
Les conseillers doivent mieux appréhender le profil de leurs clients

« Des difficultés mais fait preuve de bonne volonté ». C'est l'appréciation qu'aurait pu écrire l'Autorité des marchés financiers (AMF) en bas du bulletin des conseillers financiers après la publication de la synthèse de ses contrôles de supervision des pratiques opérationnelle et thématique (Spot). Ce volet des contrôles dédié à la connaissance client et à l'adéquation entre profil de risque et recommandations financières (voir encadré pour plus de détails), a été rendu public jeudi 11 mars. Dans le document, le gendarme financier souligne de bonnes pratiques, mais relève encore des «insuffisances significatives dans le respect des diligences requises en matière d’adéquation».
Les investigations de l’AMF ont porté sur quatre établissements durant une période allant du 3 janvier 2018 au 16 mars 2020. Durant ces contrôles, l’Autorité a porté son attention sur :
- Le périmètre et les modalités de recueil des informations du client.
- Les modalités de mise en œuvre du test d’adéquation.
- La vérification par l’établissement de l’existence d’instruments financiers équivalents susceptibles de correspondre au profil du client, en tenant compte de leur coût et de leur complexité.
- La remise et le contenu du rapport d’adéquation synthétisant les conseils prodigués au client.
- Le dispositif de contrôle sur le thème de l’adéquation.
Information client et l’évaluation des connaissances
Concernant le recueil des informations nécessaires à l’évaluation de la capacité à subir des pertes, deux établissements évaluaient celle-ci via des mises en situation théoriques appréciant l’attitude du client face au risque. «Cette méthodologie démontre une confusion avec la notion de tolérance au risque», insiste l’AMF. Au total, c’est 87,5% de l’échantillon qui n’a pas conformément mesuré la capacité de leurs clients à subir des pertes.
Concernant l’adéquation, la mission a relevé que 32,5% des cas présentaient un défaut de recueil de certaines informations nécessaires à son évaluation par le conseiller.
Pis, dans 30% des cas analysés aucune actualisation des connaissances des clients ou des questionnaires n’avait été effectuée depuis l’entrée en vigueur de MIF 2. Certains questionnaires dataient de 8 ans…
Parmi les bonnes pratiques observées, la synthèse souligne le fait de prévoir des mesures permettant au client d’accroître sa connaissance sur un instrument financier tout en encadrant, temporellement et dans l’intérêt du client, la souscription de cet instrument. Le recours à des scénarios présentant le couple rendement/risque ou encore l’appréciation de la réaction du client face à une baisse potentielle des marchés pour évaluer sa tolérance au risque ont également été mis en exergue.
Le test d’adéquation
Pour évaluer la mise en œuvre du test d’adéquation par les établissements, le régulateur a testé un échantillon de quarante transactions réalisées (10 par établissement). Dans ce cadre, entre 30 % et 40 % des recommandations n’étaient pas strictement adéquates à la situation du client. Une partie de ces cas d’inadéquation s’explique par «une mise en œuvre tardive des dispositions de MIF 2 dans les modèles de questionnaire ou dans les outils utilisés pour évaluer les clients», note l’AMF.
Le rapport d’adéquation
Les quatre établissements analysés disposaient de procédures concernant la remise d’un rapport d’adéquation et son suivi dans la durée. En revanche, deux d’entre eux ne remettaient pas systématiquement ce rapport. Par ailleurs, certains établissements ne fournissaient pas d’explications sur le caractère adapté de la recommandation d’investissement à la situation du client. Ils estimaient, à tort, cette obligation implicitement remplie par la réalisation du test d’adéquation (1).
Parmi les bonnes pratiques, l’Autorité relève l’utilisation de différents modèles de rapport d’adéquation selon le type de recommandations délivrées : propositions d’investissement, d’arbitrage ou de conservation.
Le dispositif de contrôle de la conformité
S’agissant du dispositif de contrôle de conformité, la synthèse souligne une couverture insuffisante du périmètre de l’adéquation, pour deux entités. Celle-ci peut s’expliquer par «l’absence de vérification de la qualité des recommandations délivrées par le biais de l’outil informatique», peut-on lire dans le document.
Le régulateur se félicite de l’existence d’un outil dédié à l’enregistrement et à la traçabilité des résultats des contrôles. Il met également en avant la possibilité offerte par certains établissements «d’adapter à la marge des points de contrôle en fonction des risques identifiés, sans jamais abaisser le niveau d’exigence».
Changement réglementaire
A l’occasion de la révision de la directive sur les Marchés d’instruments financiers (MIF 2), le volet protection des investisseurs a été renforcé par l’ajout d’exigences sur l’évaluation de leur situation particulière. Sous le régime MIF 1, un établissement financier offrant un service de conseil en investissement devait s’enquérir des informations sur la connaissance et l’expérience du client, sur ses objectifs et sa situation financière. L’établissement devait également procéder à un test d’adéquation.
Depuis le 3 janvier 2018 (date d’entrée en application de MIF 2), le recueil des informations concernant les objectifs de l’investisseur doit aussi permettre d’apprécier sa tolérance au risque. Les informations sur la situation financière du client doivent, par ailleurs, permettre d’évaluer sa capacité à subir des pertes. Enfin, l’établissement doit remettre au client, préalablement à la transaction, un rapport d’adéquation précisant le conseil fourni et dans quelle mesure celui-ci répond à ses préférences et à ses objectifs d’investissement.
(1) L’absence de remise du rapport d’adéquation constitue un manquement aux exigences prévues par les articles L. 533‐15 du CMF et 54.12 du RD MIF 2.