Fiscalité

Mise en alerte sur quelques pièges à éviter

Marc IWANESKO, docteur en droit, notaire à Toulouse
Le Code général des impôts regorge de chausse-trappes. Certains articles se révèlent être de redoutables pièges pour les contribuables... et pour leurs conseils
Sans aucune prétention à l'exhaustivité, la présente étude vise à attirer l'attention sur quelques dispositions trop oubliées, mais toujours en vigueur
Marc IWANESKO, docteur en droit, notaire à Toulouse

 

L’ARTICLE 30 DU CGI

Principes.

« Le revenu brut des immeubles ou parties d’immeubles donnés en location est constitué par le montant des recettes brutes perçues par le propriétaire... » (CGI, art. 29, al. 1er).

Mais « le revenu brut des immeubles ou parties d’immeubles dont le propriétaire se réserve la jouissance est constitué par le montant du loyer qu’ils pourraient produire s’ils étaient donnés en location... » (CGI, art. 30).

Les revenus fonciers peuvent trouver leur source dans l’usage d’un immeuble par un tiers, mais également résulter de l’utilisation de son bien par son propriétaire. Ce dernier doit donc inclure dans ses revenus fonciers le revenu brut des immeubles dont il se réserve la jouissance.

Exceptions.

Elles sont au nombre de deux :

- Les logements. L’article 15-II du CGI précise que « ... les revenus des logements dont le propriétaire se réserve la jouissance ne sont pas soumis à l’impôt sur le revenu », qu’ils soient détenus en direct ou par le biais d’une SCI (CE, 8e et 9e ss-sect., 27 oct. 1999, n°172940).

- Les droits de chasse (CGI, art. 30 in fine).

Conséquences pratiques.

Le contribuable doit inclure dans ses revenus fonciers les revenus que l’immeuble pourrait produire (exemples : un artisan qui utiliserait un garage pour entreposer son matériel ou ses marchandises ; un commerçant qui exploite son commerce dans un immeuble dont il est propriétaire).

Faute d’y procéder, le contribuable est passible de la procédure de taxation d’office (Livre des procédures fiscales - LPF, art. 66), sauf s’il a régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d’une mise en demeure (LPF, art. 67).

Palliatifs.

Si l’activité est exercée sous forme sociale, le contribuable devra signer un bail aux conditions financières normales de marché.Si elle est exercée en nom propre, deux solutions sont envisageables :

- soit la vente ou l’apport de l’immeuble à une société, suivi d’un bail ;

- soit le recours au bail à soi-même autorisé par le Conseil d’Etat dès 1955 (CE, 13 juill. 1955, n°17908) et confirmé depuis (CE 8e et 9e ss-sect. réunies, 8 juill. 1998, n°164657) pour les titulaires de BIC et pour les BNC (CE, 10e et 9e ss-sect. réunies, 11 avr. 2008, n°287808).

LA RESPONSABILITÉ DES TIERS

L’administration, dans le but de recouvrer l’impôt, a multiplié les obligations des tiers. Pour les ventes de fonds de commerce, la situation est régie par le CGI (art. 1684). D’autres sont plus confidentielles, notamment la responsabilité des propriétaires à raison de la taxe d’habitation due par leurs locataires (CGI, art. 1686).

Problématique à résoudre.

Le propriétaire de locaux nus doit, un mois avant l’époque du déménagement de ses locataires, se faire représenter par ces derniers les quittances de leur taxe d’habitation.

A défaut, le propriétaire est tenu, sous sa responsabilité personnelle, de donner, dans le délai d’un mois, avis du déménagement au comptable du Trésor, à peine d’être responsable des sommes dues au titre de la taxe d’habitation des locataires s’il n’a pas, dans les trois mois, fait donner avis du déménagement au comptable du Trésor (art. 1686 al. 1 et 2).

Toutefois, cet avis au Trésor est inopérant pour les loueurs en meublé, le propriétaire est responsable de la taxe d’habitation des personnes logées par eux en garni. Le loueur en meublé jouit d’une situation fiscale moins confortable que le loueur de locaux nus. Il ne peut en effet se dégager de sa responsabilité en avisant l’administration du départ de son locataire (CGI, art. 1686, al. 3).

Il est donc responsable avec ce dernier du paiement de la taxe d’habitation et ne peut s’en exonérer. Cette contrainte s’explique par le fait que le locataire n’est pas propriétaire de meubles susceptibles de constituer une garantie pour le Trésor.

