
L’optimisation patrimoniale en toute simplicité

On connaît bien l’assurance vie, support d’épargne préféré des Français et ce, à juste titre : liquidité des fonds, qualité de la gestion grâce au fonds euros et aux nombreuses unités de comptes, enveloppe fiscale avantageuse aussi bien en cours de vie de l’assuré qu’en cas de décès avec la transmission aux bénéficiaires des sommes versées avant 70 ans non soumises aux droits de succession… On parle cependant beaucoup moins du contrat de capitalisation, pourtant très complémentaire à l’assurance vie.
En cas de vie, contrat d’assurance vie et de capitalisation offrent exactement les mêmes avantages de gestion, de flexibilité, de rendement et de fiscalité lors des retraits.
En cas de décès, contrairement à l’assurance vie qui profite d’une fiscalité avantageuse avec l’article 990 I du Code général des impôts (CGI), le contrat de capitalisation fait partie de la succession du souscripteur et est transmis à ses héritiers. Mais ce qui peut paraître, à première vue, un handicap se révèle un atout qui fait du contrat de capitalisation une enveloppe complémentaire idéale pour rééquilibrer un patrimoine déjà très investi en assurance vie et pour tirer parti des abattements applicables aux successions (100.000 euros par parent et par enfant). Et contrairement à l’assurance vie, il peut être donné ou légué de son vivant à la personne de son choix.
Par ailleurs, après 70 ans, c’est l’article 757B du CGI qui s’applique à l’assurance vie, c’est-à-dire un simple abattement de 30.500 euros partagé entre tous les bénéficiaires, puis les droits de succession traditionnels. Le contrat de capitalisation présente alors des avantages incontournables.
Il est également à privilégier pour placer et gérer de manière optimale la trésorerie détenue par l’intermédiaire d’une société ou d’une holding, l’assurance vie étant réservée aux personnes physiques. Etudions quelques optimisations possibles autour de la complémentarité du contrat de capitalisation et de l’assurance vie à travers un exemple typique.
Situation patrimoniale. Monsieur et Madame Martin ont 56 ans et viennent de céder leur entreprise début 2016 pour environ 15 millions d’euros.
Ils doivent donc organiser leur nouveau patrimoine.
Ils sont mariés et ont deux enfants de 28 ans et 30 ans.
En dehors de l’entreprise, leur patrimoine immobilier et financier est d’environ 4 millions d’euros.
Depuis le décès du père de Monsieur il y a trois ans, il est nu-
propriétaire d’une maison familiale estimée un million d’euros dont sa mère, 79 ans est usufruitière. Ils ont décidé d’un commun accord de vendre cette maison devenue trop lourde d’entretien.
Enfin, à la suite d’un apport-cession lors de la vente de sa précédente société, ils possèdent une holding familiale avec 3 millions d’euros de trésorerie long terme.
Fiscalité en cas de décès. Voir les tableaux 1 et 2.
Pour les patrimoines les plus importants, on constate le net avantage que procure l’assurance vie sur les droits de succession en ligne directe (droits de mutation à titre gratuit ou DMTG), avec une économie de 8,75 % au-delà de 902.838 euros et même de 13,75 % au-delà de 1,8 million d’euros face aux DMTG.
EXONÉRATION DES INTÉRÊTS DU CONTRAT DE CAPITALISATION AU TITRE DE L’ISF
Face à cela, le contrat de capitalisation présente un avantage non négligeable pour les contribuables soumis à l’ISF.
La valeur retenue dans l’assiette taxable à l’ISF est constituée seulement des primes versées et non de la valeur de rachat du contrat avec ses plus-values. Rappelons qu’une somme placée à 5 % par an double en 15 ans. Pour 2 millions d’euros versés sur un contrat de capitalisation, nous aurons une assiette taxable à l’ISF de seulement 2 millions d’euros pour toute la durée de vie du contrat, qui en vaudra 4 millions selon ces hypothèses 15 ans plus tard, soit une économie d’ISF de 20.000 euros par an au bout de 15 ans pour les foyers dont le patrimoine est supérieur à 2,57 millions d’euros, et même 30.000 euros par an pour la famille Martin.
C’est une économie non négligeable avec l’allongement de la durée de la vie, d’autant plus qu’elle arrivera au moment où le couple aura nettement moins de revenus qu’auparavant et où, malgré les possibilités des plafonnements d’ISF, certains foyers sont contraints de retirer de leur contrat pour payer l’ISF.
