Clause bénéficiaire

L’assureur doit être informé d’un changement avant le décès

La modification de la clause bénéficiaire d’un contrat d’assurance vie doit avoir lieu avant le décès du souscripteur.
A défaut, cette modification est inopposable à l’assureur, rappelle la Cour de cassation.

« L’assuré peut modifier jusqu'à son décès le nom du bénéficiaire du contrat d'assurance sur la vie, dès lors que sa volonté est exprimée d'une manière certaine et non équivoque et que l'assureur en a eu connaissance », rappelle la Cour de cassation dans un arrêt du 13 juin 2019 (1) en faisant référence à l’article L. 132-8 du Code des assurances (2). En l’occurrence, elle casse et annule un arrêt de Cour d’appel qui avait condamné une épouse à payer à son fils plus de 132.000 euros, correspondant au capital décès.

Faits. Marié en 1973, un homme souscrit en 1980 un contrat d'assurance vie auprès de la compagnie Gan. Les bénéficiaires de cette police étaient son fils issu de cette union, et à défaut, sa femme. Par lettre datée de 1982, le souscripteur du contrat a fait part à l’assureur de son désir de changer le bénéficiaire en cas de décès et a désigné expressément sa femme en qualité de bénéficiaire. Au cours de l’année 1987, les époux se séparent sans mener jusqu’au bout leur procédure de divorce. Après le décès de son mari en 1990, la femme demande à la compagnie le versement des sommes correspondant au capital-décès et celle-ci s’exécute.

Assignation du fils. Le fils assigne alors sa mère en restitution de cette somme estimant que son père avait voulu lui faire bénéficier de l’intégralité du capital décès souscrit. A l’appui de sa demande, il fournit un testament olographe daté de 1987 dans lequel son père lui avait dévolu la totalité de ses biens. Débouté en première instance, le fils gagne son procès en appel. Pour faire droit à sa demande, la Cour d’appel s’appuie sur le testament olographe de 1987 par lequel l’époux « a révoqué toute donation faite au profit de sa femme, la privant de tout usufruit sur les biens de sa succession, et a institué son fils légataire universel ». La Cour d’appel souligne aussi que le mari « avait expressément indiqué, dans un écrit daté du 29 juillet 1987 et signé, que le capital-décès de son assurance-vie revenait à son fils ». Pour la juridiction, ce document « de façon autonome par rapport au testament olographe » comporte « incontestablement une intention révocatoire de la clause bénéficiaire et a pour effet de détruire valablement l'attribution primitive du capital-décès à [sa femme] en lui substituant [son fils] », remarquant aussi que c’était « cohérent, dans un contexte de séparation des époux ». 

Cassation. Cette position est donc cassée par la Cour de cassation qui estime que la Cour d’appel « n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations ». L’écrit daté de juillet 1987 n’avait été envoyé à l'assureur qu’en octobre 1991, soit postérieurement au décès de l’assuré, donc l'assureur n'en avait pas eu connaissance du vivant de l'assuré. La Cour d’appel n’a pas non plus caractérisé que cet écrit constituait un testament olographe.

Pas de formalisme particulier. Pour Jean-Pierre Gadiou, avocat aux Conseils, au sein de la SCP Gadiou-Chevallier, « la Cour de cassation avait déjà posé ce principe d’une connaissance par l’assureur du changement de bénéficiaire avant le décès de l’assuré dans plusieurs jurisprudences antérieures (3). « Il n’y a pas de formalisme particulier au changement de bénéficiaire », rappelle l’avocat. Si l’article L. 132-8 du Code des assurances cite plusieurs modalités (avenant au contrat, formalités édictées par l'article 1690 du Code civil, testament), ce sont des « possibilités qui ne sont pas limitatives », indique-t-il. « La substitution de bénéficiaire peut être faite, sous n’importe quelle forme, y compris une lettre simple, du moment que ce n’est pas équivoque et que l’assureur en a connaissance, mais il est important que cela soit fait du vivant de l’assuré ».

Testament. Le changement de bénéficiaire peut en revanche être valable, même s’il n’est pas porté à la connaissance de l’assureur du vivant de l’assuré, s’il est effectué par testament (4). Dans l’affaire portée devant la Cour de cassation le 13 juin 2019, le testament olographe instituait le fils légataire universel, mais vu que l’assurance vie échappe aux règles de la succession, ses capitaux ne pouvaient tomber dans la succession du fils.

  1. C. Cass. Civ. 2e, 13 juin 2019, n°18-14954

2. Dans sa rédaction applicable au litige.

3. C. Cass. Civ 2e, 13 septembre 2007, n°06-18199

4. C. Cass. Civ 1ere, 10 mars 1993, n°91-15925