
L’actualité fiscale des LBO commentée par Fidroit

Brice Laurent, consultant Fidroit, est l'auteur de cet article.
Un contexte économique et fiscal favorable
Le contexte économique et fiscal est globalement favorable à de telles opérations, du fait des taux bas facilitant l’endettement, de la fiscalité « maitrisée » pour le vendeur avec le PFU et des différentes optimisations possibles. Les candidats aux LBO trouvent un intérêt certain à l’exonération d’IFI du prix de cession, autrefois taxable à l’ISF. Ceci facilite également la prise de garanties, notamment sur le prix de cession. Les associés de la holding de rachat sont également exonérés d’IFI de manière naturelle.
Le PFU : un régime hybride et non garanti
La LF 2018 a consacré le retour d’une taxation proportionnelle des plus-values mobilières avec le PFU (1), mécanisme hybride commun aux revenus de capitaux mobiliers mais avec un mode de recouvrement différent (par voie de rôle dans le premier cas, par voie d’acompte non libératoire dans le second cas).
Une option globale pour une taxation au barème progressif reste possible en année N+1.
Quelle que soit l’option fiscale prise, le montant de l’impôt de plus-value doit être provisionné.
Notons que le PFU n’est subordonné à aucun critère d’identité du cessionnaire et est clairement applicable lors d’un LBO.
Les effets bénéfiques de la réforme sont relativisés par l’augmentation du taux des prélèvements sociaux. Le PFU (12,8 % d’IR, 17,2 % de PS + CEHR) est ainsi plus onéreux qu’il y a une décennie (18 % d’IR et 11 % de PS, soit 29 % sans CEHR), époque où la taxation apparaissait déjà excessive aux contribuables, très demandeurs d’optimisations.
L’uniformité du taux de 12,8 % à l’IR pour les dividendes et intérêts est surprenante, car elle n’intègre plus l’impact IS de la somme versée (taxée à l’IS dans le premier cas, déductible de l’assiette IS dans le second). Etonnante « prime à l’endettement », la logique économique incitant à prévoir un taux plus bas sur les dividendes.
Le PFU prive de toute déduction partielle de CSG, utilisation du quotient au titre des revenus exceptionnels ou optimisation par voie de déduction ou réduction d’IR.
Rappelons que la jurisprudence a par le passé conclu à l’absence d’abus de droit fiscal sur un LBO en présence d’une taxation proportionnelle de la plus-value (2), autrefois moins imposée qu’une perception de dividendes. Après un quinquennat de taxation progressive après abattements pour durée de détention, le PFU ravive l’intérêt de cette jurisprudence, l’uniformité du taux du PFU constituant ici un facteur supplémentaire de sécurité.
Le mécanisme et le taux du PFU ne sont cependant nullement garantis, même pour les LBO de 2018. Rappelons que certains parlementaires (3) ont tenté de limiter les effets du PFU, avant que l’application uniforme du dispositif soit heureusement votée.
La petite rétroactivité, validée par la jurisprudence du Conseil d’Etat et le Conseil constitutionnel (du moins pour ce dernier, en présence d’un motif d’intérêt général suffisant) laisse planer un risque de retouche sur le PFU, dont la nature hybride et l’absence de caractère libératoire sont sources d’aléas.
Il s’oppose au raisonnement applicable aux anciens prélèvements forfaitaires libératoires (PFL), le Conseil constitutionnel ayant par le passé censuré la rétroactivité du fait du caractère libératoire du prélèvement, qu’il s’agisse de son application même (4) ou de sa prise en compte dans le revenu fiscal de référence (5). Plus récemment, la révision à la hausse du taux des prélèvements sociaux avec application rétroactive aux cessions 2017 apparait contestable à certains auteurs et fera probablement l’objet de contentieux.
En tout état de cause, le PFU n’est pas un PFL, on évitera donc de garantir formellement sa pleine application lors d’un LBO et on conservera une marge de manœuvre financière pour anticiper toute dégradation éventuelle.
Le refus du PFU et ses effets indirects
Le PFU n’est pas toujours favorable. L’option pour la taxation de la plus-value au barème progressif, annuelle et commune aux revenus de capitaux mobiliers, ne présente cependant un intérêt manifeste qu’en présence de titres acquis ou souscrits avant le 1er janvier 2018 (application de la clause de sauvegarde) en présence d’une société répondant aux critères de PME de moins de 10 ans et pour des titres détenus depuis plus de 8 ans (6).
L’abattement de 85 % à l’IR est alors plus favorable que le PFU (15 % de plus-value taxable au TMI de 45 % = 6,75 %, contre 12,8 %) et la loi ne prévoit aucune contrainte d’identité du cessionnaire, le dispositif étant applicable en cas de cession à soi-même sur un LBO / OBO.
