Libéralités

Le renouveau d’intérêt de la donation-partage transgénérationnelle

La donation-partage transgénérationnelle n’a pas pour le moment connu le succès que le législateur et la pratique lui prédisaient pour des raisons fiscales Depuis fin 2010 cependant, la possibilité d’incorporer un bien antérieurement donné à un enfant, soumis au droit de partage, mérite un intérêt soutenu.

réponse apportée par le législateur à sa volonté de favoriser la transmission des patrimoines vers des générations plus jeunes jugées davantage consommatrices, la donation-partage transgénérationnelle permet à un ascendant de faire la distribution et le partage de ses biens entre des descendants de générations différentes, qu’ils soient ou non ses héritiers présomptifs. Depuis le 23 juin 2006, il est ainsi possible de bénéficier du cadre protecteur de la donation-partage lors d’une transmission à des petits-enfants.

Cependant, la sécurisation juridique du règlement de la succession n’a pas permis à elle seule le succès de cette nouvelle libéralité-partage. A défaut de régime fiscal favorable, peu de nouveautés civiles ont rencontré le succès.

Et, en la matière, celui de la donation-partage transgénérationnelle est peu attractif.

Fiscalité peu attractive.Comme une donation classique, elle est imposée en fonction du lien de parenté existant entre le grand-parent et le petit enfant donataire copartagé. Ce dernier bénéficie alors de l’abattement de 31.865 euros sans tenir compte de l’abattement de 159.325 euro de l’enfant, qui renonce pourtant à son allotissement au profit de ses propres enfants qui le représentent.

La récente réforme de la fiscalité des donations portant notamment suppression des réductions de droits liées à l’âge du donateur et rallongement du délai fiscal de six à dix ans a porté atteinte à l’attractivité du tout nouveau régime de la donation partage transgénérationnelle. Ainsi, si la valeur à transmettre dépasse les 31.865 euros d’abattement, le coût fiscal de la donation constitue souvent un obstacle à sa mise en œuvre.

Pourtant, nous devrions assister à un renouveau de l’intérêt des praticiens pour la donation-partage transgénérationnelle.

La nouveauté du droit de partage.En effet, la loi de Finances rectificative du 29 décembre 2010 a complété le régime fiscal applicable à ces libéralités : l’incorporation à une donation-partage transgénérationnelle d’un bien antérieurement donné à un enfant est dorénavant soumise au droit de partage, y compris lorsque ce bien est attribué à un descendant du donataire.

L’incorporation d’une donation antérieurement consentie à la génération intermédiaire (l’enfant), pour le descendre à la génération du dessous (aux petits-enfants, voire arrières petits-enfants) présente dorénavant un grand intérêt fiscal puisque le droit de partage de 2,5 % se substitue ainsi à celui d’un droit de donation à 45 % de tranche marginale.

Le seuil des six ans.Attention toutefois : cette opération peut exceptionnellement être imposée aux droits de mutation à titre gratuit lorsque la donation incorporée avec changement d’attribution et de génération a moins de six ans.

Ce dispositif anti-abus a pour objectif d’éviter qu’une donation soit consentie à un enfant et que, dans son sillage, une donation-partage transgénérationnelle incorpore la donation pour l’attribuer à un petit-enfant, de sorte que la transmission bénéficie d’un tarif parents-enfants complété par un droit de partage, plus favorables que le tarif grands-parents/petits-enfants.

La donation partage transgénérationnelle constitue donc aujourd’hui un instrument permettant notamment de rediriger les anciennes opérations de transmission de patrimoine en faveur de la génération des enfants vers celle des petits enfants pour un coût fiscal relativement modéré, dès lors que la donation incorporée a été taxée et consentie il y a plus de six ans.

Une nécessaire anticipation successorale…Cette nouvelle donne implique naturellement une adaptation de la pratique en matière d’anticipation successorale.

Une fois l’abattement en ligne directe consommé, il apparaît par exemple plus opportun de transmettre des biens reçus par donation dans le cadre d’une donation-partage transgénérationnelle avec incorporation de donations antérieures ayant plus de six ans et changement de génération (taxée en principe au droit de partage de 2,5 %), plutôt que par la réalisation d’une nouvelle donation (alors taxée de 5 à 45 %). Voir le tableau 1.

… y compris pour une transmission d’entreprise.Cet exercice comparatif pourra de même être mené en matière de transmission d’entreprise. En la matière pourtant, le régime « Dutreil » permet de bénéficier d’un cadre fiscal sans nul autre pareil : 75 % d’abattement, le cas échéant couplé avec la réduction de droits de 50 % pour donation en pleine propriété avant 70 ans et avec un paiement différé et fractionné sur 15 ans.

En contrepartie, il convient notamment de souscrire un engagement collectif de conservation de deux ans (le cas échéant « réputé acquis »), individuel de quatre ans et de l’exercice d’une fonction de direction pendant les trois années suivant la donation.

Mais là encore, pour peu que l’entreprise familiale dont la transmission est envisagée par des parents à leurs enfants ait pour origine une donation consentie par les grands-parents, la donation-partage portant réincorporation de cette donation originelle puis attribution de l’entreprise à la troisième génération pourra parfois s’avérer plus opportune que le dispositif Dutreil.

Ainsi, en l’état actuel de la législation, pour une donation en pleine propriété consentie avant les 70 ans du donateur à un enfant d’une participation sociétaire éligible au dispositif Dutreil, ce dernier n’apparaît plus attractif que si la participation transmise a une valorisation inférieure à 4,2 millions d’euros. Voir le tableau 2.

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