Les dispositions de l’article 1686, alinéa 3, du CGI ne concernent toutefois que les cotisations déjà mises en recouvrement au moment du départ du locataire.

Solution possibles.

On interrogera le vendeur pour savoir si l’immeuble faisait l’objet d’un bail au 1er janvier. Dans l’affirmative, ce dernier devra justifier avoir rempli ses obligations fiscales.

A défaut, ou si la cession a lieu avant l’émission du rôle, il sera prudent de consigner le montant de la taxe d’habitation afin de préserver l’acquéreur d’un recours de l’administration.

Si l’immeuble est occupé, en revanche, le bailleur ne dispose d’aucun moyen pour contraindre le locataire à acquitter sa taxe d’habitation. En outre, l’administration ne peut prendre aucune mesure conservatoire avant l’émission du rôle, qui constitue son titre exécutoire.

Il semblerait donc prudent que le bailleur exige du locataire le dépôt d’une somme couvrant l’impôt (ou à défaut, obtienne un cautionnement bancaire). On pourra stipuler dans le bail que cette somme sera restituée au locataire (ou que le cautionnement sera annulé) sur production d’un bordereau de situation établissant le paiement de la totalité des cotisations mises en recouvrement.

Cette précaution s’impose d’autant plus pour les loueurs en meublé qui ne peuvent se faire subroger dans le privilège du Trésor de l’article 1920 du CGI et qui ne disposent pas du privilège spécial mobilier de l’article 2332 du Code civil.

En dernier recours, le propriétaire pourra demander à l’administration de le décharger de sa responsabilité sur le fondement de l’article L. 247-3° al. 3 du LPF.

LA REQUALIFICATION DU VENDEUR D’IMMEUBLE EN MARCHAND DE BIENS

Il est fréquent que les immeubles acquis au fil des avantages fiscaux soient successivement revendus. L’administration est alors quelquefois tentée de requalifier l’investisseur en marchand de biens, ce qui rend sa situation fiscale particulièrement inconfortable.

Qu’est-ce qu’un marchand de biens ?

La loi ne définit pas cette notion, mais le CGI assujettit aux BIC les contribuables réalisant des opérations d’achats en vue de la revente (CGI, art. 35-I-1°). La qualification de marchand de biens est donc une question de fait, dont le Bofip précise les notions (BOI-BIC-Champ.-20-10).

Les conséquences fiscales d’une requalification.

Elles diffèrent selon que le contribuable agit en nom propre ou par le biais d’une société civile relevant de l’impôt sur le revenu.

Dans le premier cas, il se voit placé sous le régime des bénéfices industriels et commerciaux, alors que dans le second, la société relève de l’impôt sur les sociétés en application des articles 35-I-1° et 206-2 du CGI. Les plus-values qui auront pu être réalisées vont alors être retraitées en bénéfices industriels et commerciaux (sur la question, v° P. Fernoux : Gestion de l’investissement immobilier privé et activité de marchand de biens : JCP N 1993, I, p. 233).

Les immeubles sont des stocks pour les marchands de biens, aussi le résultat réalisé va-t-il relever des BIC et non du régime des plus-values des particuliers. En outre, le contribuable sera assujetti à la TVA sur marge (CGI, art. 257-6°) et à la taxe professionnelle (CGI, art. 1447).

Pour pouvoir requalifier l’opération, l’administration doit prouver l’intention spéculative au moment de l’acquisition et l’examen de la jurisprudence montre que la multiplicité des opérations et le bref délai séparant achats et ventes constituent une forte présomption pour le juge de l’impôt.

Un contribuable a ainsi pu échapper à la qualification de marchand alors qu’il avait réalisé plus de dix ventes, mais qu’il avait conservé les biens sur une durée importante (CE, 7e et 8e ss-sect., 13 juin 1979, n°10962) ou qu’il avait loué les immeubles durant une longue période, démontrant ainsi que le but recherché consistait à obtenir des ressources régulières sous forme de revenus fonciers (CE, 7e et 8e ss-sect., 13 juin 1979, n°11713) et non pas de spéculer.

Par ailleurs, la qualification de marchand de biens a été déniée à des contribuables ayant à faire face à des difficultés de trésorerie, qu’elles soient d’ordre privé ou professionnel (v° la jurisprudence citée par P. Fernoux, Gestion fiscale du patrimoine : La revue fiduciaire, 13e éd. 2008, spéc. p. 471).

