
L'Italie, nouvel eldorado des familles françaises ?

Le récent durcissement du régime non domiciliés (non-dom) anglais et la perspective du Brexit présentent des opportunités intéressantes pour les autres pays européens. L’Italie s’est opportunément dotée d’un régime fiscal particulièrement attractif pour les nouveaux arrivants. Si la France offre depuis plusieurs années un régime spécifique pour les « impatriés », c’est bien l’Italie qui semble s’imposer comme le nouvel eldorado des familles fortunées européennes, et notamment françaises. Deux cas pratiques permettront de souligner les sujets qui doivent être sécurisés lors de tout transfert de résidence fiscale, au plan civil comme au plan fiscal, et de mettre en lumière les attraits de l’Italie pour les résidents fiscaux français.
REMARQUES PRELIMINAIRES
En matière fiscale, deux écueils menacent l’effectivité d’un transfert de résidence : la sécurisation de la nouvelle résidence fiscale dans le pays d’accueil et le bénéfice de la convention fiscale conclue avec la France, le cas échéant.
Le bénéfice des conventions fiscales conclues entre la France et le pays d’accueil. Lorsqu’un contribuable transfère sa résidence fiscale, le bénéfice d’une convention fiscale n’est pas systématiquement acquis, même à supposer que ce transfert soit incontestable au plan fiscal. En effet, dans certains cas, lorsque de nouveaux résidents bénéficient d’un régime fiscal spécifique dans le pays d’accueil, il arrive qu’ils soient exonérés d’impôt sur leurs revenus étrangers et assujettis localement à l’impôt sur leurs seuls revenus de source locale. Or, en application des dispositions de l’article 4 du modèle de convention OCDE, « l’expression résident d’un Etat désigne toute personne qui en vertu de la législation de cet Etat, est assujettie à l’impôt dans cet Etat, en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction ou de tout autre critère de nature analogue (…). Toutefois, cette expression ne comprend pas les personnes qui sont assujetties à l’impôt dans cet Etat que pour les revenus de sources situées dans cet Etat et pour la fortune qui y est située ». Ainsi, ne sont considérés comme résidents d’un Etat, au sens du modèle de convention fiscale OCDE, que les personnes qui sont soumises dans cet Etat à une imposition qui n’est pas limitée aux seuls revenus de source locale. La question de la reconnaissance du statut de résident, au sens conventionnel du terme, aux contribuables bénéficiant d’un régime fiscal de faveur doit donc être examinée attentivement. Si la qualité de résident ne leur est pas reconnue par la convention applicable, aucune de ses dispositions ne pourra être revendiquée pour résoudre d’éventuels conflits entre l’Etat d’origine et l’Etat d’accueil.
L’indispensable sécurisation de la résidence fiscale. L’épineuse question de la résidence fiscale doit faire l’objet d’un examen attentif et méthodique. Sur la base des détails de chaque cas, il conviendra de déterminer si le contribuable devient bien résident fiscal de l’Etat de destination, et s’il demeure résident fiscal de France sur la base des critères de l’article 4B du Code général des impôts (CGI) (1). En cas de conflit de résidence, il faudra s’en remettre aux critères fournis par la convention fiscale signée entre les deux Etats, pour autant qu’il en existe une et qu’elle soit applicable (cf. supra).
Le contexte franco-italien. Dans le cas d’un transfert de résidence de la France vers l’Italie, la question de la résidence fiscale italienne sera réglée en premier lieu au regard du droit interne italien. Ainsi, seront considérées comme fiscalement domiciliées en Italie les personnes physiques inscrites au registre de l’état civil de la population résidente la majeure partie de l’année civile (soit plus de 183 jours) ou, à défaut d’une telle inscription, les personnes qui ont en Italie leur domicile ou leur résidence au sens de l’article 43 du Code civil italien (2). Si, au regard du droit interne français, le contribuable en question est encore considéré comme résident fiscal de France, la question du conflit de résidence fiscale sera alors tranchée par l’application des critères de l’article 4 de la convention fiscale signée entre la France et l’Italie le 5 octobre 1989 en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune (la Convention IR) ou de la Convention fiscale conclue entre la France et l’Italie en date du 20 décembre 1990 en matière de droits de donation ou succession (la Convention DMTG). Dans les deux cas, les critères (à examiner successivement) seront : le foyer d’habitation permanent, le lieu du centre des intérêts vitaux, le lieu du séjour principal et enfin l’Etat dont l’intéressé à la nationalité. L’application de la convention IR et/ou de la convention DMTG suppose naturellement que le contribuable concerné puisse en revendiquer le bénéfice.
