L'Autorité bancaire européenne récolte un sévère rappel à l'ordre

Alexandre Garabedian
La Médiatrice européenne estime que l'EBA aurait dû interdire à son ancien numéro deux de rejoindre le lobby financier AFME.
La Médiatrice européenne Emily O'Reilly (Crédit : Union européenne)

C'est une victoire pour les contempteurs du pantouflage. Au terme de trois mois d'enquête, la Médiatrice européenne, Emily O'Reilly, a adressé lundi un sévère rappel à l'ordre à l'Autorité bancaire européenne (EBA), critiquée pour sa gestion des conflits d'intérêts dans le dossier Adam Farkas.

La médiatrice, dont l'enquête faisait suite à une plainte de l'ONG Change Finance, a estimé que l'EBA n'aurait pas dû autoriser son ancien directeur exécutif à prendre les rênes du lobby financier AFME. La nomination d'Adam Farkas, numéro deux du superviseur bancaire européen, comme directeur général de l'Association for Financial Markets in Europe (AFME), qui regroupe les grandes banques d'investissement, avait été rendue publique en septembre 2019. Elle avait aussitôt déclenché des critiques sur le phénomène de «revolving door», ces transferts entre régulateurs ou superviseurs et les institutions privées qu'ils chapeautent. Le Parlement européen, qui n'avait pas voix au chapitre dans le cas Farkas, a en revanche barré son successeur pressenti Gerry Cross en raison de ses liens avec l'AFME de 2011 à 2015.

Autre constat gênant de l'enquête, bien que l'autorité ait été informée du changement de poste le 1er août 2019, son directeur exécutif sortant a eu accès à des informations confidentielles jusqu'au 23 septembre 2019. La médiatrice juge également que les restrictions imposées par l'EBA à Adam Farkas, telle que l'interdiction pendant 18 mois de faire du lobbying sur des sujets qu'il avait directement portés dans ses fonctions de superviseur, sont difficiles à vérifier en pratique.

Emily O'Reilly émet trois recommandations sur la gestion des conflits d'intérêts au sein du régulateur. Tout d'abord, l'EBA «devrait, le cas échéant, invoquer la possibilité d'interdire à ses hauts fonctionnaires d'occuper certains postes après leur mandat. Une telle interdiction devrait être limitée dans le temps, par exemple pendant deux ans», suggère la médiatrice. L'autorité est aussi invitée à «fixer des critères pour savoir dans quelle situation elle interdira de telles nominations», et à les communiquer aux candidats qui postulent à de hautes fonctions au sein de l'EBA. Enfin, le superviseur «devrait mettre en place des procédures internes afin d’empêcher l’accès aux informations confidentielles à un membre de son personnel dès qu’elle sait qu’il va changer d’emploi, et ce, avec effet immédiat. » L'EBA a trois mois pour y répondre.