d’euros.