Fiscalité

L’IFI, le nouvel ISF en marche

L’impôt sur la fortune entre dans une nouvelle ère avec un champ d’application beaucoup plus restreint que de par le passé
Les cas d’exonération des titres sociaux sont nombreux et complexes
DR, Philippe Rebattet, notaire, Only Lyon

Le projet de loi de finances prévoit dans son article 12 d’instaurer l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) en remplacement de l’impôt sur la fortune (ISF). Celui-ci rentre donc dans une nouvelle ère. Le nombre de contribuables devrait passer de 350.000 à 150.000. Cet impôt sur la fortune réformé ne pourrait générer que 850 millions d’euros, contre 4 ou 5 milliards actuellement.

Champ d’application et assiette. L’IFI a un champ d’application restreint par rapport à l’ISF actuel. Il porte exclusivement sur les actifs immobiliers, à l’exception de ceux qui sont affectés à l’activité professionnelle de leur propriétaire. Quant à l’assiette de l’impôt, elle est totalement reconfigurée. L’IFI est déterminé en prenant en compte à l’actif l’ensemble des biens et droits immobiliers appartenant aux personnes imposables ainsi qu’à leurs enfants mineurs lorsqu’elles ont l’administration légale de leurs biens. L’actif de l’IFI comprend également les parts ou actions des sociétés ou organismes établis en France ou hors de France appartenant aux personnes imposables, à hauteur de la fraction de leur valeur représentative des biens ou droits immobiliers détenus directement ou indirectement par la société ou l’organisme. Tous les titres de sociétés seraient donc susceptibles d’être taxés, et pas seulement les titres de sociétés à prépondérance immobilière.

Exonérations des titres sociaux. Le nouveau texte a multiplié les cas d’exonérations des titres sociaux. À cette multiplication s’ajoute une complexification des cas d’éligibilités. Tout d’abord, ne sont pas prises en compte les parts ou actions de sociétés ou d’organismes qui ont une activité - industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale - dont le redevable détient directement et, le cas échéant, indirectement, moins de 10% du capital ou des droits de vote. Pour l’appréciation de ce seuil, il reste tenu compte des titres appartenant au redevable et aux membres du foyer fiscal.

Mais, du fait de leur activité patrimoniale, les sociétés civiles et les fonds de placement immobilier (SCPI ou FCPI) ne sont pas concernés par cette exclusion.

Biens affectés à l’exploitation de la société, quelle que soit l’activité de ladite société. Ensuite, le nouvel article 965,2°,a du Code général des impôts (CGI) prévoit un cas d’exonération pour les biens affectés à l’exploitation de la société qui les détient, quelle que soit l’activité de la société dans laquelle le redevable détient des titres. Ne sont pas retenus pour le calcul de la fraction sus-visée les biens ou droits immobiliers affectés par la société qui les détient à sa propre activité industrielle, commerciale, agricole, artisanale ou libérale. Sont aussi bien visés les immeubles détenus directement par la société que ceux détenus par sa filiale. Les immeubles mis à disposition ou donnés à location ne sont donc pas couverts par ce cas. Aucune condition particulière liée à l’activité de la société dans laquelle le redevable détient ses titres n’est exigée. L’entité peut donc avoir une activité civile ou purement patrimoniale (les immeubles appartenant dans ce cas à une filiale qui les affecte à sa propre exploitation).

Biens affectés à l’exploitation de la société ayant une activité opérationnelle. Le nouvel article 965,2°, b du CGI prévoit un cas d’exonération pour les biens affectés à l’exploitation d’une société du groupe lorsque l’activité de la société dans laquelle le redevable détient ses titres est opérationnelle. Ce dispositif concerne les redevables qui détiennent des titres d’une société (ou d’un organisme) ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale. Dans cette situation, la fraction de la valeur des titres correspondant aux immeubles détenus directement ou indirectement par cette société serait exclue de la base imposable si ces biens sont affectés à l’activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale.

Notion d’activité commerciale. L’exercice par une société ou un organisme d’une activité de gestion de son patrimoine immobilier n’est pas considéré comme une activité industrielle, commerciale, agricole ou libérale. Sont considérées comme commerciales les activités visées aux articles 34 et 35 du CGI. Cette qualification engloberait donc notamment les activités des promoteurs et des marchands de biens.

Holding animatrice. Sont également considérées comme des activités commerciales les activités de sociétés qui, outre la gestion d’un portefeuille de participations, participent activement à la conduite de la politique de leur groupe et au contrôle de leurs filiales et rendent, le cas échéant et à titre purement interne, des services spécifiques, administratifs, juridiques, comptables, financiers et immobiliers. La définition de la holding animatrice retenue est celle actuellement utilisée par la doctrine administrative et la jurisprudence.

Activité de location de locaux d’habitation. Par exception, n’est pas considéré comme une activité commerciale l’exercice par une société ou un organisme d’une activité de location de locaux d’habitation loués meublés ou destinés à être loués meublés lorsque le redevable ne remplit pas, dans la société propriétaire des immeubles, les conditions mentionnées au II ou au III de l’article 975 du CGI.

