
Les recommandations 2017 de la FNDP
Afin de faire évoluer le droit du patrimoine le comité juridique de la Fédération nationale droit du patrimoine (FNDP) – qui unit sept masters 2 de droit et gestion de patrimoine – publie depuis cinq ans des avis. L’Agefi Actifs publie ici les extraits de certains d’entre eux. Pour Sophie Schiller, présidente du comité juridique de la FNDP et professeur à l’Université de Paris-Dauphine, « les avis permettent à la FNDP de se positionner sur des pratiques au cœur de la gestion de patrimoine et d’offrir aux utilisateurs une nouvelle approche d’outils classiques, l’objectif étant de les sécuriser et/ou de revisiter ces outils ». Le premier avis rappelle que la loi du 5 janvier 1988 en matière de transmission d’entreprise a ouvert la donation-partage à d’« autres personnes » que les héritiers présomptifs du donateur, sous certaines conditions. La FNDP a souhaité s’exprimer, alors que le sujet fait l’objet de discussions doctrinales. Pour l’association, cette ouverture peut aussi bien profiter à des personnes physiques qu’à des personnes morales. Et si la personne morale, tiers copartagé, est un fonds de dotation, la donation-partage permettra alors, dans des conditions très favorables, à un chef d’entreprise de faire profiter une œuvre d’intérêt général de la richesse de l’entreprise. Le second avis porte sur le difficile règlement de la succession en présence d’un héritier réservataire et d’un tiers ayant été désigné en tant que légataire universel. Martine Blanck-Dap, avocat au barreau de Paris au cabinet LPA-CGR, formule un certain nombre de recommandations à mettre en œuvre, et propose une réforme juridique, mais aussi fiscale, afin d’améliorer le sort de cet héritier réservataire. Enfin, dans un dernier avis, Sophie Schiller suggère de voir une présomption simple d’exclusion de la qualification de contrat d’adhésion, lorsque ce contrat aura été rédigé en présence d’un notaire ou d’un avocat.
Le fonds de dotation, possible tiers copartagé dans le cadre de la transmission d’une entreprise
Par Claire Farge, docteur en droit et Yann Malard, notaire.
La loi n° 88-15 du 5 janvier 1988 sur le développement et la transmission des entreprises a ouvert la donation-partage à d’« autres personnes » que les héritiers présomptifs du donateur à condition qu’elles soient alloties de la propriété ou de la jouissance des « biens corporels ou incorporels affectés à l’exploitation de l’entreprise ou (des) droits sociaux » de la société dont le disposant est le ou l’un des dirigeants. Or, on ne sait si cette ouverture ne peut bénéficier qu’à des personnes physiques ou également à des personnes morales. La pratique, prudente, a tendance à s’interdire de recourir à la donation-partage en présence d’une transmission à titre gratuit de titres sociaux à une personne morale et à s’orienter plutôt vers la donation simple. Ce qui prive ladite personne morale des avantages de la donation-partage. La FNDP souhaite ici exprimer son opinion dans ce débat doctrinal dont les enjeux sont significatifs notamment en matière de philanthropie. On pense ici au dirigeant d’entreprise souhaitant créer un fonds de dotation à l’occasion de la transmission, pour partie au moins à titre gratuit, de son entreprise : le fonds de dotation reçoit des titres dont la cession lui permet d’accomplir la mission d’intérêt général pour la réalisation de laquelle il a été créé. C’est pourquoi, en ayant notamment à l’esprit ce schéma particulièrement vertueux, la FNDP a entendu apporter son appui à l’interprétation de l’article 1075-2 du Code civil admettant qu’une personne morale peut avoir la qualité de tiers copartagé dans une donation-partage portant sur les titres d’une entreprise.
La virtualité de la réserve héréditaire en présence d’un légataire universel
Par Martine Blanck-Dap, avocat au barreau de Paris.
La loi du 23 juin 2006 portant réforme du droit des successions et des libéralités a modifié les droits des héritiers réservataires en substituant au principe de la réduction en nature des libéralités excédant la quotité disponible celui d’une réduction en valeur (article 924 du Code civil). L’héritier réservataire se trouve en conséquence dans la situation d’un simple créancier, ce qui l’expose à des difficultés tant d’un point de vue civil que fiscal.