L’ARTICLE 728 DU CGI

Lors de la cession de parts de sociétés dont l’immeuble social est laissé à la disposition des associés, l’immeuble ne générant aucun revenu, son acquisition est alors souvent financée par des apports en compte courant et les frais d’entretien sont payés par les associés. Au fil du temps, d’importants comptes courants peuvent apparaître.

A première vue, la fiscalité de telles cessions apparaît attrayante, le compte courant cédé constituant une simple cession de créance, non taxée en application des articles 671 et suivants du CGI.

Il conviendra toutefois d’analyser l’opération à la lumière des articles 728 du CGI et 292 de l’annexe II du même Code.

Le premier de ces textes précise que pour la perception des droits d’enregistrement, les cessions d’actions ou de parts conférant à leurs possesseurs le droit à la jouissance d’immeubles sont réputées avoir pour objet les immeubles eux-mêmes.

Le second précise que les actions ou parts sociales dont la cession est soumise au régime fiscal défini à l’article 728 du CGI s’entendent de celles qui, à la date de ladite cession, confèrent en fait ou sont destinées à conférer à leurs titulaires le droit à la jouissance d’immeubles, quels que soient l’objet statutaire et l’activité réelle de la société émettrice.

Cette fiction, purement fiscale, a pour effet de faire abstraction de la personnalité morale de la société (Cass. com., 10 déc. 2003, n°01-16589).

L’article 728 du CGI institue un régime fiscal dérogatoire, une taxation fondée sur une analyse purement fiscale, indépendamment de la nature juridique réelle de l’opération (Cass. com., 14 nov. 2006 ; n° 05-13870).

La doctrine administrative précise que le régime prévu à l’article 728 du CGI n’est applicable qu’après établissement d’un état de division et affectation d’actions ou de parts ou de groupes d’actions ou de parts à chacune des fractions de l’immeuble. L’administration se réserve par ailleurs le droit de faire application de ce régime s’il apparaissait que l’établissement de l’état de division et d’affectation des droits sociaux a été différé à des fins purement fiscales.

Il est également nécessaire que le droit de jouissance soit indissolublement lié à la qualité d’associé. Cette dernière condition est donc remplie si la société a pour objet la mise à disposition de tout ou partie de l’immeuble aux associés.

La jurisprudence fait toutefois une application extensive du texte. Ainsi, dans une affaire où des personnes avaient acquis les parts d’une SCI propriétaire d’un chalet, la Cour de cassation a-t-elle jugé que la vente était réputée avoir pour objet l’immeuble, au motif que l’objectif visé par les cessionnaires consistait à devenir les seuls propriétaires de l’immeuble social, affecté à leur habitation à titre de résidence secondaire (Cass. com., 10 déc. 2003, n°01-16589), décision ensuite confirmée (Cass. com., 14 nov. 2006 n°05-13870).

Il en résulte que si les associés ont la libre disposition de l’immeuble social, les cessions de titres sont réputées avoir pour objet les immeubles. Les droits de vente sont alors dus sur la valeur de l’immeuble et non sur celle des droits sociaux et, contrairement à ce qu’indique la doctrine administrative, la Cour de cassation n’a pas recherché si un état descriptif de division avait été établi.

LES REPORTS DÉFICITAIRES

Principes.

L’impôt sur le revenu est assis sur un revenu net. L’article 156 du CGI dispose que l’impôt sur le revenu est établi d’après le montant total du revenu net annuel dont dispose chaque foyer fiscal. Ce revenu net est déterminé sous déduction du déficit constaté pour une année dans une catégorie de revenus.

Si le revenu global n’est pas suffisant pour que l’imputation puisse être intégralement opérée, l’excédent du déficit est reporté successivement sur le revenu global des années suivantes jusqu’à la sixième année inclusivement (10 ans pour les déficits fonciers). Au-delà, ils sont perdus.

