
L'investissement locatif épinglé par la Cour des comptes

Des dispositifs à « l’impact limité » et à l’efficacité « faible ». Dans un référé adressé le 17 janvier 2018 au Premier ministre, et publié le 10 avril, la Cour des comptes charge les avantages fiscaux qui se sont succédés ces vingt dernières en matière d’investissement locatif - Périssol, Besson, Robien, Borloo, Scellier, Duflot puis Pinel. Celle-ci a passé au crible le coût et l’efficacité de ces dépenses fiscales au regard des principaux objectifs qui leur sont assignés, à savoir l’appui au secteur du bâtiment et le soutien à l’offre de logements locatifs.
Or sur la période 2009-2016, le constat est que le montant annuel des réductions d’impôt sur le revenu consenties à des bailleurs individuels « a constamment progressé », passant de 606 millions d’euros en 2009 à 1,717 milliard en 2015 pour l'ensemble de ces dispositifs. Qui plus est, ces aides ont été de fait « principalement destinées à des ménages dont les revenus sont relativement élevés, et même parfois importants », déplore la Cour des comptes : ainsi, 45 % des ménages bénéficiaires se situaient en 2013 dans la tranche d’imposition comprise entre 27.000 euros et 71.000 euros ; tandis que « près du quart appartenait à la tranche comprise entre 71.000 euros et 151.000 euros ».
« Addiction » aux aides fiscales. Au-delà de leur coût, l’effet de ces mesures sur le secteur de la construction doit aussi être « relativisé » : les données disponibles montrent que ce soutien a pu exercer un « effet contracyclique » dans certains cas : par exemple en 2009 et 2010, le volume estimé des logements locatifs aidés a progressé alors que le nombre total de logements construits chutait fortement. La Cour déplore le peu d’études économiques disponibles en la matière, ne permettant « pas de distinguer suffisamment l’effet de ces aides fiscales de celui de la conjoncture dans les fluctuations du nombre de logements locatifs privés neufs commercialisés ». Pis, il ressort de son enquête que les constructeurs, promoteurs, banques « ont désormais intégré la pérennité de ces aides dans leur stratégie », conduisant plusieurs experts audités à évoquer un phénomène d’ « accoutumance », voire d’« addiction » des acteurs à ces aides fiscales. Enfin, l’effet sur le niveau des loyers, que les avantages fiscaux sont censés modérer, l’effet n’est pas non plus « avéré », certains indices - faible volume de logements aidés produits chaque année, particulièrement dans les zones tendues, et écart « parfois incohérent » entre loyers plafonds liés aux aides fiscales et loyers de marché - suggérant « le caractère potentiellement très limité de cet effet modérateur ».
Investisseurs institutionnels délaissés. A l’inverse, la Cour note que l’appui des investisseurs institutionnels pour soutenir le secteur « n’a jamais été véritablement envisagé comme une alternative à ces dispositifs pour soutenir le financement de la construction de logements locatifs privés, en dépit de la moindre complexité que cette orientation représenterait pour mieux gérer et contrôler les effets des aides de l’État ».
En conséquence, Didier Migaud, président de la Cour des comptes, formule deux recommandations : d'une part, la mise en œuvre de « dispositions transitoires permettant une sortie progressive et sécurisée des dispositifs récemment reconduits ». Enfin, il propose de « mettre en place des mesures visant à renforcer la place des investisseurs institutionnels dans la construction et la location de logements privés ».