
L’AMF s’inquiète de la lenteur de l’encadrement de la finance durable et digitale

Avec le changement de paradigme engendré par la guerre en Ukraine, s’accompagnant d’une inflation forte et de politiques monétaires moins accommodantes, les marchés financiers vont-ils continuer à financer l’économie ?, s’est interrogé Robert Ophèle, le président de l’Autorité des marchés financiers (AMF), lors de la présentation du rapport annuel du régulateur. Néanmoins, il s’est félicité du dynamisme de l’assurance vie en unités de compte, des PER et de l’épargne salariale, et de l’intérêt des particuliers pour la Bourse. Toutefois, avec la digitalisation, les courtiers installés hors de France accroissent leurs parts de marché avec le paiement pour flux d’ordres (payment for order flow), que le règlement relatif à directive MIF 2 (Mifir) voulait interdire. «Ces flux sont réalisés par des Français sur des valeurs dont ne nous sommes pas responsables. C’est une problématique pour notre mission de protection des épargnants», a souligné Robert Ophèle.
Pour l’avenir, le régulateur s’est fixé plusieurs défis. D’une part, la gestion d’actifs reste trop fragmentée dans l’Union. Alors que la France est leader dans la gestion d’actifs, Robert Ophèle juge nécessaires «la poursuite de la montée en puissance du superviseur français et l’émergence d’une véritable approche européenne du secteur».
D’autre part, si la finance durable est en plein essor, elle manque toujours d’un cadre. La directive CSRD sur l’information extra-financière n’est pas finalisée et s’appliquera au mieux en 2025 sur les comptes 2024. Par ailleurs, les prestataires de services ESG, notamment pour les notations, ne sont pas régulés.
Mandat non renouvelable
Enfin, la finance digitale peine à trouver le bon encadrement. La réglementation des activités sur actifs numériques (MiCA), toujours en trilogue, n’entrera pas en application avant 2024 ou 2025… Or, «quand on voit ce qu’il se passe sur le marché mondial des crypto-actifs, on voit bien l’urgence», alerte Robert Ophèle.
Alors que le mandat de Robert Ophèle prend fin le 31 juillet prochain, quel profil souhaite-t-il pour son successeur ? «La dimension internationale est devenue majeure, j’y consacre les deux tiers de mon temps, a expliqué le président sortant. Il faut aussi avoir une complémentarité très forte avec le secrétaire général.» Surtout, Robert Ophèle rappelle que la France est le seul pays où le mandat du président du régulateur n’est pas renouvelable, «c’est une erreur de s’en priver», confie-t-il. D’autant que le président de l’AMF est nommé juste après les présidentielle et législatives, au cœur de l’été…