L’article 156 vise notamment les bénéfices agricoles, les bénéfices industriels et commerciaux (ce texte exclut toutefois les loueurs en meublé professionnels dont les déficits peuvent être imputés sur le revenu global du contribuable), les BNC, les moins-values sur titres (pertes constatées lors de la cession de titres et droits sociaux relevant du régime de l’article 150-0 A du CGI) et les pertes résultant d’opérations de Bourse effectuées à titre habituel par les particuliers, les revenus fonciers – la part du déficit foncier supérieure à 10.700 euros –, sous réserve des exceptions prévues par les textes (monuments historiques, immeubles inscrits à l’inventaire supplémentaire ; travaux de grosses réparations réalisées par les nus-propriétaires lorsque le démembrement résulte d’une succession ou d’une donation entre vifs, effectuée sans charge ni condition et consentie entre parents jusqu’au quatrième degré inclusivement...).

Revenus fonciers et reports déficitaires.

On sait qu’il est possible d’imputer sur le revenu global les déficits fonciers résultant de dépenses déductibles des revenus fonciers (autres que les intérêts d’emprunt) dans la limite d’un plafond annuel de 10.700 euros. Pour en bénéficier, le contribuable n’a pas à souscrire d’engagement particulier. Sa seule obligation réside dans l’obligation d’affecter l’immeuble à la location jusqu’au 31 décembre de la troisième année qui suit l’imputation.

Le régime est identique pour les sociétés propriétaires d’immeubles lorsque les associés ont imputé le déficit sur leur revenu global. En outre, dans cette dernière hypothèse, ils doivent conserver leurs titres pendant trois ans. Toute cession de part avant l’expiration de ce délai de trois ans entraînerait la reprise de l’avantage, même si la société continuait à respecter l’affectation de l’immeuble à la location.

Il convient de noter que la condition n’est pas considérée comme remplie lorsque le local est vacant, même si le propriétaire perçoit et déclare des revenus de remplacement (ex. : assurance). Au départ d’un locataire, la nouvelle location doit prendre effet immédiatement. L’administration montre toutefois une certaine tolérance à condition que le propriétaire fasse la preuve de diligence dans la recherche d’un nouveau locataire (publicité, loyer et conditions de location non dissuasives...).

Enfin, l’affectation à la location meublée est assimilée à une rupture de la location.

Si la condition de location n’est pas respectée, les déficits indûment imputés constituent une insuffisance de déclaration pour l’application de la dispense de l’intérêt de retard mentionnée au 4° du II de l’article 1727 du CGI.

La remise en cause peut être effectuée jusqu’au 31 décembre de la troisième année qui suit celle du non-respect de l’affectation de l’immeuble (ou de la conservation des titres s’il s’agit d’une société).

Le revenu global et les revenus fonciers des trois années précédant l’année de cessation de la location sont reconstitués. Les pénalités sont déterminées dans les conditions de droit commun.

Le déficit qui a été imputé sur le revenu global ne peut alors plus être imputé que sur les revenus fonciers des dix années suivantes. A défaut de revenus fonciers, les déficits fonciers qui restaient imputables ne pourront plus l’être.

L’ARTICLE 206-2 DU CGI

L’article 206-I-2 du CGI dispose qu’à l’exception des sociétés civiles de construction-vente de l’article 239 ter du CGI, les sociétés civiles sont passibles de l’impôt sur les sociétés lorsqu’elles se livrent à une exploitation ou à des opérations commerciales visées aux articles 34 et 35 du CGI.

Si l’on n’y prend garde, un certain nombre d’opérations sont susceptibles d’avoir des conséquences désastreuses sur la société civile qu’aura constitué le contribuable.

La commercialité de l’activité de la SCI au regard du droit fiscal.

La commercialité de l’activité peut résulter de multiples opérations. L’administration a toutefois prévu un tempérament.

Les hypothèses de requalification.

Commercialité due à la participation du bailleur aux résultats du locataire. Les loyers sont généralement fixes, mais les parties peuvent s’accorder sur la fixation d’un loyer variable.

Or, il est un certain nombre d’hypothèses où l’introduction d’une clause recette constitue pour l’administration une marque de transfert indirect de bénéfices, ce qui entraîne une qualification fiscale de commercialité.

Lorsque l’immeuble est détenu par une société civile, elle relève alors de l’IS.