- CAS 1 : LA FORMATION DU COUPLE
Jérémy et Nicolas envisagent de s’installer à Rome. Ils ont un projet d’adoption et sont désireux de donner un cadre légal à leur relation. Jérémy, qui a grandi au Royaume-Uni, souhaite reproduire le modèle des prenuptial agreements auquel il est habitué, et ainsi anticiper les conséquences financières d’une éventuelle rupture. Le couple veut également s’assurer de la protection du survivant en cas de décès de l’un d’eux.
Union, adoption et transfert de résidence. En France, depuis la loi n°2013-404 du 17 mai 2013, les couples homosexuels peuvent indifféremment se marier ou se pacser. Toutefois, seuls les couples mariés sont autorisés à adopter (3). Jérémy et Nicolas ne pourront pas anticiper les conséquences financières de leur rupture en établissant un prenuptial agreement, les juridictions françaises s’opposant à la conclusion de tels accords (4).
En cas de décès, le conjoint survivant bénéficie de la qualité d’héritier et ses droits dans la succession dépendent des autres héritiers avec lesquels il vient en concours (cf. tableau 1). Il bénéficie également de droits particuliers sur le logement du couple afin de lui en assurer la jouissance (droit de jouissance temporaire pendant 1 an, puis droit viager au logement). En matière de PACS, seul l’établissement du testament permettra aux partenaires pacsés de se protéger en cas de décès et d’hériter mutuellement. Le partenaire survivant disposera du même droit temporaire sur le logement que le conjoint survivant, sans pouvoir toutefois bénéficier du droit viager. Sur le plan fiscal, le conjoint comme le partenaire survivant seront totalement exonérés de droits de succession.
En Italie, le mariage entre personnes de même sexe n’étant pas autorisé, seule l’unione civile pourra être contractée par Jérémy et Nicolas. Equivalent du PACS français, l’unione civile offrira au partenaire survivant les mêmes droits que ceux accordés aux époux (cf. tableau 1). Le mariage conclu à l’étranger par un citoyen italien avec une personne de même sexe, qu’il soit citoyen italien ou non, produira au regard de la loi italienne, les effets d’une unione civile (article 32-bis de la loi 218/1995). A l’inverse de la France, les juridictions italiennes semblent aujourd’hui plus enclines à reconnaitre les effets des prenuptial agreements, notamment au travers de décisions reconnaissant la validité de transferts patrimoniaux (donation ou vente) sous condition suspensive ou résolutoire de dissolution du mariage (5). Par ailleurs, l’attention de Jérémy et Nicolas devra être attirée sur le fait que l’adoption en Italie n’est autorisée qu’aux seuls couples mariés. Au sens des dispositions du droit international privé italien (article 32-ter de la loi 218/1995, introduite par la loi 7/2017) les rapports personnels ou patrimoniaux entre les parties à l’unione civile sont régis par la loi de l’Etat où l’union est conclue. Les parties peuvent séparément convenir par écrit que leurs rapports patrimoniaux seront régis par la loi de l’Etat dont au moins l’un d’entre eux est citoyen ou dans lequel au moins l’un d’entre eux réside (article 32-ter, alinéas 3 et 4 de la loi 218/1995). Cette option permettrait aux couples de choisir comme loi applicable à l’unione civile la loi de renvoi reconnaissant la possibilité d’adopter aux couples homosexuels. L’interdiction prévue en ce sens par la loi italienne ne devrait pas constituer une norme d’ordre public international. Toutefois, la loi ayant introduit cette possibilité d’option étant récente, les confirmations jurisprudentielles en ce sens font encore défaut. A supposer que cette option soit ouverte à un couple marié en France afin d’organiser en Italie son traitement sous le régime de l’unione civile, une adoption régulièrement effectuée en France par un couple homosexuel pourrait produire ses effets en Italie.