Un point de vigilance toutefois : Comme le précise la Réponse Ministérielle Frassa du 24/05/2016, dans le cas où le contrat de capitalisation présente au 1er janvier une valeur de rachat inférieure à sa valeur nominale en raison de la baisse des UC, l’ISF devra tout de même être calculé sur les primes versées, sans imputer les moins values. En cas de rachat partiel en revanche, il est heureusement admis de déduire les montants rachetés.
Autre différence majeure : le contrat de capitalisation n’est pas dénoué lors du décès comme l’assurance vie. Le contrat est transmis et réparti entre les héritiers. Ainsi, l’avantage ISF que nous venons de décrire perdurera après la disparition du souscripteur et les héritiers pourront en profiter pendant des années.
Attention néanmoins : comme le contrat n’est pas dénoué au décès, les héritiers du souscripteur devront subir la fiscalité des retraits en cas de vie pour récupérer l’argent sur leur compte bancaire. C’est un inconvénient majeur, très pénalisant, surtout après avoir déjà payé les droits de succession pour hériter du contrat ! Il est donc fondamental de transmettre le contrat de capitalisation de son vivant pour éviter la double taxation (voir le tableau 3).
LE DÉMEMBREMENT DE PROPRIÉTÉ, INTÉRÊT MAJEUR DU CONTRAT DE CAPITALISATION
En effet, contrairement à l’assurance vie, le contrat de capitalisation se démembre. Plutôt que de démembrer un bien immobilier comme c’est l’usage, il est tout à fait possible de donner la nue-propriété d’un contrat de capitalisation à ses héritiers. C’est même fortement conseillé pour transmettre le contrat à moindre frais et donc éviter cette double taxation des droits de succession + fiscalité des retraits.
On trouve ici une optimisation majeure et toute naturelle du contrat de capitalisation, trop peu utilisée lors des ventes chez les notaires :
Classiquement lors de la vente d’un bien immobilier démembré, sans optimisation particulière, l’usufruitier repart avec la somme correspondante à sa quote-part d’usufruit selon son âge et le nu-propriétaire récupère sa part de nue-propriété.
Attention : les familles font ici une erreur souvent involontaire : elles cassent le démembrement existant.
En effet le nu-propriétaire a payé une première fois les droits de donation lorsqu’il a reçu la nue-propriété de la maison. Cette donation reflète une volonté du donateur : celle de se dessaisir de son bien pour anticiper et organiser sa succession et, parfois, prendre les frais de donation à sa charge. Dans le cas d’une succession, elle peut résulter du choix du conjoint survivant.
Lorsqu’à l’issue de la vente de ce bien immobilier, l’usufruitier récupère la somme qui lui revient, il opère une marche arrière sur son patrimoine et revient sur la volonté du donateur en se réappropriant un bien déjà transmis. Et la somme d’argent correspondante sera à nouveau soumise aux droits de succession lors du décès, alors que le bien démembré en était exonéré. Encore une double taxation !
La solution. Lors de la vente, il convient de préciser au notaire que le fruit de la vente fera l’objet d’un report du démembrement conformément à l’article 621 du Code civil, sous la forme d’un remploi dans un contrat de capitalisation démembré.
Ainsi, la somme pourra continuer à fructifier au sein du contrat et sera imposable dans les mains de l’usufruitier à hauteur de primes versées. Le retrait est toujours possible si c’est le souhait de l’usufruitier et du nu-propriétaire, et dans ce cas, seule la quote-part retirée fera l’objet d’une répartition selon le barème du démembrement selon l’âge de l’usufruitier au moment du retrait.
Dans notre exemple. La maison est vendue un million d’euros. Compte tenu de l’âge de la mère de M. Martin (79 ans), la valeur de l’usufruit vaut 30 % et la nue-propriété vaut 70 %. Si rien n’est fait lors de la vente, le fils repart avec 700.000 euros et sa mère avec 300.000 euros qui se retrouveront soumis aux droits de succession lors du décès de cette dernière, soit 135.000 euros dans la tranche à 45 % !
Grâce à la mise en place d’une convention de report du démembrement, nous réinvestissons la somme de un million d’euros dans un contrat de capitalisation démembré. Au décès de sa mère, M. Martin récupérera ainsi l’intégralité du contrat sans rien payer et pourra en disposer librement.
LE CONTRAT DE CAPITALISATION POUR UTILISER DEUX FOIS LES TRANCHES BASSES DU BARÈME DES DMTG
L’ensemble des biens transmis à titre gratuit entre les mêmes personnes fait l’objet, en principe, d’une liquidation unique des droits dans le temps : les perceptions effectuées sur les donations successives et sur la succession du donateur sont reliées les unes aux autres en ce qui concerne les abattements, le tarif progressif et les réductions de droits. Chaque donation est en quelque sorte assimilée, sur ces points, à une ouverture partielle et anticipée de la succession du donateur. Cependant, cette règle du « rapport fiscal » a subi de nombreuses modifications au cours du temps. La dernière en date, l’article 5 de la loi n°2012-958 du 16 août 2012 de Finances rectificative pour 2012, a porté de dix à quinze ans le délai au-delà duquel les donations antérieures sont dispensées de rapport fiscal.
