Les assureurs écartelés entre supervision, justice et politique

Sylvie Guyony
La semaine prochaine, la FFA devrait émettre un avis sur le dossier des Assurances du Crédit Mutuel et faire un nouvel effort envers les entreprises.
REA

Le politique aura le dernier mot. La semaine dernière, le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, a une nouvelle fois prévenu les assureurs : encore un effort, sinon, il faudra en passer par la loi… Les citoyens ne peuvent pas comprendre que les pertes d’exploitation des entreprises, fermées pour cause de confinement face à la crise sanitaire, ne soient pas indemnisées. Nul doute que la profession va se mobiliser en tant qu’assureur, mais également investisseur institutionnel. Pas question bien sûr de mettre en danger certains acteurs. D’ailleurs, si l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) lance maintenant une enquête sur toutes les assurances pour pertes d’exploitation, comme l’a dévoilé «L’Opinion» du 5 mai, elle n’a pas le pouvoir d’interpréter les contrats, mais elle a le devoir de vérifier que les provisions sont adaptées aux risques. Dans l’optique de protéger les assurés.

Tout le reste finira par être enterré. Les Assurances du Crédit Mutuel (ACM) ont-elles créé une «prime de relance mutualiste» pour éviter de dédommager des clients ?C’est ce qu’ont soutenu deux vice-présidents (sur trois) de la Fédération française de l’Assurance (FFA) dans un courrier adressé à leur présidente, le 25 avril, lui demandant de convoquer la Commission de déontologie en urgence. A la FFA, on est gêné : la procédure ne serait pas conforme… Le comité de présidence qui s’est réuni aurait obtenu l’unanimité des vice-présidents pour saisir la commission de déontologie et attend, dans le courant de la semaine prochaine, son «avis». En aucun cas des sanctions envers des «actions inexactes, déloyales, trompeuses et préjudiciables aux clients» : la FFA ne constitue pas un ordre professionnel. Et le dénigrement pourrait être attaqué en justice…

Axa France assigné en référé

En attendant, les ACM affirment n’avoir enregistré aucune plainte, tandis qu’Axa France est assigné en référé par Eclore, qui met en avant le plus symbolique de ses quatre restaurants, la Maison Rostang : la compagnie «refuse d’indemniser les pertes d’exploitation consécutives à la fermeture administrative (…) alors que la police d’assurance prévoit expressément 'une extension pour les pertes d’exploitation en cas de fermeture administrative imposée par les services de police ou d’hygiène ou de sécurité'», indique le groupe. L’audience est prévue le 12 mai.

La FFA devrait alors remettre sa copie à Bruno Le Maire qui attend d’elle un accord avec les restaurateurs et hôteliers afin d’indemniser une partie de leurs pertes d’exploitation. Celui-ci pourrait ainsi être divulgué lors du comité interministériel du tourisme du 14 mai.

Curieusement, un seul élément n'a pas été mis en doute : les 60 milliards d'euros que représenterait l’exposition des entreprises françaises à la perte d’exploitation du fait de l’épidémie. Cette évaluation ne repose pourtant pas sur les données agrégées des membres de la FFA. «Cette estimation est faite sur la base de l’exposition de toutes les entreprises assurées en pertes d’exploitation classiques et sur un scénario de 3 mois d’arrêt ou de quasi-arrêt, de 50% de fonctionnement de l’activité économique en France», explique la Fédération. Et s’il s’agit d’une estimation basse, on comprend la nécessité de créer un nouveau régime, avec la garantie de l’Etat.