L’Europe fait un grand pas vers une transparence fiscale accrue des multinationales

Clément Solal, à Bruxelles
Les négociations en trilogue constituent l'ultime étape avant l’adoption finale du texte.
(Max Pixel)

Les Etats membres sont sur le point de remettre sur les rails un dossier bloqué au Conseil depuis plus de cinq ans. Cette semaine, les Vingt-Sept devraient enfin adopter une position commune sur un projet de directive présenté en 2016 par la Commission Juncker qui obligerait les entreprises implantées dans l'UE au chiffre d’affaires supérieur à 750 millions d’euros à rendre publiques chaque années certaines données fiscales et comptables, tels que leurs bénéfices, leur chiffre d’affaires, ou encore les impôts payés dans tous les pays où elles exercent.

Au cours d’une réunion informelle en vidéoconférence des ministres de l'UE chargés de la Compétitivité et de l’Industrie jeudi dernier, une majorité qualifiée d’Etats membres s’est pour la première fois exprimée en faveur d’un texte de compromis, qui doit être entériné ce mercredi 3 mars par les ambassadeurs des 27 à Bruxelles. Les revirements des gouvernements hongrois et slovène ont anéanti la minorité de blocage minimale des 12 Etats qui s'opposaient jusqu'ici à un projet notamment soutenu par la France.

Clause d'exemption

Dans une déclaration commune, l'Irlande, la République tchèque, la Hongrie, la Suède, le Luxembourg et Malte ont toutefois indiqué qu’ils continuaient à contester la base juridique de la proposition qui relève, selon eux, du domaine fiscal et aurait donc dû être votée à l’unanimité des Etats membres. La Commission européenne estime quant à elle qu’il s’agit d’une question de transparence qui devait bien être tranchée à la majorité qualifiée. Selon le quotidien The Irish Times, le ministre irlandais du Commerce Robert Troy ferait même planer la menace d’un futur recours auprès de la Cour de justice de l'Union européenne.

L’ultime étape de négociations avec le Parlement européen devrait néanmoins s’ouvrir sous peu, une fois la position du Conseil officialisée. Le mandat que détiendra alors la présidence portugaise du Conseil est globalement assez proche de la proposition initiale de la Commission alors que la version du Parlement, prête depuis juillet 2017, est plus ambitieuse. L’équipe de négociateurs du Parlement souhaite que les informations des multinationales soient publiées de manière «désagrégées» dans tous les pays où elles sont implantées, y compris hors de l’UE, alors que les textes du Conseil et de la Commission limitent cette obligation aux activités au sein des Etats membres. Les négociations devront enfin déterminer les modalités de la clause, qu’Etats membres et eurodéputés s’accordent à inclure, par laquelle les entreprises pourront bénéficier d’exemptions afin de protéger certaines informations jugées commercialement sensibles.