En clair, on remet le compteur à zéro tous les quinze ans pour les droits de donation et la succession, et il est à nouveau possible d’utiliser les tranches basses du barème.
Ainsi, puisque les DMTG sont de 30 % jusqu’à 902.838 euros en utilisant à plein l’abattement de 100.000 euros par parents et par enfant, nous pouvons donner jusqu’à 1.102.838 euros par enfant sans dépasser 30 % de DMTG.
Grâce au démembrement et à l’âge des Martin, la nue-propriété des contrats est valorisée 50 % seulement.
Pour optimiser au maximum leur situation, il est donc judicieux pour Monsieur et Madame Martin d’ouvrir deux contrats de capitalisation de 2.205.676 chacun (soit 200.000 euros d’abattement + 902.838 euros, le tout multiplié par 2 grâce à la technique du démembrement) et de procéder immédiatement à leur démembrement au profit de leurs deux enfants.
Calcul des droits de mutation à titre gratuit de la donation.
-Nue-propriété de 2.205.676 euros = 50 %, soit 1.102.838 euros
-Abattement des deux parents de 100.000 euros chacun par enfant : 902.838 euros taxable au DMTG
-DMTG final = 213.813 euros par enfant.
Rappelons que ces droits peuvent aussi être pris en charge par les parents, par tolérance de l’administration fiscale.
Pour résumer. Pour deux enfants, nous avons ainsi transmis un patrimoine total de 4.411.352 euros pour seulement 427.626 euros (soit un taux moyen de 9,6 % de droits de transmission).
Sans rien faire, taxés à la tranche des 45 %, les enfants de M. et Mme Martin auraient chacun dû s’acquitter de 902.554 euros après abattement, soit une économie de 1,377 million d’euros pour le patrimoine total familial !
Droits inclus, les parents se sont ainsi délestés de 4.838.978 euros au profit de leurs enfants.
Sans compter que les intérêts de ces deux contrats seront exonérés d’ISF.
Il leur reste un peu plus de 10 millions d’euros à placer sur un traditionnel contrat d’assurance vie bien géré, dont ils pourront disposer librement pour leurs vieux jours et qui sera transmis selon la fiscalité applicable à l’article 990I, avec un taux maximum de 31,25 %.
Dans 15 ans, M. et Mme Martin auront 71 ans et seront donc probablement encore vivants. Leur patrimoine initial, non donné et hors assurance vie (environ 4 millions d’euros), sera donc taxé à leur décès aux DMTG, en remplissant à nouveau les tranches basses du barème (soit tout de même 572.678 euros par enfant après les nouveaux abattements).
Mais nous aurons d’ici là l’occasion d’optimiser le reste de leur situation.
LE CONTRAT DE CAPITALISATION COMME OUTIL DE GESTION DE TRÉSORERIE D’ENTREPRISE
Le contrat de capitalisation est également très utile pour la gestion de trésorerie des personnes morales à l’impôt sur les sociétés (IS), entreprise classique ou même holding patrimoniale à l’IS.
Au sein du contrat de capitalisation de leur holding, M. et Mme Martin peuvent accéder au fonds euros des assureurs, qui rapportait encore en 2015 plus de 3 % par an avant IS, notamment sur les fonds euros dynamiques, alors bien plus attractifs que les modestes comptes à terme proposés par les banques. Attention toutefois, la FFSA recommande à présent aux assureurs d’appliquer des pénalités de sortie sur le fonds euros équivalentes à la première année d’intérêt en cas de sortie avant trois ou quatre ans pour éviter les afflux massifs de trésorerie court terme.
Surtout, il est possible d’investir dans tous les bons fonds des sociétés de gestion, comme pour l’assurance vie des personnes physiques, et donc de gérer efficacement ces liquidités.
Pour le chef d’entreprise, ne pas faire fructifier sa trésorerie moyen-long terme revient à ne pas faire travailler son épargne personnelle, et les sommes peuvent être conséquentes. Ainsi, s’il choisit de ne pas distribuer tous les bénéfices et conserve de la trésorerie dans sa société au fil des années, le contrat de capitalisation est tout à fait adapté pour investir et faire fructifier son patrimoine financier au sein de la société.