
Ma succession en ligne, une succession sans case notaire

Si Vincent Lecoq ne pense pas comme un notaire, c’est sûrement parce qu’il ne vient pas du monde du notariat. Avocat, puis maître de conférences, il n’est devenu notaire qu’il y a six mois. Ma Succession en ligne, qu’il a co-créé avec Anne-Sophie Poiroux, également notaire, ne propose rien de moins que d’accomplir toutes les formalités inhérentes à cette étape difficile en se passant… de son notaire. La question de la légalité du processus frappe immédiatement : « il est obligatoire de requérir aux services d’un notaire pour l’ensemble des actes préalables à la succession, indique un notaire qui souhaite garder l’anonymat. Le recours au notaire n’est pas obligatoire - mais fortement conseillé – pour la dernière étape seulement, la déclaration de succession ». Vincent Lecoq répond, par une formule qu’on pourrait croire néo-confucéenne, que « le notaire prend le droit tel qu’il existe, alors que l’avocat se pose la question du risque ». De manière plus terre-à-terre, une parade a été prévue à chaque étape :
- L’acte de notoriété, qui prouve la qualité d’héritier, relève expressément de l’office du notaire. Vincent Lecoq oppose à cette exigence la possibilité offerte par le Code civil (article 730) d’établir la preuve de la qualité « par tous moyens », l’acte de notoriété n’en étant qu’un parmi d’autres. « L’héritier peut établir une déclaration sur papier libre », propose-t-il. La banque ne peut théoriquement pas exiger d’acte de notoriété pour débloquer les fonds, mais la pratique prime souvent sur le droit. « Dans ce cas, il suffit de regarder les derniers relevés bancaires pour connaître l’étendue du patrimoine », poursuit le notaire.
- L’option successorale, qui permet d’accepter la succession purement et simplement ou à concurrence de l’actif net, ou de la refuser, ne relève pas du monopole. L’option, en fonction de celle choisie, peut-être exercée auprès du greffe du dernier domicile du défunt, voire de façon tacite.
- L’inventaire des biens mobiliers est l’apanage du notaire, mais il est possible d’opter pour une alternative, le forfait immobilier. Sa base de calcul est égale à 5 % de l’actif brut, il faut donc estimer avant si l’enjeu en vaut la chandelle. « Dans 50 % des successions, il n’y a pas de droits donc il vaut mieux prendre le forfait, affirme Vincent Lecoq. L’inventaire valorisera souvent peu le patrimoine car les meubles anciens ont subi une terrible décote, ceux du XVIIIe répondent par exemple mal aux exigences de la modernité. » Si l’inventaire est nécessaire, le notaire a l’obligation d’instrumenter et ne peut donc soumettre la réalisation de cet acte à la condition de lui remettre le « package » globale de la succession. En pratique, il y a en revanche un risque qu’il laisse traîner le dossier en bas de la pile.
- L’attestation de propriété immobilière (qui fait état de la transmission du bien) rentre dans l’escarcelle du notaire, et ne paraît à priori pas contournable. Sauf pour Vincent Lecoq, qui rappelle que la production de l’attestation est une obligation qui n’est plus sanctionnée depuis 1998. « Elle est nécessaire pour la vente mais il sera toujours possible de la faire en moins prenant, c’est à dire en déduction du prix de vente du bien, à ce moment-là, ajoute-t-il. En termes de gestion patrimoniale, le moins prenant est plus intéressant que le paiement de l’attestation. »
Une déclaration calculée par algorithme
A l’issue, l’héritier pourra rédiger lui-même sa déclaration de succession et le calcul des droits sera effectué par la plateforme à partir des éléments fournis. Dans cette succession « à faire soi-même », la sécurité pour l’usager vient du tiers de confiance – et souscripteur du logiciel - qui fait office d’intermédiaire : expert-comptable, avocat, CGP… ou notaire ! Si le client réalise lui-même sa succession, le professionnel réalise un contrôle avant transmission de la déclaration à l’administration. En complément, ce dernier pourra aussi utiliser l’outil pour faciliter son travail d’ingénierie patrimoniale. « Ma succession en ligne est destinée aux successions simples, pas aux 15 % de cas particuliers, prévient Vincent Lecoq. En présence d’un testament, il sera possible de faire appel à un notaire partenaire de la plateforme. »