Livret A… la source

L'édito de Jean-François Tardiveau
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Ce n’était donc qu’un trou d’air. Avec 2,19 milliards d’euros déposés en mars, la collecte sur les Livrets défiscalisés a bondi de près de 70% en l’espace d’un mois. Résultat, les sommes déposées en 2018 sur ces produits d’épargne représentent déjà plus de la moitié des capitaux reçus au cours de l’année 2017. On peut comprendre la contrariété de nos gouvernants, soucieux de drainer l’épargne des Français vers des placements productifs pour notre économie, et contraints de contempler un pactole de 383,3 milliards d’euros, nettement supérieur aux 200 milliards d’euros investis dans des produits d’épargne salariale. Pour modifier la donne, les pouvoirs publics viennent d’utiliser l’arme de la rémunération du Livret A sur laquelle ils ont la main. Avec une justification économique en béton dès lors que le taux de 0,75% des livrets défiscalisés porte sur une épargne destinée au financement du logement social, ce qui renchérit sensiblement le coût de la ressource. On notera cependant que les pouvoirs publics se sont gardé la possibilité de «casser le thermomètre» en revenant sur le résultat obtenu par la Banque de France, en charge des calculs, comme c’est d’ailleurs le cas aujourd’hui.

Reste que, depuis quelques jours, Bercy a établi qu’à compter de 2020 «le taux du Livret A sera égal à la moyenne semestrielle du taux d’inflation et des taux interbancaires à court terme (Eonia)». Bruno Le Maire a insisté sur sa volonté de faire simple. Il fait aussi moins cher. Car le nouveau mécanisme sera moins favorable aux épargnants. Avec un taux arrondi au dixième de point le plus proche au lieu de l’arrondi au quart de point pratiqué actuellement, on table pour les années à venir sur une baisse de l’ordre de 0,7 point de pourcentage. De fait, en dépit d’un plancher de 0,5% pour protéger contre l’inflation, le logement social y trouvera largement son compte, pas les épargnants.Qu’attendre du comportement des ménages alors que l’on se prépare à écorner l’intérêt d’un de leur placement préféré ? Si c’est pour espérer des mouvements de sorties de capitaux vers les entreprises françaises, le pari de Bercy n’est pas gagné, alors qu’en taux réel le Livret A ne rapporte plus mais coûte… Des sorties de capitaux pourraient cependant intervenir, mais pour des raisons tout autres : l’introduction, dès l’an prochain, du prélèvement à la source. Passons sur l’extraordinaire complexité liée à sa mise en place, qui ne ravira que les experts fiscalistes. Intéressons-nous plutôt aux foyers n’ayant pas opté pour une mensualisation de leur impôt – soit tout de même 40% des assujettis – et à la surprise d’un grand nombre d’entre eux le 31 janvier 2019, lorsqu’ils prendront connaissance du montant de leur salaire une fois pris en compte ledit prélèvement. Loin des mouvements de capitaux vers les entreprises afin d’en renforcer les fonds propres, ces ménages, pour faire face à de multiples dépenses, iront sans doute puiser dans leur Livret A. Comme on va à la source, en somme.