Le Conseil d’Etat (CE, 3 mars 1971, Labrunye, 3 mars 1971, n° 75437) précise les conditions dans lesquelles la location est fiscalement qualifiée de commerciale : « Considérant... que le bail... portait exclusivement sur des immeubles qui sont dépourvus de tout élément d’exploitation, ... que ledit bail ne comportait aucune clause destinée à associer le bailleur aux résultats de l’exploitation, et ... le loyer était normal et ne comprenait aucune participation aux résultats de ladite société ; que, dès lors, la location dont s’agit ne présentait pas un caractère commercial... »

Les tribunaux considèrent qu’une location civile prend la qualité de location commerciale lorsqu’elle permet au bailleur de participer à la gestion ou aux résultats de l’entreprise locataire (M. Cozian, Indexation et commercialité : BF Lefebvre 8-9/95, p. 507 et s. - CE, 28 nov. 1984, n°42499 : Dr. fisc. 1985, n°15, comm. 763 ; RJF 1985, 212).

Ainsi, un loyer fixé à 35 % du bénéfice de l’exploitant présente un caractère commercial : « Considérant qu’un tel mode de calcul du loyer entraîne la participation de la société civile bailleresse aux résultats de la société locataire ; que l’activité de la société civile revêtait par suite un caractère commercial la rendant passible de l’impôt sur les sociétés... » (CE, 3 mars 1976, n°94801 : RJF 1976, n° 5, p. 169).

Une telle clause présente alors une présomption irréfragable de commercialité (R. Gouyet, Clauses de variation de prix et fiscalité des sociétés civiles procédant à la location d’immeubles nus : JCP N 2001, n°37, p. 1351).

En revanche, si l’indexation ne dépend pas du bénéfice réalisé par le preneur mais d’autres éléments (ex : chiffre d’affaires, prix d’une matière première...), il n’y a pas de participation aux résultats du locataire et donc pas de caractère commercial : « Considérant que, dans les circonstances de l’affaire, cette clause de variation du loyer en fonction du seul montant des ventes annuelles réalisées par la société locataire ne saurait, à elle seule, faire regarder les sieurs Sarazin comme ayant participé effectivement à la gestion et aux résultats » (CE, 30 juin 1967 : Dr. fisc. 1967, n°38, comm. 978).

La doctrine administrative, quant à elle, considère que le critère de commercialité est rempli dès lors que le loyer est calculé en fonction du bénéfice ou du chiffre d’affaires du locataire ou encore lorsqu’une clause du bail implique une participation du propriétaire aux résultats de l’entreprise locataire, la doctrine vise un arrêt du Conseil d’Etat du 18 juillet 1973 (req. n°82577) mais le considérant de l’arrêt ne vise que le bénéfice et non le chiffre d’affaires : « Considérant... que... la location desdits immeubles ne pouvait avoir un caractère commercial que si le bail comportait une clause ayant pour effet d’associer le bailleur aux résultats de l’exploitation ou si les modalités de fixation du loyer avaient impliqué une participation du bailleur aux résultats de la société. »

La location meublée. La location d’une habitation meublée est une activité commerciale relevant des BIC. Mais la requalification suppose que la location soit une véritable location meublée. La simple présence d’une cuisine équipée ne suffit pas.

A cet égard, la réponse ministérielle Desanlis (BOI-BIC-CHAMP-40-10) précise que la location d’un local d’habitation garni de meubles est regardée comme une location meublée lorsque les meubles loués avec le local sont suffisants pour donner à ce dernier un minimum d’habitabilité.

Cette appréciation relève de l’interprétation souveraine des juges du fond qui apprécient souverainement si les meubles mis par le bailleur à la disposition du locataire permettent à ce dernier d’avoir une jouissance normale des lieux loués en meublé (Cass. 3e civ., 9 févr. 2005, n°03-15128) : « Mais attendu qu’ayant... constaté que la liste des meubles... ne visait que des éléments d’équipement accessoires (chaises, tables, matelas), sans faire référence à des éléments d’équipement essentiels tels que le réfrigérateur, des plaques chauffantes ou une gazinière permettant aux locataires d’avoir une jouissance normale des locaux, la cour d’appel a pu en déduire que le bail devait être qualifié de bail à usage d’habitation soumis aux dispositions de la loi du 6 juillet 1989. »

Le piège type pour le contribuable est constitué soit par la résidence secondaire ou la maison de famille apportée en société après le décès des parents et qui est louée une partie de l’année pour payer les charges de fonctionnement ; soit par l’appartement loué meublé vendu à un acquéreur qui le loge dans une SCI. Dans les deux cas, le bail fait état d’une location meublée...

