L’Europe finalise ses règles sur les services financiers vendus à distance

Clément Solal
Le compromis trouvé jeudi au Conseil de l’UE laisse à chaque Etat membre la liberté de placer le curseur où il le souhaite sur certains points clés.

La directive européenne sur les services financiers vendus à distance datait de 2002. Jeudi, les Etats membres de l’Union européenne (UE) se sont accordés sur un projet législatif visant à moderniser l’encadrement de cette vente à distance - que ce soit en ligne ou par téléphone -, afin notamment, de l’adapter à la digitalisation du secteur. Proposé en mai dernier par la Commission européenne, le projet législatif abroge et remplace l’ancienne directive par une nouvelle, et inclut plusieurs dispositions «essentielles» dans la directive «horizontale» sur les droits des consommateurs.

L’objectif initialement affiché par l’exécutif européen : créer un «filet de sécurité» pour assurer une protection minimale des consommateurs sur tous les services financiers, y compris pour les produits qui ne sont pas encore soumis à une réglementation spécifique, comme les cryptoactifs, ou ceux dont la réglementation spécifique n’est pas «complète» sur le plan de la protection des consommateurs.

La nouvelle directive reprend certains piliers du texte de 2002, comme le droit du consommateur à la rétractation ou celui de recevoir de la part du prestataire de services certaines informations avant la conclusion d’un contrat. Mais alors que la proposition de Bruxelles allait dans le sens d’une forte harmonisation de ces dispositions, en détaillant par exemple la liste des informations pré-contractuelles à fournir, le compromis trouvé au Conseil de l’UE laisse sur certains points clés à chaque Etat membre la liberté de placer le curseur où il le souhaite. Ainsi, l’obligation de fournir des informations précises sur «les coûts cachés» ou sur le risque lié au service financier en question disparaît du texte agréé jeudi.

Bouton de rétractation

De la même manière, quand la Commission entendait imposer que ces différentes informations soient fournies «au moins un jour avant» la conclusion du contrat à distance, la version du Conseil prévoit que cela ait lieu «au moment opportun» («in good time» dans le texte). Une formulation floue, déjà utilisée dans la nouvelle directive encadrant le crédit à la consommation, et vouée à donner une marge de manœuvre à chacun des Etats membres au moment de transposer le texte dans le droit national.

En revanche, les Etats membres entérinent l’obligation pour les vendeurs de faciliter le droit de rétractation dans les 14 jours de la conclusion du contrat : ces derniers devront mettre à la disposition des utilisateurs un «bouton de rétractation» leur permettant de se retirer facilement de la vente. Le Conseil supprime toutefois l’obligation initialement proposée de rappeler ce droit de retrait lorsque le contrat a été conclu au moins un jour après l’envoi des informations pré-contractuelles. L’institution précise en même temps que la période de rétractation sera prolongée de 12 mois dans l’éventualité où «le consommateur n’a pas reçu les informations pré-contractuelles et les conditions générales», et «n’expirera pas» si ce dernier n’a pas été informé de son droit de rétractation «via un support durable» («durable medium»).

Autre précision importante : selon le Conseil, le droit de rétractation ne devrait pas s’appliquer «aux services financiers dont le prix dépend d’une fluctuation du marché financier échappant au contrôle de l’opérateur». «Lorsque le consommateur a le droit de se rétracter de ces contrats, la perte de valeur éventuelle des instruments du marché financier doit être prise en compte dans le montant à payer au consommateur», peut-on encore lire.

Accord attendu au Parlement fin mars

Les modalités de ce droit de rétraction sont également au cœur des débats tenus en parallèle au Parlement européen. Un accord entre les groupes politiques de l’hémicycle devrait être conclu fin mars. Les deux institutions - Conseil et Parlement - devront ensuite négocier la version finale du projet législatif.

Dernier pan de la proposition de Bruxelles : encadrer strictement les interfaces en ligne - que ce soit sur un site internet ou via une application mobile - pour garantir la protection des consommateurs. Ainsi, lorsque l’acheteur est confronté à des «outils automatiques en lignes», tels qu’un robot conseiller ou des boîtes de discussion («chatbox»), il pourra exiger d’être mis en contact avec un être humain chargé de représenter le vendeur, et ce «gratuitement, pendant les horaires de travail du vendeur», précise le Conseil, qui valide ainsi cette disposition.

Cependant, les Etats membres ont supprimé entièrement un paragraphe clé qui prévoyait «d’interdire aux vendeurs d’utiliser la structure, la conception, ou le fonctionnement de leurs plateformes en ligne d’une manière qui pourrait fausser ou perturber la capacité des consommateurs à prendre des décisions ou des choix libres, autonomes, et informés». Le Conseil de l’UE juge qu’il aurait été «très difficile» pour les autorités chargées de la protection des consommateurs «de déterminer quand une telle obligation est violée».