Pacs

Les incidences d'une expatriation au Portugal

Le 29 janvier 2019, un règlement européen entre en vigueur en matière d'effets patrimoniaux des partenariats enregistrés
L'occasion pour les cabinets Fidal et Abreu de s'interroger sur les conséquences patrimoniales d'un Pacs conclu par des Français expatriés au Portugal
Laura Delfour, juriste diplômée notaire, département droit du patrimoine, Fidal et Luis Barreto Xavier, Of Counsel, Abreu Advogados (Lisbonne)

A partir du 29 janvier 2019, entre en vigueur dans 18 Etats membres de l’Union européenne dont la France et le Portugal, le Règlement (UE) nº 2016/1104 du Conseil du 24 juin 2016 mettant en œuvre une coopération renforcée dans le domaine de la compétence, de la loi applicable, de la reconnaissance et de l’exécution des décisions en matière d’effets patrimoniaux des partenariats enregistrés. L’objectif visé avec ce texte est « d’assurer la sécurité juridique des couples non mariés à l’égard de leur biens et de leur offrir une certaine prévisibilité » (considérant 15 du règlement) dans un contexte de mobilité croissante des personnes.
 Le règlement vient dans la ligne d’autres règlements, qui tous visent à assurer l’élimination des obstacles juridiques à la libre circulation de personnes dans l’espace européen en harmonisant les règles de droit international privé des Etats membres (règlement nº 2016/1103 du Conseil du 24 juin 2016 sur la loi applicable aux régimes matrimoniaux ; règlement nº 1259/2010,
en matière de divorce et séparation de corps ; règlement nº 650/2012, en matière de successions).
La France et le Portugal font partie des Etats membres qui participent à tous ces règlements. Leurs règles de droit international privé sont donc sur tous ces sujets dorénavant harmonisées.
 Rappelons que les règles de droit international privé s’appliquent dès qu’une situation présente un élément d’extranéité (nationalité, résidence habituelle hors de France…). Car alors il convient de s’interroger sur la loi applicable à ladite situation, loi qui n’est pas nécessairement la loi française, même si la question se pose en France.
 L’entrée en vigueur le 29 janvier du règlement (UE) nº 2016/1104  donne l’occasion de s’interroger sur les conséquences patrimoniales et successorales d’un Pacs conclu en France entre des partenaires, de nationalité française, expatriés au Portugal.

I - Les effets patrimoniaux du Pacs dans le Code civil français
Pour les Pacs conclus depuis le 1er janvier 2007, le régime de séparation de biens s’applique. Chacun des époux est seul propriétaire des biens qu’il possède, qu’il acquiert ou qu’il reçoit à titre gratuit, avant et pendant le Pacs.
Cependant, les partenaires peuvent opter pour un régime d’indivision proche du régime légal de communauté applicable entre époux. En effet, tous les biens acquis à titre onéreux au cours du Pacs sont alors réputés appartenir indivisément par moitié aux partenaires, même si le bien est financé par un seul des partenaires. En fin de Pacs, chaque partenaire reçoit la moitié de ces biens,
par le simple effet patrimonial du Pacs.
 Les partenaires de Pacs conclus avant le 1er janvier 2007 peuvent choisir l’un de ces deux régimes ou rester soumis à l’ancien régime de présomption d’indivision tel que prévu par l’ancien article 515-5 C.civ. Ce type d’union civile n’existe pas dans tous les pays membres de l’Union.

II - Reconnaissance des effets patrimoniaux des Pacs au Portugal

Le droit civil portugais reconnaît certains effets à l’union de fait, mais il ne connaît aucune forme d’union enregistrée de couples non mariés. Il n’existe donc pas au Portugal d’union civile formalisée autre que le mariage.
 Cependant, les effets patrimoniaux des Pacs français peuvent être reconnus au Portugal.
 Si les partenaires de nationalité française fixent au Portugal leur résidence habituelle, les effets patrimoniaux prévus par le Code civil français de leur Pacs, conclu en France à partir du 29 janvier 2019 (ou si les partenaires choisissent la loi applicable à partir cette date), seront reconnus d’après le règlement européen, soit qu’ils aient fait un choix de la loi applicable en faveur de la loi française (conformément à l’article 22º), soit, à défaut de choix, que la loi française soit applicable comme « loi de l’Etat selon la loi duquel le partenariat a été créé » (art. 26º/1).
 Les effets patrimoniaux des Pacs conclus en France (ou à l’étranger par les agents diplomatiques ou consulaires français : art. 515-7 al. 9 C.civ.) avant le 29 janvier 2019 par des partenaires français peuvent aussi être reconnus au Portugal, d’après le droit international privé portugais : l’article 25º du Code civil portugais soumet à la loi personnelle (c’est-à-dire, la loi nationale : article 31º/1) toutes les questions concernant l’état civil et les relations familiales, dont le Pacs fait partie. Et la reconnaissance des effets patrimoniaux du Pacs français n’est pas contraire à l’ordre public portugais, parce qu’elle ne remet en question aucun principe fondamental du droit portugais.
 Ce qui vient de se dire pour les effets patrimoniaux des Pacs conclus avant le 29 janvier 2019 vaut également pour la question de l’existence, la validité ou la reconnaissance d’un Pacs au Portugal, avant ou après le 29 janvier 2019, question qui est exclue du champ d’application du règlement. Le droit international privé portugais renvoie pour cette question à la loi nationale, et la reconnaissance d’un Pacs ne viole pas l’ordre public international du Portugal.