L’imposition des revenus - le non-dom italien. Récemment, l’Italie a amélioré son attractivité fiscale en aménageant un régime sur mesure réservé aux nouveaux résidents fiscaux italiens. Le régime « High Net Worth Individuals » (HNWI), institué par la loi de finances pour 2017, est destiné aux grandes fortunes étrangères qui transfèrent leur résidence fiscale en Italie. Ainsi, sous réserve de ne pas avoir été résidents fiscaux italiens pendant 9 des 10 dernières années et de transférer effectivement leur résidence fiscale en Italie, les contribuables pourront, sur option, bénéficier du régime HNWI. Les revenus étrangers de ces nouveaux résidents seront alors imposés selon un forfait annuel de 100.000 euros, auquel il conviendra d’ajouter 25.000 euros par membre de la famille rattaché. Ces nouveaux résidents ne seront soumis à aucune obligation déclarative en Italie à raison de leurs revenus de source étrangère pendant une durée maximale de 15 ans. Les revenus de source italienne seront quant à eux imposés selon les règles de droit commun. En cas de transmission par voie de donation ou succession pendant la période de validité de l’option, seuls les biens italiens seront soumis aux droits de donation / succession en Italie. A noter que les bénéficiaires du régime HNWI qui cèdent des titres d’une société non italienne dans les 5 ans de l’option seront imposés selon les règles de droit commun si leur participation représente 25 % ou plus des droits financiers ou 20 % des droits de vote.
Le bénéfice du régime HNWI menace-t-il le bénéfice de la convention IR ? L’article 4 de la convention IR reprend les termes du modèle OCDE en ce qui concerne la restriction à la notion de résident au sens du droit conventionnel (cf. supra) : « Toutefois, cette expression ne comprend pas les personnes qui sont assujetties à l’impôt dans cet Etat que pour les revenus de sources situées dans cet Etat et pour la fortune qui y est située ». Conformément aux dispositions du régime de faveur HNWI, les revenus étrangers perçus par les nouveaux résidents fiscaux italiens sont bien imposables en Italie, mais selon des modalités particulières. Dès lors, l’imposition en Italie n’est pas limitée aux seuls revenus de source italienne et les bénéficiaires du régime HNWI devraient donc pouvoir bénéficier des dispositions de la convention IR.
- CAS 2 : LA TRANSMISSION DES BIENS DU COUPLE
Monsieur Roger doit s’établir en Italie pour raisons professionnelles, il envisage de quitter la France avec son épouse et deux de leurs quatre enfants. Le couple a d’ores et déjà consenti une donation-partage de certains biens immobiliers français au profit de leurs enfants et s’interrogent sur les conséquences de leur départ quant à leur projet de transmission de leur patrimoine aux enfants, par voie de donation ou de succession. Il n’est pas exclu que la famille revienne en France après quelques années en Italie.
Transfert de résidence en Italie : reconnaissance au plan civil des actes passés en France et mécanismes de transmission italiens. Le recours à la donation-partage a permis aux époux Roger de s’assurer qu’à leur décès, les donations ainsi consenties ne seront pas rapportables à la succession et que les biens donnés seront retenus, lors du calcul de la réserve, pour leur valeur au jour de la donation-partage.
La donation-partage, en ce qu’elle permet d’organiser par contrat la transmission des biens présents entre les héritiers du défunt, constitue une exception de taille au principe de prohibition des pactes sur succession future. Considérant le fait que l’Italie applique également ce principe, sans pour autant lui reconnaître d’exception (6), se pose alors la question de la validité d’une donation-partage valablement réalisée en France en cas de décès du donateur en Italie.
