
Le Gafi encense l’action LCB-FT de la France

Séance d’autocongratulation à Bercy lundi 16 mai. Le rapport du Groupe d’action financière (Gafi), organisme intergouvernemental chargé de l’élaboration des normes internationales en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (LCB-FT), s’apprête à rendre public son évaluation du dispositif français. «La France, avec son cadre robuste, se classe en tête des pays les plus efficaces dans la LCB-FT, s’enorgueillit Didier Banquy, président du Conseil d’orientation de la LCB-FT (COLB). Nous avons su montrer l’efficacité du dispositif porté dans une égale intensité par les acteurs de la sphère préventive et des autorités répressives avec une priorité accordée aux saisies et à la confiscation des avoirs criminels.»
Si le rapport sorti le 17 mai n’établit pas de classement entre les différents pays évalués, la France se situe d’après le Colb au premier rang des pays luttant efficacement contre la criminalité financière. Sur les quatre niveaux de notation du Gafi, elle se place tous critères confondus presque toujours aux deux premiers échelons. La France dispose d’une «bonne» compréhension des risques en matière de blanchiment de capitaux, «très bonne» en matière de financement du terrorisme. Le Colb est désigné comme chapeautant efficacement les différents acteurs au plan national. Tracfin, le service de renseignement placé auprès du ministère de l’Economie, des Finances et de la Relance, assume son rôle «central» dans le dispositif. Le Gafi considère la cellule «largement opérationnelle» au niveau national comme international, apprécie ses contributions aux enquêtes et son travail de pédagogie sur les assujettis à l’obligation déclarative.
Une action répressive efficace mais perfectible
Les créations répressives françaises, comme le parquet national financier (PNF) ou le parquet national antiterroriste (PNT), sont saluées. Le Gafi regrette cependant le manque d’enquêteurs spécialisés, conduisant à un faible nombre de condamnations pour blanchiment autonome malgré le quasi-renversement de la charge de la preuve depuis la loi de 2013 relative aux infractions financière. Les menaces auxquelles la France est la plus exposée sont les fraudes fiscales, sociales, douanières, les escroqueries et les vols, sans oublier le trafic de stupéfiants.
L’action des régulateurs du secteur financier est évaluée comme globalement bonne avec des points d’amélioration, sur la lourdeur du dispositif de sanctions de l’AMF notamment. Les acteurs eux-mêmes, institutions financières comme prestataires de services en actifs virtuels, présentent une bonne compréhension des risques de BC-FT.
«Le dispositif de gel d’avoirs est évalué comme un outil d’entrave efficace pour assécher les canaux de financement du terrorisme, rapporte la DG Trésor. La France a d’ailleurs un rôle clé au niveau européen et international pour proposer des sanctions.» Certains experts estiment cependant que les mesures de gel des avoirs russes – intervenues après l’évaluation sur place du Gafi de juin à juillet 2021 – sont poreuses sur le plan juridique et pourraient être contestées notamment si elles persistent dans le temps. La Chancellerie et Bercy ont malgré tout tenu, en mars 2022, une réunion pour étudier la possibilité de transformer le gel des actifs russes présents en France en confiscations. Le président du Conseil européen, Charles Michel, s’y est récemment déclaré favorable.
Améliorer la supervision du secteur non financier
La copie française n’est pas parfaite pour autant. Les obligations de vigilance relatives aux personnes politiquement exposées (PPE), plus à risque sur le blanchiment, les mesures renforcées aux relations de correspondance bancaire et le régime applicable aux organisations à but non lucratif à risque de financement du terrorisme sont pointés comme modérément lacunaires.
Dans le secteur dit non financier, «d’importantes améliorations sont requises pour renforcer la supervision et la mise en œuvre des mesures préventives». Le Gafi fait ici référence aux entreprises et professions non financières désignées (EPNFD), dont il considère la définition française trop étroite. Derrière ce jargon se cachent les professionnels du chiffre et du droit comme les avocats ou les notaires, les fiducies, les agents immobiliers… Le rapport conseille d’ailleurs de renforcer la vigilance sur les opérations immobilières, notamment dans le luxe.
Et parce qu’un rapport LCB-FT sans référence aux cryptoactifs ne serait pas complet, le Gafi plaide pour une meilleure connaissance des risques en améliorant le suivi des flux financiers opaques (ce qui vaut aussi pour les espèces).
«Le Gafi a relevé des points d’améliorations mais pas de défaillances structurelles, résume Didier Banquy. Les pratiques criminelles évoluent et nous devons nous adapter en permanence aux nouvelles menaces comme les cryptoactifs. Nous allons poursuivre le déploiement du plan d’action interministériel 2021-2022 en intégrant ses recommandations.»
La précédente évaluation de la France avait été conduite en 2011, mais le Gafi veut accentuer leur fréquence : Bercy estime que la prochaine interviendra dans les cinq ans (l’espacement entre deux évaluations étant par ailleurs liée aux résultats du pays).