1/ Le légataire, du fait de sa vocation universelle, est appelé en effet à recueillir l’ensemble de la succession du défunt et s’il est également héritier réservataire et bénéficiaire à ce titre de la saisine légale, il est investi de plein droit de l’ensemble de la succession sans avoir à solliciter la délivrance de son legs. Il n’existe par ailleurs aucune indivision entre le légataire universel et l’héritier réservataire titulaire seulement d’un droit de créance ainsi que la Cour de cassation l’a rappelé dans son arrêt en date du 11 mai 2016 (n°14-16967). L’héritier réservataire ne peut obtenir le paiement de l’indemnité de réduction à lui revenir qu’au jour de la détermination de ses droits conformément à l’article 924-2 du Code civil ; sa créance étant calculée suivant la valeur des biens légués au jour du « partage » selon l’état des biens au jour du décès ; or, le légataire universel étant déjà saisi de l’intégralité de l’actif successoral, aucun partage n’est à intervenir en l’absence d’indivision successorale.
2/ Fiscalement, l’administration considère que l’héritier réservataire, saisi de plein droit de la succession, conserve l’obligation de déposer la déclaration de succession dans le délai légal de six mois à compter du décès et ce alors même que les droits de ce dernier ne sont pas fixés et qu’il n’a pas encore recouvré sa créance. Le quittancement du paiement de l’indemnité de réduction ne devrait en principe pas être soumis au droit de partage de l’article 746 du CGI puisqu’il n’y a ni indivision ni partage.
3/ La FNDP recommande, au regard de ces différents éléments, que l’héritier réservataire sollicite dès l’ouverture de la succession un inventaire des forces actives et passives de la succession conformément à l’article 1328 du Code civil et demande le cas échéant la désignation d’un mandataire successoral sur le fondement de l’article 813-1 du Code civil dont les dispositions ont vocation à s’appliquer du seul fait de l’opposition d’intérêts entre les héritiers. Elle encourage également les héritiers réservataires à exciper de l’article 2374,3° du Code civil instituant un privilège spécial à leur profit sur les immeubles de la succession pour la garantie des indemnités qui leur sont dues en application de l’article 924 du Code civil. Elle estime par ailleurs qu’il conviendrait d’attribuer à l’héritier réservataire un droit de rétention sur les biens légués tant que l’indemnité de réduction n’aura pas été réglée sous réserve pour celui-ci d’agir en réduction contre le légataire universel dans l’année du décès et demande en conséquence que l’article 924 du Code civil soit complété en ce sens.
La FNDP demande enfin que la doctrine fiscale soit clarifiée sur les obligations déclaratives de l’héritier réservataire tant que celui-ci n’a pas perçu l’indemnité de réduction à lui revenir et de la non-application du droit de partage au quittancement de l’indemnité de réduction.
L’acte rédigé par un notaire ou un avocat peut-il être qualifié de contrat d’adhésion ?
Par Sophie Schiller, professeur à l’Université Paris-Dauphine, responsable du master 2 Droit du patrimoine professionnel, présidente du comité juridique de la FNDP.
Selon le nouvel article 1110 du Code civil : « Le contrat d’adhésion est celui dont les conditions générales, soustraites à la négociation, sont déterminées à l’avance par l’une des parties ». L’enjeu de la qualification est important. Dans un contrat d’adhésion, non seulement une clause créant un déséquilibre significatif est réputée non écrite, mais toute stipulation douteuse sera systématiquement interprétée contre celui qui l’a proposée. L’enjeu de la qualification est donc essentiel, mais les critères posés sont flous. Ils supposent une soustraction à la négociation. En conséquence, en présence d’un professionnel du droit, qu’il soit notaire ou avocat, le comité juridique de la FNDP considère qu’il existe une présomption simple d’exclusion de la qualification de contrat d’adhésion.
Martine Blanck-Dap avocat au barreau de Paris, cabinet LPA-CGR, et Sophie Schiller présidente, comité juridique de la FNDP
Claire Farge docteur en droit, droit du patrimoine, cabinet Fidal, et Yann Malard notaire, Malard Associés