
« Personne n'a su déceler cette escroquerie »

Comment tenir compte de l’arrêt du 9 janvier 2018 prononcé par la Cour d'appel de Paris qui a conclu à la condamnation d'Hedios Patrimoine ? (ARTICLE A LIRE ICI : https://www.agefiactifs.com/droit-et-fiscalite/article/un-cheminement-judiciaire-rallonge-79617 )
Cet arrêt s’inscrit dans un flux discordant de décisions de justice concernant la responsabilité des CGP. A Paris, le Tribunal de grande instance et la Cour d’appel de Paris écartent majoritairement la responsabilité des CGP au titre de la distribution des parts de SEP proposées par DTD. C’est le cas pour HEDIOS PATRIMOINE comme pour les membres d’ANTHEA, seuls CGP à avoir réalisé des contrôles sur place aux Antilles. La Cour d’appel a statué récemment encore en ce sens, par un arrêt du 1er décembre 2017. C’est également le cas du TGI, par un jugement du 12 décembre 2017. La Cour de cassation a de son côté été amenée à statuer sur le pourvoi formé contre un arrêt en faveur de Anthéa. Elle a rejeté le pourvoi, validant ainsi l’analyse de la Cour d’appel (Cass.civ. 24 mai 2017, n° … ;) Sur les quatre arrêts rendus en faveur de HEDIOS PATRIMOINE en juin 2016 par la Cour d’appel de Paris, trois sont définitifs. Un seul a fait l’objet d’un pourvoi en cassation qui sera examiné le 13 mars prochain. Elle aura également à se prononcer sur cet arrêt du 9 janvier 2018 puisqu’u pourvoi va être formé.
Comment vous positionnez-vous au sujet du contentieux DTD/CGP ?
Cette affaire est d’abord une fraude, qualifiée par le Tribunal correctionnel d’escroquerie commise en bande organisée. Le jugement est définitif concernant M. Sordes, qui n’a pas fait appel du jugement. Ce volet pénal est actuellement examiné pour d’autres prévenus par la Cour d’appel qui devrait donc rapidement statuer.
Aucune CGP n’est impliqué sur le plan pénal. Il me semble important de le rappeler dans la mesure ou certaines parties civiles ont décidé de ne pas demander l’indemnisation de leur préjudice financier à ces auteurs préférant se retourner uniquement contre les CGP. Ils se trompent à mon avis de cible, et c’est d’autant plus regrettable que des fonds relativement importants ont été saisis. Par ailleurs, je pense qu’une partie importante des fonds détournés pourrait être retrouvée pour peu que des efforts soient menés en ce sens.
Ce dossier est aussi une affaire fiscale, avec une difficulté qui tient à l’appréciation du fait générateur de la réduction d’impôt recherchée. C’est d’ailleurs ce point fiscal qui détermine en grande partie l’appréciation de la responsabilité des CGP : Savait-on, ou devait-on savoir, avant 2011 (date des premiers redressements fiscaux) que l’avantage fiscal n’était acquis qu’à compter de la date de raccordement des centrales ? L’article L.199 undecies b du Code général des impôts (CGI) ne parle jamais de raccordement, ni la doctrine administrative d’ailleurs. On parle de livraison. Le Conseil d’Etat n’a statué qu’en avril 2017 sur ce sujet qui a donné lieu à des milliers de recours administratifs.
Ce qui était important à l’époque, c’était l’acquisition des biens et la mise en possession des équipements destinés à produire. Cette position a été réaffirmée à plusieurs reprises par un fiscaliste établi sur place, aux Antilles, le cabinet ACTA Antilles, représenté par un ancien inspecteur des impôts, rare spécialiste du Girardin Industriel, qui a remis des notes de couverture pour les CGP.
Il faut se replacer dans ce contexte pour apprécier la responsabilité des CGP.
Enfin, une autre difficulté vient de l’appréciation règlementaire du rôle des CGP au regard de leur activité de CIF s’agissant de la distribution de parts de SEP (société en participation) qui relève du régime des CIF et fait l’objet d’une règlementation particulière en matière de documentation. Sur ce point particulier, l’obligation de conseil dont ils ont la charge ne porte que sur le produit. Elle ne repose pas sur une approche globale. Les tribunaux ont parfois du mal à assimiler que les CGP sont dans certaines situations uniquement des distributeurs de produits.
Des points vous semblent-ils incohérents ?
Il y a une cohérence, mais elle repose sur un biais fiscal qui génère un anachronisme. La Cour d’appel prend pour postulat que le critère du raccordement était connu, écartant la position de ACTA Antilles. Elle en déduit que les contrôles faits sur place par le CGP aurait dû l’alerter sur le risque de requalification fiscale. C’est sous cet éclairage qu’elle interprète les déclarations de Monsieur Vautel. Or les analyses de ce dernier lors des contrôles sur place, partagées par son confrère d’Anthéa, sont guidées par l’analyse fiscale alors admise.
Il n’est pas possible à mon sens de balayer d’un revers de main la position d’ACTA ANTILLES. Maître Scheinkmann, qui devait avoir plus de 60 ans à l’époque, et dont la compétence n’est pas remise en cause, n’a pas engagé sa responsabilité sans être sérieux dans son analyse.
Par ailleurs, et je reviens sur ce point fondamental, nous sommes en présence d’une escroquerie. Le vrai sujet est le détournement des fonds à d’autres fins que les investissements photovoltaïques. Les CGP, et plus particulièrement HEDIOS PATRIMOINE et ANTHEA, ont été dupés par une mise en scène.
Auraient-ils dû la déceler ? Il est toujours facile et tentant de le penser à posteriori. Mais c’est le propre d’une escroquerie que de parvenir à tromper. Et en l’occurrence les moyens mis en œuvre étaient nombreux et sophistiqués. Je rappelle notamment que DTD a reçu le soutien – involontaire - de l’administration fiscale à travers l’un de ses hauts fonctionnaires, condamné depuis pour corruption.
Je constate d’ailleurs que personne n’a su déceler cette escroquerie, et notamment aucune des instances ou autorités disposant pourtant de moyens d’investigation légaux. L’administration fiscale était la seule à connaître le volume des fonds levés. Elle dispose d’agents sur place et de prérogatives d’investigation. Un avait d’ailleurs diligenté une enquête chez DTD. Elle maîtrise par définition son analyse fiscale sur le fait générateur. Or aucun redressement n’est intervenu entre 2005 à 2011. La procédure pénale n’a elle été initiée qu’en 2010.