
Les professionnels du LBO s’inquiètent de la directive Atad
Les professionnels du LBO étaient prêts à ouvrir le champagne, vendredi, s’attendant à ce que le Conseil constitutionnel juge contraire à la loi fondamentale l’amendement Charasse. Las, ils n’ont rien obtenu. Cet amendement dû à l’ancien ministre du Budget, devenu sénateur, prévoit depuis 2008 la réintégration dans le résultat imposable d’un groupe intégré des charges financières liées au rachat d’une entreprise, dès lors que l’un des dirigeants de celle-ci appartient au groupe acquéreur. Un amendement anti-abus, mais qui peut bloquer des opérations de LBO dont la motivation n’est pas que fiscale, faisaient valoir les artisans de la Question prioritaire de constitutionnalité (QPC).
Guillaume Hannotin, avocat associé au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, qui défendait la non-constitutionnalité de l’amendement Charasse, conteste la fin de non-recevoir qui lui a été opposée. «Pour justifier sa décision, le Conseil constitutionnel a mis en avant un "cumul d’avantages fiscaux" que le fisc serait en droit de contrer, qui n’existe pas, en réalité. La déductibilité fiscale fait partie intégrante du régime d'intégration fiscale.» Mais une fois la question tranchée par les sages du Palais-Royal, difficile d’y revenir.
Les professionnels du LBO sont d’autant plus inquiets, qu’à cette déconvenue, risque de s’ajouter celle de l’entrée en vigueur plus tôt que prévu de la directive Atad. Celle-ci, voulue notamment par l’Allemagne, prévoit de limiter fortement la déductibilité des charges financières du bénéfice imposable. Ces charges seraient limitées à 30% de l’Ebitda. Un Ebitda fiscal «inférieur à celui habituellement retenu en comptabilité, puisqu’il faut en retrancher les dividendes», souligne Daniel Gutmann, avocat associé chez CMS Francis Lefebvre, en charge de la doctrine.
Le gouvernement avait demandé à Bruxelles de faire jouer la possibilité de report jusqu’en 2024 de l’entrée de cette directive. Il envisage désormais l’hypothèse d’une transposition le premier janvier 2019, dans le cadre de la loi de finances. La question posée, surtout, est celle du maintien ou non des dispositifs existants, destinés à limiter la déductibilité des charges financières. Pourra t-il y avoir cumul entre la directive européenne et ces instruments juridiques déjà contraignants ? Dans ce cas, la déduction des charges deviendrait problématique. Le ministère des Finances, qui a lancé une consultation auprès des entreprises concernant Atad, ne s’est pas prononcé sur le sujet.