III -  Les effets successoraux du Pacs français en cas d’expatriation au Portugal  
En droit français, le simple fait de conclure un Pacs ne donne pas au partenaire survivant la qualité d’héritier au décès du premier partenaire. Contrairement au conjoint survivant, le partenaire survivant n’est pas un héritier légal. En l’absence de testament, le partenaire pacsé ne pourra donc pas être considéré comme un héritier dans la succession de son partenaire. Il sera alors considéré comme un tiers à la succession. Ce sont les enfants, ou à défaut les parents du défunt qui recueilleront l’ensemble des biens présents dans la succession du partenaire prédécédé. Si certains biens ont été acquis en indivision entre les partenaires, (c’est souvent le cas de la résidence principale achetée par moitié entre les partenaires) ou si les partenaires ont opté pour le régime d’indivision, il y aura alors une indivision entre le partenaire survivant et les héritiers du partenaire prédécédé. Ce qui n’est pas sans poser de difficulté en pratique… notamment en termes de gestion des biens. Pour pallier cette difficulté, il est possible pour les partenaires d’établir de leur vivant un testament et de désigner le partenaire légataire de l’ensemble de ses biens, ou de la quotité disponible en présence d’enfants qui auraient droit à une réserve héréditaire. Mais quelles seraient les conséquences sur le plan successoral d’une expatriation au Portugal ? Si les pacsés s’expatrient au Portugal et un des partenaires décède, quelle est la loi applicable ?
 D’après le règlement 650/2012, applicable aux successions ouvertes depuis le 17 août 2015, aussi bien en France qu’au Portugal, chaque partenaire peut choisir comme loi applicable au règlement civil de sa succession légale ou testamentaire la loi de sa nationalité ( donc ici la loi française). Cette « professio juris » doit être formulée de manière expresse dans une déclaration revêtant la forme d’une disposition à cause de mort ou résulter des termes d’une telle disposition (article 22/2 du règlement). A défaut de choix, on applique la loi de la résidence habituelle du défunt au moment du décès (donc ici la loi portugaise).
 Pour assurer la protection du survivant, il faudra que chaque partenaire de Pacs rédige un testament en faveur de l’autre. C’est admis par la loi portugaise comme par la loi française.
 Toutefois, le droit successoral portugais est en général plus exigeant en matière de réserve héréditaire et ne connaît pas de possibilité équivalente à la renonciation anticipée à l’action en réduction (RAAR) qui existe en droit français (1). 

 En droit portugais, les héritiers réservataires sont le conjoint survivant et les descendants du défunt ou, s’il n’y a pas de descendants, le conjoint et les ascendants.
La réserve héréditaire peut être de deux tiers (s’il y a conjoint survivant et descendants ; à défaut, s’il y a conjoint survivant et ascendants ; à défaut de conjoint survivant, s’il y a plus d’un enfant), de la moitié (s’il y a conjoint survivant mais pas de descendants ou ascendants ; à défaut de conjoint survivant, s’il y a seulement un enfant ; à défaut de conjoint et d'enfant, s’il y a des parents), ou un tiers des biens (à défaut de conjoint, de descendants et de parents, s’il y a d’autres ascendants), toujours en pleine propriété. La quotité disponible qui peut être laissée par testament au partenaire survivant sera donc variable.
 Selon la situation de chacun et selon sa stratégie patrimoniale, il peut être opportun d’établir un testament contenant la désignation de la loi française comme loi applicable à sa succession. S’il a été rédigé en France, le testament sera reconnu au Portugal. Mais il peut également être rédigé au Portugal. Sur le fondement de l’article 27 du règlement 650/2012 en matière de loi applicable aux successions, le testament sera valable quant à la forme qu’il soit conforme à la loi portugaise (comme loi du lieu de la rédaction du testament ou loi du lieu de résidence du testateur) ou à la loi française (comme loi de la nationalité du testateur).
 En pratique, pour faire un testament au Portugal en conformité avec la loi portugaise, le testateur peut établir un testament public (ou testament authentique), dressé par un notaire et déposé au rang des minutes de son étude, ou rédiger un testament « cerrado », un acte sous seing privé, qui doit être approuvé par le notaire (équivalent au testament mystique français). La loi française offre, elle, le choix supplémentaire de la forme olographe.
 Si le choix de loi a été fait par testament, des partenaires pacsés en France ayant établi leur résidence au Portugal pourront se voir appliquer les règles de droit successoral françaises, et hériter l’un de l’autre selon les termes du testament et dans la limite de la quotité disponible française (voir tableau ci-dessous).

 Il faut insister sur le fait que le choix de la loi successorale a un effet civil uniquement : il n’a pas d’effet fiscal.
 Au Portugal, les successions sont soumises au droit de timbre : 10 % de l’ensemble des biens de la succession. Mais le conjoint survivant, l’« unit de fait », les descendants et les ascendants sont exonérés. A cet égard, le partenaire du Pacs doit être assimilé à l’« unit de fait » et bénéficie de l’exonération de l’impôt.
 En l’absence de convention internationale conclue entre la France et le Portugal relative aux droits de succession entre particuliers, il convient de tenir compte de la règlementation fiscale française.
Les héritiers sont donc soumis aux droits de succession en France dans toutes les hypothèses visées par l’article 750 ter CGI : s’ils sont résidents français ou bien si le défunt détenait des biens en France, et ce, même si le défunt était résident fiscal portugais.
 Si des partenaires pacsés en France expatriés au Portugal,
sont résidents fiscaux portugais, et que l’un d’eux décède au Portugal, les biens qu’ils détiennent en France resteront taxables en France selon les règles fiscales françaises.
Le simple fait d’avoir une résidence fiscale au Portugal ne suffit donc pas à écarter l’application des droits de succession français.
 Toutefois, d’une part, il est possible d’anticiper sa transmission de son vivant afin de limiter l’impact fiscal de sa succession, et d’autre part, on se rappelle que le partenaire pacsé est en France exonéré de droits de succession.