
L’attractivité de la Bourse passe par un allégement des prospectus

Au début du mois, l’Autorité des marchés financiers (AMF) a dévoilé ses propositions pour rendre les marchés financiers plus attractifs pour les entreprises dans le cadre de la consultation européenne sur la législation concernant la cotation, le «Listing Act». Le régulateur français ne souhaite pas de refonte des règlements Prospectus et Abus de marché (MAR), prônant une stabilité réglementaire. «Les PME cotées se disent parfois étouffées par la lourdeur administrative que peut faire peser sur elles la réglementation, notamment le règlement MAR, comme la tenue de listes d’initiés ou encore le nouveau formalisme en cas de différé de publication d’une information privilégiée, précise Cyril Deniaud, avocat associé chez Jeantet. Toutefois, même si nous déplorons d’un point de vue général le ‘millefeuille’ réglementaire auquel les sociétés cotées doivent faire face, nous ne sommes pas forcément favorables à des allégements sur le sujet spécifique des abus de marché (avec une réglementation qui serait à deux vitesses, selon que la société est une PME ou non). Certaines contraintes doivent être acceptées lorsqu’on est une société cotée et cela force à une certaine autodiscipline.»
En revanche, l’AMF invite à améliorer l’accès des PME aux marchés de capitaux. Notamment en supprimant l’obligation d’établir un prospectus dans le cas d’une offre au public de titres par des sociétés dont les titres sont admis à la négociation sur les marchés de croissance de PME (comme Euronext Growth) ou qui cherchent à être admis sur de tels marchés, en le remplaçant par un simple document d’information «permettant aux investisseurs d’évaluer en connaissance de cause la situation financière et les perspectives de l’émetteur, ainsi que les droits attachés à ses titres».
Bénéficier du régime PME jusqu’à 1 milliard d’euros
Actuellement, «seules les sociétés se cotant sur Euronext Growth en émettant moins de 8 millions d’euros sont dispensées de préparer un prospectus, poursuit Cyril Deniaud. Nous soutenons la proposition de l’AMF de supprimer l’obligation d’établir un prospectus pour toute introduction en Bourse d’une PME sur Euronext Growth (quel que soit le montant de l’offre), mais également pour toutes leurs offres ultérieures (dites ‘secondaires’).» Les PME pourraient ainsi lever lors de leur introduction en Bourse (et par la suite) plusieurs dizaines de millions d’euros avec un simple document d’information approuvé par Euronext. «Ce régime serait toutefois réservé aux seules PME, à savoir des sociétés ayant une capitalisation boursière de moins de 200 millions d’euros selon la définition européenne, rappelle Cyril Deniaud. Le relèvement de ce seuil permettrait à beaucoup plus d’entreprises d’avoir accès à ce régime plus favorable.» L’AMF propose de relever à 1 milliard d’euros le seuil de capitalisation boursière définissant une PME au sens de la directive communautaire. Les entreprises en dessous de ce seuil bénéficieraient des allégements accordés aux marchés de croissance des PME dans la législation européenne. Cela favoriserait le développement de petits émetteurs cotés, ainsi que la liquidité, selon l’AMF.
De plus, le régulateur milite pour une modification du règlement Prospectus afin de faciliter le processus de levée de fonds pour tous les émetteurs sur les marchés réglementés, en ramenant la période minimale entre la publication du prospectus et la clôture de l’offre, pour les offres primaires, à trois jours ouvrables au lieu des six jours minimums actuels. Cela permettrait de réduire les risques d’exécution et de faciliter les processus de constitution du carnet d’ordres, qui réunit l’ensemble des demandes des investisseurs.
Pertinence du prospectus d’admission
Au-delà de ces propositions destinées aux seules PME, «nous appelons de nos vœux la suppression des prospectus dits ‘d’admission’ que les sociétés cotées sur le marché réglementé sont tenues de publier lorsqu’elles émettent plus de 20% du capital en douze mois, ajoute Cyril Deniaud. Quel est l’intérêt de ces prospectus purement techniques dans le cadre d’une augmentation de capital réservée à un seul investisseur, sans aucun appel au marché ? Quelle est leur valeur ajoutée par rapport au contenu très normé des communiqués de presse qui doivent être publiés dans de telles situations ? Ce type de prospectus, qui n’a en tout état de cause qu’une durée de validité de douze mois, n’est par ailleurs pas du tout adapté à l’émission des valeurs mobilières donnant accès au capital (Oceane, Ornane, BSA…), l’éventuelle conversion en actions étant susceptible d’intervenir en pratique à plus longue échéance, au-delà de ce délai de douze mois. La situation est encore plus problématique avec certains financements à prix variable (de type ‘equity lines’ ou Ocabsa) pour lesquels il n’est même pas possible de calculer la dilution potentielle lors de leur mise en place. D’ailleurs, de nombreuses sociétés cotées sur le marché réglementé se sont récemment transférées sur Euronext Growth, notamment pour s’épargner la lourdeur et le coût de ces prospectus (sauf bien sûr en cas d’offre au public de plus de 8 millions d’euros conformément à la réglementation en vigueur).»
Face au choc économique engendré par la crise Covid, le Parlement européen avait adopté, en février 2021, le prospectus de relance de l’Union européenne. Un prospectus simplifié, limité à 30 pages avec 2 pages de résumé (contre plusieurs centaines de pages pour un prospectus «classique»), destiné à toutes les sociétés cotées, pour des augmentations de capital ne dépassant pas 150% du capital, approuvé par l’AMF dans un délai réduit de sept jours, mais autorisé seulement jusqu’au 31 décembre 2022. «Le prospectus de relance gagne vraiment à être davantage connu, estime Cyril Deniaud. Ce format synthétique (qui autorise les renvois à la documentation existante de la société, telle que son rapport financier annuel par exemple) peut être utilisé pour réaliser un grand nombre d’opérations de marché tout en assurant parfaitement la bonne information des investisseurs. Aussi, nous demandons une pérennisation de ce format au-delà du 31 décembre 2022, à tout le moins pour les PME, solution que l’AMF semble également encourager».