Comment s’assurer de l’effectivité des dispositions prises avant le départ de France ? Conformément aux dispositions du règlement européen sur les successions internationales du 4 juillet 2012, la loi applicable à l’ensemble de la succession sera, par principe et à défaut de choix, celle de la dernière résidence habituelle du défunt (7). Par exception, l’article 22 du règlement européen permet au futur défunt de choisir, de son vivant, la loi de sa nationalité comme loi applicable à sa succession (8). Cette désignation de loi applicable, dite professio juris, permettra de maintenir la loi de la nationalité comme loi successorale quel que soit le lieu de résidence du défunt. En dehors de l’Union européenne, cette option sera conditionnée à ce que le droit local reconnaisse cette possibilité, à défaut les règles classiques de droit international privé s’appliqueront. En pratique, les époux Roger établiront une professio juris en faveur de la loi française afin de permettre à la donation-partage de produire ses effets. A défaut, la loi italienne s’appliquera à l’ensemble de leur succession et la donation-partage réalisée en France sera privée d’effet.
Outils de transmissions italiens. Si la donation-partage française peut poser problème en Italie, le droit italien offre des mécanismes inconnus en France tel que la donation avec réserve de disposition. En effet, en droit français, les donations ont un caractère irrévocable (9) et sont soumises au principe fondamental selon lequel « donner et retenir ne vaut ». Avec ces outils de transmissions italiens, les époux Roger pourraient ainsi amorcer une transmission de leur patrimoine au profit de leurs enfants, tout en se préservant la possibilité de reprendre en théorie, non pas la totalité, mais au moins une partie des biens objets de la donation. En cas de décès du donateur, la réserve deviendra sans effet (10). La réserve de disposition, très large par principe, peut être limitée conventionnellement. Quelles que soient les raisons ayant motivé le donateur (transfert de biens à un autre enfant afin de rétablir l’équité entre les héritiers légitimes, porter assistance à son conjoint ou concubin, « punir » le donataire qui aurait déçu le donateur, soustraire légitimement des biens aux créanciers du donataire…), il pourra accomplir de nombreux actes de disposition sans le consentement du donataire (vente, donation, apport en société, donation à un trust…). En combinant donation avec réserve de disposition et démembrement de propriété, le donateur pourra s’acquitter, dès la donation, de l’ensemble des droits de transmission à titre gratuit frappant l’actif transmis tout en conservant un pouvoir important de jouissance (via la réserve d’usufruit) et de disposition (via la réserve de disposer). En pratique, les notaires italiens imposent toutefois aux donateurs qu’une partie non symbolique de la donation demeure irrévocable. Naturellement, en cas de retour en France, la question de la reconnaissance de cet acte valablement conclu en Italie se posera (cf. infra).
Transfert de résidence en Italie : traitement fiscal de la transmission du patrimoine. Pour les Français qui souhaitent s’y établir, l’Italie présente à la fois un barème de droits de donation / succession attractif et bénéficie de l’une des rares conventions fiscales en matière de droits de succession et donation signées par la France.
La convention DMTG, pour autant qu’elle soit applicable, permettrait par exemple aux époux Roger de transmettre à leurs deux enfants restés en France un portefeuille de valeurs mobilières italiennes sans application des droits de donation / succession français (11).
La question du bénéfice de la convention DMTG. La question se pose toutefois de savoir si les contribuables ayant opté pour le régime d’imposition HNWI peuvent bénéficier de la convention DMTG. En effet, son article 4 reprend la logique du modèle OCDE en ce qui concerne la restriction à la notion de résident au sens du droit conventionnel : « Toutefois, cette expression ne comprend pas les personnes dont la succession ou la donation n’est soumise à l’impôt dans cet Etat que pour les biens qui y sont situés ».