Le tempérament : la réponse ministérielle Berger. Interrogée par un parlementaire, l’administration a posé un tempérament au principe posé par l’article 206-2 du CGI (RM Berger BOI-IS-CHAMP-20-10, n°90) ; les sociétés civiles ne sont pas assujetties à l’IS, si le montant hors taxes de leurs recettes commerciales n’excède pas 10 % du montant de leurs recettes totales hors taxes. Malheureusement, en pratique, la société étant propriétaire d’un unique immeuble, la tolérance sera de peu de secours...

Les conséquences. Les conséquences fiscales du changement de régime d’imposition sont fixées par les articles 202 ter II à IV et 46 E de l’annexe III du CGI, à savoir :

- Les revenus font l’objet d’une imposition immédiate.

- Pour ce qui concerne les plus-values latentes, le contribuable a le choix entre deux possibilités : soit les régler sur le champ (V. CGI, art. 150 U et s.), soit inscrire au bilan d’ouverture de la première période d’assujettissement à l’IS la valeur d’origine des biens, ainsi que les amortissements et provisions qui auraient pu être déduits si l’entreprise avait été soumise à cet impôt depuis leur acquisition. La cession ultérieure des immeubles sera alors assujettie au régime des plus-values professionnelles.

- Le changement de régime fiscal entraîne la perte des reports déficitaires.

- Le loyer sera en principe taxable à la TVA : le montant acquitté par le locataire est alors réputé TTC. La TVA est réputée encaissée par la SCI, mais non reversée au Trésor.

- La SCI devient une personne exerçant une activité industrielle, commerciale, artisanale ou libérale à titre habituel, devenant alors passible de la taxe professionnelle (CGI, art. 1447) : l’assiette de cette dernière, est alors constituée par la valeur locative des immobilisations corporelles (CGI, art. 1467).

La requalification a également des conséquences pour les associés. Il s’est en effet produit un changement de qualification des revenus distribués par la SCI. Ces derniers ont en effet été déclarés par les associés comme des revenus fonciers. Or, provenant d’une société opaque, ces revenus sont des dividendes qui relèvent de la catégorie des revenus de capitaux mobiliers (CGI, art. 108 et s.).

Le Conseil d’Etat (CE, 3 mars 1976, n° 94801) applique cette règle au cas qui nous intéresse : « Considérant que le mode de calcul du loyer implique la participation de la société civile bailleresse aux résultats commerciaux de la société locataire ; que l’activité de la société civile, constituée par cette location, revêtait par suite un caractère commercial rendant cette société passible de l’impôt sur les sociétés en vertu des dispositions combinées des articles 206 1 et 2 et 34 du Code général des impôts, (...)

Considérant, d’autre part, qu’en vertu des dispositions des articles 109 et 111 du Code général des impôts, sont regardées comme revenus de capitaux mobiliers les sommes mises à la disposition de leurs associés par les sociétés passibles de l’impôt sur les sociétés ; que, par suite, les sommes reçues par le sieur... de la société civile... revêtaient le caractère de revenus de capitaux mobiliers ; qu’elles ont donc été à bon droit imposées à ce titre et non pas en tant que revenus fonciers. »

Par ailleurs, les associés non résidents subiront la retenue à la source due au titre de l’article 119 bis 2 du CGI.

LES PIÈGES DE LA TVA

Les personnes qui donnent à bail des locaux nus peuvent s’assujettir à la TVA (CGI, art. 260-2°). En effet, alors même qu’elles sont représentatives d’une activité civile, les locations d’immeubles sont considérées comme relevant des prestations de services au sens de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977 et, à ce titre, relèvent des articles 256 et suivants du CGI.

Mais les immeubles à usage d’habitation sont exonérés de TVA (CGI art. 260-2° a). Même en meublé, l’option pour cet impôt n’est pas possible.

Une série d’exceptions à ce principe est toutefois prévue par l’article 261-D-4° b du CGI. A condition de respecter les obligations qu’il édicte, le propriétaire pourra récupérer la TVA grevant l’immeuble acquis.

L’intérêt est évident dès lors que l’immeuble est acquis neuf. Le prix étant payé TTC, il apparaît d’emblée un crédit de taxe, dont le contribuable pourra demander le remboursement.

Deux pièges peuvent alors se présenter pour l’acquéreur :

L’investissement a été réalisé à travers une SARL de famille.

