
Le marché américain en convalescence

A l’origine de la crise des subprimes, le marché de l’immobilier aux Etats-Unis a contaminé l’ensemble de la sphère financière et économique, fragilisant ainsi le marché du travail, la consommation et l’investissement. Près de trois ans après le début de sa descente aux enfers, l’immobilier américain montre quelques signes réconfortants mais reste vulnérable.
Le nombre de transactions dans le neuf comme dans l’ancien a rebondi au premier trimestre 2010 par rapport au premier trimestre 2009. En revanche, les prix subissent toujours des pressions baissières dues aux saisies effectuées par les organismes prêteurs qui alimentent l’offre de biens décotés sur le marché. D’après Quinn W. Eddins, directeur de la recherche chez Radar Logic, « le niveau des prix et des taux de crédit devrait continuer à encourager la demande et donc à absorber l’offre »(lire l'avis d’expert).
Tous ne dressent pas le même constat optimiste et attendent les effets de la fin du crédit d’impôt (lire ci-après). D’autant que, même si l’accès au crédit tend à se décrisper, les banques restent frileuses.Finis les financements à 100 % ou à 110 %, les particuliers doivent désormais justifier d’un apport de 20 à 30 % du montant de leur acquisition.
Des chiffres encourageants.
Alors qu’elles avaient diminué de 47,5 % entre mars 2008 et mars 2009, les mises en chantier ont augmenté de 20,1 % entre mars 2009 et mars 2010, d’après l’association nationale des agents immobiliers, the National Association of Realtors (NAR). De même, les ventes de maisons neuves repartent à la hausse, en augmentation de 23,8 % entre mars 2009 et mars 2010. Du côté du marché de l’ancien, on constate une progression des ventes de l’ordre de 20 % sur cette même période. Ajusté des variations saisonnières - le printemps et l’été étant les périodes où les transactions sont plus importantes -, le mois de mars 2010 fait état, en rythme annuel, d’une croissance de 16 % par rapport à mars 2009, de 3,7 % par rapport à 2009 et de 8,9 % par rapport à 2008.
Sous l’effet des saisies, les offres se multiplient…
En dessous de 2 % depuis le début des années 80, le taux de saisies est, depuis octobre 2007, resté bien au-delà de ce niveau. En octobre 2009, il s’élevait à 4,58 %, de plus en plus de ménages ne pouvant plus subvenir au remboursement de leurs prêts se sont vus confisquer leur bien immobilier par l’organisme qui cautionnait le crédit en prenant le logement sous forme d’hypothèque.
Conséquence directe de ces saisies, le stock de biens immobiliers détenu par les banques a fortement augmenté. Ces dernières ont donc décidé en retour de liquider ce stock en vendant les maisons avec des remises significatives, augmentant ainsi l’offre disponible et la pression sur les prix. En février 2010, l’indice 25 MSA RPX établi par la société Radar Logic et retraçant l’évolution des prix sur 25 métropoles américaines, montrait que le prix des ventes liées aux saisies s’établissent à 38 % en dessous des autres ventes.
… et les prix restent orientés à la baisse.
En effet,« les prix continuent de subir des pressions baissières induites, d’une part, par le rythme des saisies toujours important et, d’autre part, par la faiblesse de la demande elle-même liée au processus de désendettement des agents économiques et aux difficultés d'accès aux crédits immobiliers », explique Thomas Julien, économiste chez Natixis. En effet, les prix décroissent toujours. Cependant, la baisse s’est considérablement atténuée (voir le graphique).
La décélération du déclin des prix de l'immobilier s’explique en partie par le ralentissement du nombre de saisies.
Une reprise soutenue par les mesures gouvernementales.
En dépit de taux d’emprunt fixes à 30 ans qui continuent à baisser - 4,78 % au 27 mai 2010 selon Freddie Mac -, les promesses de vente, d’après la Mortgage Bankers Association (MBA), se sont écroulées au mois de mai. Possiblement annonciatrices d’un nouvel affaiblissement du marché dans un futur proche, les données de l’association semblent suggérer que les ménages ont validé leur projet immobilier avant la fin prévue du crédit d’impôt accordé aux primo-accédants jusqu’en avril pour les acquisitions dans le neuf et jusqu’en juin pour celles dans l’ancien. « La fin du crédit d'impôt devrait avoir un impact sur les ventes de nouvelles maisons en mai et sur les ventes de maisons existantes en juillet », explique Thomas Julien. Michael Carey, économiste au Crédit Agricole confirme et anticipe une probable rechute pour cet été.
Il est cependant difficile d’évaluer la contribution de cette mesure fiscale. Les économistes de la NAR estiment que 4,4 millions de ménages ont profité du crédit d’impôt accordé aux acheteurs.
Investir aux Etats-Unis.
Selon les régions, l’évolution des marchés diffère. Christophe Bourreau, responsable des bureaux de Miami et de New York du groupe immobilier Barnes, compare ces deux villes de la côte est américaine.Après une croissance d’environ 150 % de 2000 à septembre 2008, c’est une baisse de 20 % en moyenne qu’a connu Manhattan après la chute de Lehman Brothers. « Ce qui est déjà incroyable, constate le professionnel, expliquant que, « après avoir été touchée la dernière par la crise, la ville de New York était une des premières à rebondir ». Il faut dire que l’offre y est limitée, d’autant plus pour les étrangers car « 75 % des appartements sont des coops(dits co-op pour coopérative). Acheter en coop, c’est acquérir des actions dans une société propriétaire de l’immeuble. Ce type de bien reste difficilement accessible pour les investisseurs étrangers. »
A Miami, le renversement du marché immobilier s’est opéré bien avant. A partir de 2005-2006, l’offre a commencé à dépasser la demande. S’en sont suivis mécaniquement une baisse des prix, une hausse des mises en vente et un gonflement des stocks accélérant ainsi la diminution des prix. Poussée par les Européens qui souhaitaient profiter d’un euro fort, une légère embellie s’est dessinée au printemps 2008 avant d’être stoppée nette en septembre. « En l’espace de trois à quatre ans c’est une chute de l’ordre de 50 % que nous avons observée »,indique Christophe Bourreau.