Ainsi, l’activité de loueur en meublé de locaux d’habitation est exclue de la qualification d’activité commerciale, sauf si elle remplit les conditions pour être considérée comme une profession principale (inscription du propriétaire au RCS, plus de 23.000 euros de recettes annuelles, plus de 50 % de revenus professionnels du foyer fiscal).

Cas particuliers. Les actifs rentrant dans le champ d’application de l’IFI qui sont grevés d’usufruit, d’un droit d’habitation ou d’un droit d’usage accordé à titre personnel, sont compris dans le patrimoine de l’usufruitier ou du titulaire du droit pour leur valeur en pleine propriété. La valeur de rachat des contrats d’assurance rachetables exprimés en unités de compte visées au 2e alinéa de l’article L.131-1 du Code des assurances est incluse dans le patrimoine du souscripteur, à hauteur de la fraction de leur valeur représentative des actifs taxables. Les véhicules d’investissement « pierre-papier », tels que les parts de SCPI ou d’OPCI, composant les unités de compte des contrats d’assurance vie, seraient donc imposables. Mais pas les contrats d’assurance vie non rachetables, dont les primes versées après l’âge de 70 ans sont actuellement taxables à l’ISF.

Évaluation. La valeur des actifs est déterminée suivant les règles en vigueur en matière de droits de mutation par décès, conformément aux règles actuelles. Un abattement de 30 % est effectué sur la valeur vénale réelle de l’immeuble lorsque celui-ci est occupé à titre de résidence principale par son propriétaire. En cas d’imposition commune, un seul immeuble est susceptible de bénéficier de l’abattement précité. S’agissant de l’évaluation des titres de société, les créances détenues directement ou indirectement par le redevable sur la société dont il détient les titres (via un compte courant d’associé par exemple) ne sont pas déductibles pour la détermination de la fraction taxable desdits titres.

Passif. Pour être déductibles, les dettes doivent être afférentes à des actifs taxables, exister au 1er janvier de l’année d’imposition, être contractées, et enfin être effectivement supportées par le redevable. Les règles du passif ont été considérablement modifiées par le nouveau texte. Sont déductibles les dettes relatives aux dépenses d’acquisition des biens ou droits immobiliers imposables (de même pour les dépenses d’améliorations, de construction, de reconstruction ou d’agrandissement et les dépenses de réparation et d’entretien). Sont également déductibles les dépenses d’acquisition des parts ou actions, au prorata de la valeur des actifs imposables.

S’agissant des impôts, sont déductibles ceux qui sont dus à raison de la propriété des biens (taxes foncières et taxes sur les locaux vacants). Les impôts incombant à l’occupant (taxe d’habitation) et ceux dus à raison des revenus générés par les biens (revenus fonciers et BIC) ne sont pas déductibles.

Prêts in fine. Les prêts avec remboursement in fine font l’objet d’un dispositif particulier. Ces dettes ne sont que partiellement déductibles. Des annuités théoriques sont déterminées en divisant le montant de l’emprunt par le nombre d’années totales de l’emprunt. Seule la somme des annuités restant à courir jusqu’au terme prévu serait déductible.

Plafond de déduction spécial. Il est créé un plafond de déduction pour les gros patrimoines. Lorsque la valeur du patrimoine taxable dépasse les 5 millions d’euros et que le montant des dettes en constitue plus de 60%, la fraction des dettes excédant cette limite ne serait déductible qu’à hauteur de 50% de cet excédent.

Autres prêts. Les prêts familiaux et les prêts contractés auprès d’une société contrôlée sont en principe exclus, et ne sont donc pas déductibles de l’assiette de l’IFI.

Plafonnement. L’IFI comprend, comme l’ISF auparavant, la règle du plafonnement.

Dispositif anti-abus. Un dispositif anti-abus est instauré dans le cadre de l’application du plafonnement. Les revenus distribués à une société passible de l’impôt sur les sociétés contrôlée par le redevable sont réintégrés dans le calcul prévu au premier alinéa, si l’existence de cette société et le choix d’y recourir ont pour objet principal d’éluder tout ou partie de l’impôt sur la fortune immobilière, en bénéficiant d’un avantage fiscal allant à l’encontre de l’objet ou de la finalité du même premier alinéa. Seule est réintégrée la part des revenus distribués correspondant à une diminution artificielle des revenus pris en compte pour le calcul prévu au premier alinéa.

En cas de désaccord sur les rectifications notifiées sur le fondement du deuxième alinéa, le litige est soumis aux dispositions des trois derniers alinéas de l’article L. 64 du livre des procédures fiscales.

Déclaration unifiée. Les modalités de déclarations seront uniformisées. Plus aucune distinction n’est faite selon le montant du patrimoine taxable. Les redevables devront mentionner le montant de la valeur brute nette taxable sur leur déclaration de revenus n°2042 et détailler la composition et la valorisation des biens taxables sur des annexes à joindre à cette déclaration.