Affaire Apollonia

Ordre de rembourser

Dans ce dossier médiatique, le Crédit Immobilier de France a obtenu que des emprunteurs respectent leurs engagements
L’intérêt des sursis à statuer, dont ils ont profité jusqu’à présent, a été remis en cause par plusieurs arrêts de cours d’appel
DR, Sophie Thomazi, secrétaire général du CIFD

Le Crédit Immobilier de France Développement (CIFD), nouvelle désignation de l’établissement bancaire depuis 2015, tente de reprendre l’ascendant médiatique dans un dossier qui a jeté le discrédit sur toute une série d’intervenants à des opérations immobilières dans les années 2000 (L’Agefi Actifs, n°695, p. 18).

Montage incriminé. Au premier rang des mis en accusation, la société Apollonia a commercialisé durant cette période des biens locatifs auprès d’une clientèle aisée. Sur le papier, l’emprunt bancaire contracté par les acquéreurs, qui bénéficiaient au passage d’un avantage fiscal conséquent, était censé être financé par les revenus locatifs. Des problèmes à répétition, par exemple des rendements moindres qu’escompté, ont conduit à la mise en examen de cette société et de ses dirigeants, pour escroquerie en bande organisée. Effet collatéral, cette procédure s’est soldée pour le CIFD par le refus d’un grand nombre d’investisseurs de poursuivre le remboursement de leurs emprunts à compter de 2009. Ils ont d’ailleurs, pour stopper ces remboursements, engagé des actions sur la base des fautes commises par les banques prêteuses.

Affaire dans l’affaire. Force est de reconnaître que le traitement du CIFD par les magistrats a connu des fortunes diverses. D’un côté, quatre cadres bancaires ont fait l’objet d’une mise en examen courant mars par une juge d’instruction de Marseille (UFC Que choisir, avril 2018, n°569). De l’autre, en sa qualité de personne morale, le CIFD n’a pas été poursuivi à l’issue de son audition en février 2018. Cette décision a d’ailleurs donné l’occasion à l’établissement de sortir de son mutisme. « Compte tenu de la procédure pénale en cours, les juridictions civiles en charge des litiges opposant le Crédit Immobilier de France à ses emprunteurs ont d’abord décidé de surseoir à statuer. Aujourd’hui, en l’absence de mise en cause des établissements de crédit, ces procédures civiles ont repris de manière accélérée ces derniers mois », détaille Sophie Thomazi, secrétaire général et porte-parole du Crédit Immobilier de France.

Position du CIFD. « La société Apollonia était un intermédiaire qui nous présentait des dossiers faisant l’objet d’une revue classique d’octroi des prêts. Par ailleurs, nous n’avions pas davantage de relations avec cette société qu’avec d’autres intermédiaires, et les collaborateurs de notre groupe ne faisaient pas l’objet d’une rémunération spécifique sur les crédits souscrits par des clients Apollonia, poursuit la dirigeante. Dans le cas où le client réalisait concomitamment plusieurs opérations de crédit, nous n’étions pas en mesure de le savoir, sauf à ce que ce dernier nous en fasse spontanément part, comme il le devait dans le cadre de sa demande de prêt, ce qui n’était pas toujours le cas. »

Révocation des sursis à statuer. Dans un arrêt du 27 juin 2017 (1), la cour d’appel de Lyon a jugé que « malgré plus d’une dizaine d’années de procédure d’instruction, aucun élément ne laisse supposer que les employés des banques aient eu connaissance des procédés d’Apollonia et qu’ils aient sciemment prêté aide et assistance aux manœuvres de cette dernière […]. » Il en résulte que « l’issue de la procédure pénale est sans incidence sur la présente procédure dès lors qu’en l’absence de faute pénale les éventuels manquements de la banque à ses obligations ne peuvent être que des fautes civiles relevant de l’appréciation de la seule juridiction civile ».

Le contrat fait la loi des parties. Conséquence pour ces investisseurs, ils sont sommés de rembourser les sommes empruntées en vertu de l’article 1103 du Code civil. En l’espèce, ce contrat prévoit une pénalité de 7 % qui n’est pas réduite par les magistrats, faute, pour ces investisseurs, de montrer qu’elle serait manifestement excessive. Quant à leur demande de délais de paiement, elle est aussi rejetée. Soit une facture salée pour les emprunteurs : « Les jugements sont maintenant de plus en plus nombreux : plus de 80 décisions condamnant les clients à rembourser le prêt souscrit ont été rendues sur le fond par près d’une vingtaine de juridictions civiles », explique Sophie Thomazi. Aujourd’hui, 367 clients, sur 561 au départ, sont toujours en conflit avec l’établissement, ce qui représente une bagatelle de 307 millions d’euros d’encours.

 

(1) N°14/04626. Dans le même sens, CA Grenoble, 10 janvier 2017, 14/03660 ; CA Aix-en-Provence, 6 avril 2017, 15/14076 ; CA Nancy, 29 mars 2018, 15/02286 et CA Nîmes, 5 avril 2018, 16/00557.