
L’agenda 2021 de la régulation financière s’annonce chargé

Au cours d’une année 2020 bouleversée par le Covid-19, plusieurs grandes échéances réglementaires ont été reportées, et animeront donc encore cette année les équipes dédiées des banques, assurances et autres intervenants de marché.
Banques
La Banque centrale européenne (BCE), qui s’est appuyée sur les banques (notamment via les TLTRO 3) pour injecter les liquidités de son soutien monétaire, a souhaité réduire la pression sur les établissements, tant au niveau opérationnel que prudentiel. Les régulateurs ont ainsi retiré le coussin contracyclique, donné la possibilité aux banques de passer jusqu’à nouvel ordre sous les exigences de capital CRR (Pilier P2G et coussin de conservation de capital CCB), et d’utiliser dès 2020 les dettes AT1 et Tier 2 pour remplir le Pilier P2R (requis). Ils ont également repoussé le démarrage de la réforme dite Bâle 3.5 de 2022 à 2023 (jusqu’à 2028 au lieu de 2027), notamment pour la mise en place progressive du plancher de fonds propres («output floor») plus robuste et plus sensible au risque, avec des actifs pondérés des risques (RWA) calculés par les banques sur la base de leur modèle interne ne pouvant plus être inférieurs (à terme) à 72,5 % du montant calculé en modèle standard.
En révisant le règlement sur les exigences de capital (CRR2) en juin dans le cadre du «paquet bancaire» (quick fix), les législateurs ont aussi reporté de 2022 à 2023 l’application du nouveau coussin de ratio de levier (LR) pour les banques systémiques mondiales (G-SIB) et permis, pour toutes les banques, un assouplissement du mode de calcul du LR prévu à partir de mi-2021. «I l reste néanmoins un jalon important d’application de CRR2 à partir de juin, et il concernera essentiellement l’exigence minimale de ratio de liquidité à long terme de 100 % (NSFR, Net stable funding ratio) qui fait l’objet d’un calcul revu et de nouveaux modèles de reporting », rappelle Thomas Verdin, directeur associé Banque et réglementaire de BM&A. Idem pour remplir progressivement à partir de 2022, mais avec une plus grande flexibilité d’ici là, le ratio réglementaire européen de résolution bancaire MREL (minimum required eligible liabilities) prévu par BRRD2. Les banques recevront dans les prochaines semaines la première recommandation de cibles pour les ratios MREL et de subordination, et devraient théoriquement les communiquer au marché.
Entreront également en vigueur cette année l’approche standardisée pour le calcul du risque de crédit de contrepartie (SA-CCR) lié aux valeurs exposées aux dérivés, et surtout la revue des portefeuilles de négociation (FRTB, Fundamental review of the trading book) pour les banques utilisant le modèle standard (FRTB SA), dont l’obligation de reporting a été décalée de six mois de fin mars à fin septembre. Ce texte adopté en 2017 impose aux banques de piloter leurs besoins en capital réglementaire au niveau de chaque desk de trading, activité par activité, avec un nouveau calcul statistique des risques de pertes en se détachant du modèle « value-at-risk » (VaR) : a priori, de nombreuses banques ont choisi le modèle standard plutôt que le modèle interne (IMA), pour lequel le reporting deviendra obligatoire en 2023.
Autres réformes au programme : le règlement sur le reporting des opérations sur titres pour les entreprises non financières SFTR dont le planning d’entrée en vigueur progressive sur 2020 a glissé sur 2021 ; la généralisation également depuis le 1er janvier à tous les établissements français du programme AnaCredit (base de données détaillée sur les prêts bancaires dans la zone euro) ; les évolutions liées à CRR2 du reporting commun sur les aspects prudentiels (COREP 3.0) et comptables IFRS (FINREP 3.0) à l’attention des régulateurs bancaires européens, rapidement suivies (janvier 2022) par le passage vers le nouveau reporting bancaire en normes françaises à l’ACPR (SURFI vers RUBA), incluant la mise à jour du scope déclaratif BCE en matière de statistiques monétaires liées à l’immobilier, aux actions et aux cash-flows des banques.
Marchés
Les entreprises d’investissement (EI) devront se soumettre à partir de juin et septembre à la réglementation IFR/IFD sur les nouvelles exigences de fonds propres pour les acteurs non bancaires (la directive IFD publiée en décembre 2019 doit être transposée en droit national d’ici là). Sont également attendues pour le quatrième trimestre, les révisions sur les réglementations MIF 2 (MIFIR et MID, avec notamment une adaptation du financement de la recherche et probablement de la collecte et du coût des données de marché), sur la directive relative aux titrisations et sur le règlement CSDR sur les dépositaires centraux, et peut-être sur les abus de marchés (MAR).
Ces sujets, comme ceux autour de la compensation des dérivés (EMIR) et de la distribution des produits financiers (OPCVM, FIA), seront au cœur du débat entre Bruxelles et Londres pour trouver un protocole d’accord sur la régulation financière d’ici au 31 mars. « On note que le Royaume-Uni, à l’origine de la réglementation IFR, a déjà reporté à 2022 l’application du nouveau régime prudentiel pour les EI dans sa juridiction, poursuit Thomas Verdin. De façon plus générale, l’allègement réglementaire dans l’UE a été utilisé surtout en faveur du maintien des fonds propres et de la continuité de fonctionnement des banques », ajoute-t-il, par exemple en référence au report accordé tardivement et de façon optionnelle sur la publication des états financiers au format électronique (ESEF) prévu par la directive Transparence pour toutes les entreprises cotées.
Enfin, les assureurs, qui ont obtenu le report de 2021 à 2023 de la norme comptable IFRS 17 sur la comptabilisation des contrats d’assurance (à la place d’IFRS 4), guetteront la révision en cours de Solvabilité 2. D’autres réglementations, plus transversales, intéresseront toutes les institutions financières, comme la nouvelle directive antiblanchiment (AMLD6) et les avancées sur la « taxonomie verte » et la publication des informations extra financières (NFRD).