Or, toute donation ou succession intervenant pendant la durée de l’option pour le régime HNWI n’entraine d’imposition qu’à raison des seuls biens italiens. Si le bénéfice de la convention DMTG semble acquis côté italien, la lettre même du texte de la convention DMTG en refuserait le bénéfice aux résidents italiens ayant opté pour le régime HNWI dès lors qu’ils ne seraient imposables en Italie que sur leurs seuls biens italiens.Pour le cas des successions, le bénéfice du régime HNWI en Italie et de la convention DMTG côté français semble donc incompatible. Pour ce qui est des donations, la réponse pourrait être plus nuancée. La question se pose en effet de savoir dans quelle mesure il serait possible de placer volontairement une donation hors du champ du régime HNWI et de la soumettre au droit commun. Le corollaire d’une telle option au regard de la lettre de la convention DMTG serait d’écarter l’exclusion de l’article 4 in fine (cf. supra). Si le contribuable dispose de nombreuses options lui permettant de moduler le régime HNWI pour lequel il a opté (extension du forfait à plusieurs membres de la famille, exclusion de certains pays étrangers…), rien n’est dit sur sa capacité à se placer volontairement sous le droit commun pour une opération donnée. Il semblerait toutefois qu’il existe de bons arguments pour défendre une telle option au plan civil.
Droits de mutation à titre gratuit. Le tableau 2 fournit une comparaison du barème des droits de donation et succession en France et en Italie.
A titre d’exemple, si Monsieur et Madame Roger donnent un portefeuille de valeurs mobilières italiennes d’une valeur de 1.000.000 euros à chacun de leurs quatre enfants :
- Les dispositions combinées de la convention DMTG et du droit italien leurs permettront d’effectuer une transmission en franchise de droits de donation s’ils sont devenus résidents fiscaux italiens ;
- le montant des droits de donation à acquitter sera approximativement de 852.000 euros (213.000 euros par donation) s’ils sont demeurés résidents fiscaux français.
Retour en France : la reconnaissance des actes passés en Italie. Au cours de leur présence en Italie, Monsieur et Madame Roger auront profité du tarif avantageux des droits de donation italiens pour consentir des donations à leurs enfants. Selon les cas, ces donations n’auront pas été imposées en France, soit parce que la donation réalisée entre personnes non résidentes de biens italiens était en dehors du champ d’application de l’article 750 ter du CGI, soit parce qu’en application des dispositions de la convention DMTG, le droit d’imposer revenait à l’Italie.
Dans l’hypothèse où les époux Roger décideraient de rentrer en France après ces quelques années passées en Italie, la question du sort des donations effectuées à l’étranger se posera, notamment au regard de l’application du mécanisme du rappel fiscal de l’article 784 du CGI. En principe, lors de l’ouverture d’une succession en France, toutes les donations consenties depuis moins de 15 ans sont « rappelées » pour le calcul des droits applicables à la masse successorale. La question se pose de savoir si la prise en compte des donations réalisées à l’étranger en dehors du champ d’application des droits de donation français reviendrait à imposer en France des donations qui n’étaient initialement pas imposables.Récemment, le Conseil constitutionnel a validé la méthode appliquée par la pratique notariale et consistant à apprécier, au jour de la donation, les tranches et abattements utilisés afin d’appliquer le mécanisme du rappel fiscal des donations antérieures (12). Ainsi, en suivant cette méthode, si la donation n’a pas été soumise à l’impôt en France à bon droit au jour où elle a été effectuée, elle ne sera pas imposée au jour de la succession et ne viendra pas non plus augmenter le taux moyen applicable à la succession.
En cas de retour en France, se posera également la question de la reconnaissance de la donation avec réserve de disposition constituée en Italie par les époux Roger, une telle réserve étant impossible en droit français. Pour le notaire italien, la souscription d’une donation avec réserve de disposer réalisée par un citoyen français qui a transféré sa résidence en Italie peut, en théorie, viser l’ensemble des biens du donateur y compris ceux situés hors d’Italie, dès lors que le choix de la loi italienne, en tant que la loi du pays où le donateur réside au moment de la donation est valable pour tous les biens donnés, indépendamment du lieu de situation de ces derniers. En cas de retour en France, le choix de la loi italienne établi dans l’acte de donation continuera à produire ses effets et la donation restera soumise à la loi choisie nonobstant le changement de résidence du donateur. Le juge français ne pourra pas écarter la loi initialement choisie en appliquant les dispositions impératives de droit français (en l’espèce, l’article 946 du Code civil, qui interdit en France la réserve de disposer) puisqu’au jour de la donation il existait des éléments d’extranéité au regard du système français l’empêchant d’appliquer ses propres dispositions impératives (13). Par précaution, les notaires français conseilleront cependant à leurs clients de retour en France de faire une nouvelle donation-partage réincorporant la donation faite en Italie afin de bénéficier du gel de valeur en France. Cette donation-partage aura cependant un coût équivalent au droit de partage (2,5 % des biens partagés).