Le contribuable va demander le remboursement du crédit de taxe. Selon le financement mis en place, la TVA peut être financée par un prêt à court terme qui sera soldé lors du remboursement de la taxe, soit par un financement global. Compte tenu de la fiscalité des investisseurs, les emprunts souscrits sont des emprunts in fine dont le remboursement est garanti par un contrat d’assurance vie.

Le contribuable pourrait être tenté d’abonder le contrat d’assurance vie avec le remboursement du crédit de taxe. Il faut s’en garder, le procédé constituant un abus de bien social.

En effet, la somme représentant la TVA récupérée appartient à la SARL et non à l’investisseur. Elle ne peut donc servir à alimenter le contrat d’assurance vie qui appartient à l’investisseur. On préférera donc faire souscrire un bon de capitalisation par la société au profit du prêteur.

L’investissement a été réalisé en nom propre.

Le risque peut ici provenir du divorce lorsque le bien aura été acquis par des époux communs en biens. En effet, depuis le 1er janvier 1996, l’option pour la TVA a pour conséquence que les loyers sont soumis à la taxe pour une durée de 20 ans (CGI, Ann. II, art. 194).

En cas de rupture de l’engagement, la TVA doit faire l’objet d’une régularisation par un vingtième.

Or, en matière de divorce, la jurisprudence considère que la dissolution d’une communauté conjugale équivaut à une cessation d’activité au sens de l’article 210 de l’Annexe II au CGI (CE, 6 avr. 2001, n°204883 ; RJF 7/2001, n° 933). Si la location a duré moins de vingt ans, une régularisation devra donc être opérée.

Pour le Conseil d’Etat, la dissolution de la communauté par l’effet d’un divorce a pour effet, à compter du partage qui fait cesser l’indivision qui existait entre les ex-époux, d’entraîner la cessation de l’activité exercée. L’administration est donc fondée à demander la régularisation des déductions de taxe ayant grevé les biens constituant des immobilisations, bien que l’activité ait été poursuivie par l’un des conjoints après le partage de la communauté.

« Considérant... que M. et Mme X... ayant acquis le 20 octobre 1987, en communauté de biens, un local nu à usage commercial en vue de le donner en location... opté... pour l’assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée... et opéré... la déduction d’une fraction de la taxe ayant grevé l’acquisition ; que du fait du partage de la communauté de biens des époux X..., effectué par un acte... portant règlement complet des effets de leur divorce, homologué par jugement du tribunal de grande instance... la cessation de l’activité de location exercée par cette communauté est intervenue avant le commencement de la neuvième année ayant suivi l’acquisition du local loué ; que la communauté devait par suite procéder, en application des dispositions précitées de l’article 210 de l’annexe II au code, à la régularisation des déductions de taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les biens constituant des immobilisations, sans qu’y puisse faire obstacle la circonstance, déjà relevée, que Mme... a ultérieurement poursuivi l’activité de location pour son compte ; qu’il est constant que M.. représentait légalement la communauté conjugale jusqu’à sa dissolution ; que, par suite, il n’est pas fondé à soutenir, sur le terrain de la loi fiscale, que l’administration ne pouvait réclamer à la communauté conjugale, représentée par M.., l’intégralité de la régularisation de taxe due au titre des dispositions précitées. »

L’ARTICLE 170 DU CGI

Ce texte précise que doivent être porté dans la déclaration annuelle d’ensemble des revenus (n°2042) d’une part le montant net de la plus-value exonérée au titre de la première cession d’un logement autre que la résidence principale, lorsque le cédant n’a pas été propriétaire de sa résidence principale au cours des quatre années précédant la cession ; d’autre part le montant net imposable des plus-values immobilières. En effet, les plus-values étant fiscalement assimilées à un revenu, elles sont prises en compte pour le calcul de l’éventuelle surtaxe définie à l’article 223 sexies du CGI.

L’article 1760 du CGI précise que toute infraction donne lieu (même en l’absence de surtaxe) à l’application d’une amende égale à 5 % des sommes non déclarées, sans que le montant de cette amende puisse être inférieur à 150 euros ou supérieur à 1.500 euros ; lorsqu’aucune infraction aux dispositions du 1 de l’article 170 n’a été commise au cours des trois années précédentes, ces montants sont réduits respectivement à 75 euros et 750 euros.

Remarque : Seules les plus-values exonérées au titre de la cession de la résidence principale et de l’exonération pour durée de détention n’ont pas à figurer dans la déclaration 2042.