Majeurs protégés

Le projet de loi Justice veut supprimer l’autorisation préalable au mariage

Le projet de loi Réforme pour la justice, actuellement en discussion devant l’Assemblée nationale, veut permettre aux personnes protégées de prendre seules la décision de se marier, sous réserve de l’information de la personne chargée de leur protection.
Un arrêt récent de la CEDH estime pourtant que l’autorisation préalable du tuteur ou du juge, actuellement en vigueur, ne méconnaît par l’article 12 de la Convention européenne des droits de l’homme relatif à la liberté de se marier.
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L’article 8 bis du projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, introduit par les députés en commission, a été validé en séance publique jeudi 22 novembre 2018. Il prévoit de supprimer l’autorisation préalable du juge ou du conseil de famille lorsque la personne sous protection juridique souhaite se marier ou se pacser. En revanche, la personne chargée d’une mesure de protection, pourra s’y opposer lorsqu’il apparaît que la personne protégée est victime d’un abus. En l’absence de la preuve de l’information du protecteur, la publicité du mariage ne pourra intervenir de sorte que le mariage ne pourra pas être célébré. Cette disposition faisait aussi partie des préconisations du comité interministériel du handicap de fin octobre. Actuellement, une personne placée sous mesure de protection juridique doit recueillir l'autorisation préalable de la personne chargée de sa protection (curateur, tuteur) ou celle du juge. L’ensemble du texte sera voté à l’Assemblée nationale le 27 novembre prochain.

Cette disposition interroge plusieurs professionnels. La Fédération nationale des associations tutélaires met notamment en garde sur son site sur le risque de « captation de patrimoine par des gens malintentionnés ». La magistrate Viviane Brethenoux, vice-présidente chargée de l'administration du tribunal d'instance de Boulogne, déléguée régionale de l'USM (Union syndicale des magistrats), a déclaré également à l’hebdomadaire Le Point que cette disposition était « la porte ouverte à tous les abus ». « Le juge des tutelles ne pourra plus empêcher par exemple qu'un homme de 90 ans sous tutelle atteint d'Alzheimer se fasse épouser par son auxiliaire de vie de 30 ans, laquelle pourra ainsi hériter peut-être au détriment des enfants d'un premier lit », indique-t-elle à titre d’exemple.

Ces débats interviennent alors que la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a considéré dans un arrêt du 25 octobre 2018 (requête n° 37646/13 Delecolle contre France) que l'autorisation préalable en vigueur ne violait par l’article 12 de la Convention européenne des droits de l’homme relatif à la liberté de se marier d’une « manière arbitraire ou disproportionnée ». En l'espèce, la Cour estime que la décision du juge des tutelles et de la cour d’appel, qui ont refuisé au requérant le droit de se marier a été prise après « une enquête sociale qui a souligné l’existence d’un enjeu financier au centre d’un conflit familial important ». Par ailleurs, « le psychiatre désigné par la juge a conclu à l’existence de troubles intellectuels et, tout en constatant la capacité du requérant à consentir à son mariage, il l’a estimé incapable de maîtriser les conséquences de son consentement au niveau de ses biens et de ses finances ».