Retour en France : modalités d’imposition des nouveaux résidents. A l’image de ses voisins européens, la France a également pris le soin d’aménager les dispositifs applicables aux nouveaux résidents fiscaux de France afin d’encourager les dirigeants et les personnes fortunées à s’y installer, et ce tant au regard de l’imposition des revenus que de la fortune.
En matière d’imposition des revenus, le régime fiscal des impatriés prévu à l’article 155 B du CGI, récemment modifié par la loi de finances pour 2017, bénéficie aux salariés et mandataires sociaux fiscalement assimilés aux salariés dès lors qu’ils ont été domiciliés à l’étranger pendant les 5 années civiles précédant leur retour en France.Afin de réduire le coût de leur installation en France, ce régime spécial d’imposition prévoit une exonération du supplément de rémunération lié à l’impatriation (prime d’impatriation, jours travaillés à l’étranger) ainsi qu’une exonération partielle des revenus passifs et plus-values de cession de valeurs mobilières de source étrangère. L’exonération s’applique jusqu’à la fin de la 8e année qui suit celle de la prise de fonctions en France (14). En pratique, si Monsieur et Madame Roger envisagent à terme de se réinstaller en France, ils ne bénéficieront du régime de faveur des impatriés qu’à la condition qu’ils aient été domiciliés en Italie au moins 5 années civiles pleines avant leur retour en France. En matière d’imposition sur la fortune, les nouveaux résidents de France bénéficient d’un régime impatrié leur permettant de n’être imposables à l’ISF que sur leurs seuls biens français jusqu’au 31 décembre de la 5e année suivant celle de leur retour en France, sous réserve qu’ils n’aient pas été domiciliés en France pendant les 5 années civiles précédentes. De nouvelles perspectives sont à prendre en compte du point de vue français compte tenu de la mise en place d’un impôt sur la fortune immobilière (IFI) par le gouvernement Edouard Philippe en lieu et place de l’actuel impôt de solidarité sur la fortune. Toutefois, les modalités d’articulation de l’IFI avec le régime des impatriés restent encore à définir.
(1) Seront considérées comme fiscalement domiciliées en France au sens du droit interne français les personnes qui y ont :
- Leur foyer ou leur lieu de séjour principal ;
- Leur activité professionnelle, à moins qu’elles ne justifient que cette activité y soit exercée à titre accessoire ; ou
- Le centre de leurs intérêts économiques.
(2) Les notions de domicile et de résidence au sens du droit interne italien sont alignées sur celles de droit interne français (article 2 du Texte unique des impôts sur les revenus - TUIR)
(3) Article 6-1 du Code civil
(4) Notamment Cass. Civ., 1ère, 8 juillet 2015, n°14-17880
(5) Cass. Civ. Italie, 1ère, 21 décembre 2012, n° 23713
(6) La donation-partage est inconnue du droit civil italien
(7) Article 21 §1 du règlement n°650/2012
(8) Article 22 du règlement n°650/2012
(9) Article 953 du Code civil
(10) Article 790 du Code civil italien
(11) L’article 8 de Convention relatif aux valeurs mobilières prévoit que « les valeurs mobilières et droits de créance qui sont situés dans un Etat sont imposables dans cet Etat ».
(12) Décision n°2016-603, QPC du 9 décembre 2016
(13) Article 3, alinéa 3 et 4 du Règlement Rome I applicable également aux contrats de donation
(14) Pour les prises de fonction antérieures au 6 juillet 2016, la durée du régime était de 5 ans