
« Le choix du régime de biens n’est pas neutre »

L’Agefi Actifs. - Comment expliquez-vous le succès du Pacs ?
Wilfried Baby. – Le Pacs répond à une autre attente de conjugalité que celle du mariage, et ce depuis déjà un certain temps. Même s’il a été créé pour offrir un cadre juridique aux couples de même sexe, il a été ouvert à tous les couples dans la tradition universelle de notre droit et les couples de sexes différents l’ont très rapidement adopté. 95 % des Pacs sont conclus entre couples de sexes différents, et ce, souvent pour des raisons très pragmatiques, fiscales, sociales, administratives. Certes, le mariage décline mais il se maintient plutôt bien, avec 230.000 mariages célébrés chaque année contre 200.000 pactes enregistrés. En effet, le mariage revêt bien souvent d’autres considérations ou attentes et est moins marqué par cet aspect pragmatique. A tort d’ailleurs, car il présente de réelles différences avec le Pacs qui devraient entrer dans une réflexion pour les couples ayant ce type de préoccupations. En tant que notaires, nous constatons que le Pacs « cannibalise » plus certainement le concubinage que le mariage car bien souvent ce sont des couples qui n’étaient pas prêts à se marier qui vont « consentir » à se pacser, car estimant que la balance entre les avantages et les inconvénients de ce type d’union justifie que l’on se pacse.
Les régimes de propriété des biens des partenaires pacsés (séparation de biens et indivision) sont-ils satisfaisants ?
C’est le principal sujet de discussion aujourd’hui. Doit-on se contenter des deux régimes visés par le Code civil ou peut-on envisager une plus grande liberté et l’adoption de régime sur mesure ? La jurisprudence n’a pas tranché. La majorité des auteurs considère que seuls deux régimes existent. Pour ma part, je ne trouve pas d’argument décisif allant dans ce sens. Au contraire, le Pacs étant présenté comme un contrat de couple et non une institution telle que le mariage, la liberté contractuelle devrait être la règle, dans la limite bien sûr de l’ordre public.
Quels sont les principaux enjeux liés au passage du Pacs au mariage ?
C’est un point très important. Les couples ne saisissent pas toujours les subtilités du passage d’une forme de couple à l’autre. Et pourtant, bien souvent le couple qui était pacsé sous le régime légal de la séparation de biens, va adopter le régime matrimonial de base, celui de la communauté entre époux, qui fonctionne selon une toute autre logique. De même, au niveau successoral, il faudra s’assurer que les dispositions testamentaires prises au cours du Pacs s’appliquent encore en étant mariés, sans compter la naissance de droits supplémentaires du simple fait du mariage, qui ne sont pas toujours appropriés et peuvent modifier les équilibres entre les fratries dans le cas d’une famille recomposée. Tous les couples qui se pacsent et se marient devraient pouvoir bénéficier d’un avis professionnel sur la question. Or, nous le constatons, il est rare qu’ils viennent nous consulter en amont ; et par la suite, cela est souvent plus complexe et onéreux. Le système actuel n’est absolument pas satisfaisant.
Envisagez-vous des modifications législatives pour le Pacs ?
Les failles et faiblesses du Pacs relèvent surtout de son formalisme. Aujourd’hui, on peut se pacser à son choix en mairie ou chez le notaire. Le choix du régime de biens n’est pas neutre car une case mal cochée peut conduire à « faire cadeau » de la moitié de son patrimoine à venir à son partenaire. Je dis souvent que le Pacs est un char d’assaut monté sur roulettes en plastique. Il serait préférable de prévoir que les couples se pacsant en mairie soient automatiquement soumis au régime légal de la séparation de biens, moins engageant, et que toute dérogation devra faire l’objet d’un acte notarié. Jusque-là, cela a été repoussé pour des raisons très politiques, et notamment, le refus de trop se rapprocher du système du mariage. C’est un résumé de l’histoire du Pacs : il a été un instrument politique avant d’être un outil juridique et ses lacunes persistantes sont à rechercher dans sa genèse.