Pour les opérations importantes, la taxation avec les abattements proportionnels de droit commun (50 % ou 65 %) n’est pas plus avantageuse que le PFU, malgré ses incidences périphériques (CSG déductible et régime du quotient).
Toute opération portant sur des titres acquis ou souscrit depuis le 1er janvier 2018 ne pourra s’envisager qu’avec le PFU, sous peine d’une taxation violente au barème progressif du fait de l’absence de clause de sauvegarde.
L’abrogation récente du régime spécifique aux cessions dans le groupe familial (7) suscitera peu de regrets, son application n’ayant jamais été admise sur un LBO (8).
L’application au LBO du régime d’abattement fixe applicable aux dirigeants de PME prenant leur retraite (9) (aménagé et prorogé jusqu’à fin 2022, fonctionnant avec ou sans PFU) est toujours bloquée par l’interdiction de présence du cédant au capital du cessionnaire (10).
Le dispositif peut cependant s’appliquer sur une variante de type FBO, avec dans un premier temps une donation de titres aux enfants (avec ou sans régime « Dutreil » et/ou soulte de partage), apport des titres donnés à une holding passive, suivie d’une vente des titres résiduels à la holding de reprise des enfants.
L’option pour une taxation au barème progressif de la plus-value présente des effets indirects multiples, avec en premier lieu une déductibilité partielle de la CSG (6,8 %) en année N+1.
Le nouveau régime (11) de limitation de la CSG déductible (applicable aux régimes dirigeants de PME prenant leur retraite et PME de moins de 10 ans) limite le gain fiscal. La pénalisation n’est cependant pas à elle seule suffisante pour renoncer au régime PME de moins de 10 ans, lorsqu’il s’applique.
L’utilisation fiscale de cette fraction de CSG impose, du fait de la structure même de l’IR, l’existence de revenus suffisants l’année suivant celle du LBO (12).
L’option pour le barème progressif ouvre également l’accès au régime du quotient sur revenus exceptionnel (13) (si le revenu est exceptionnel en nature et en montant et que le contribuable n’est pas déjà au TMI de 45 % avec ses autres revenus), dont l’application aux plus-values a récemment été confirmée (14). Si la jurisprudence (15) imposait jusqu’ici l’absence d’opération similaire les années précédentes/suivantes, une décision (16) vient juste d’accepter l’application du dispositif malgré une cession réalisée deux ans plus tôt sans plus-value, dans un contexte particulier il est vrai (rachat d’actions et réduction de capital). Il sera plus prudent d’éviter de réaliser d’autres cessions pour avoir accès à ce régime.
L’administration estime toujours (17) que le caractère exceptionnel de la plus-value est apprécié sur la base du gain après abattements, position contestable, mais qui aura peu d’effet sur un LBO important (le gain, même réduit de l’abattement restant souvent exceptionnel).
Portée fiscale des choix visant à limiter l’endettement
Certains praticiens souhaitent parfois faire maigrir la cible avant le LBO pour limiter l’endettement bancaire de la holding.
L’hypothèse d’un crédit vendeur partiel (matérialisé par un compte courant à l’encontre de la holding) reste d’actualité, d’autant que la créance est désormais hors du champ de l’IFI.
Ce mode de paiement doit rester limité, la perception de sommes restant nécessaire pour acquitter ensuite l’imposition globale.
Lorsque la cible dispose de trésorerie, une alternative consiste à réaliser une distribution de dividendes ou une réduction de capital sur celle-ci préalablement au LBO.
Une telle opération n’est cependant pas de nature à modifier l’éligibilité de vente des titres de la cible aux régimes fiscaux de faveur, notamment si la société dispose d’actifs patrimoniaux excédentaires.
En effet, une activité opérationnelle préexistante est impérative pour l’accès aux régimes PME de moins de 10 ans (depuis la date de création de la société) et dirigeants de PME prenant leur retraite (au cours des 5 années précédant la cession). Il est trop tard pour rendre la cession de titres éligible à un régime de faveur si elle ne l’est pas déjà.
Le dividende est en outre intégralement imposable (là où la vente s’effectue avec un prix de revient fiscal diminuant l’assiette taxable) et partiellement cotisable pour les TNS.
Ceux qui renoncent au PFU sur la cession (pour rechercher le régime PME de moins de 10 ans) verront leurs dividendes taxés au barème progressif (après abattement de 40 % et fraction de CSG déductible), traitement défavorable dès le TMI de 30 %.
Le refus du PFU étant une option annuelle et globale, la distribution préalable au LBO présente donc souvent un intérêt limité.
Un autre mode de sortie de trésorerie préalable au LBO, très utilisé depuis 2015, consiste en un rachat de titres en vue de leur annulation par réduction de capital afin de bénéficier du traitement fiscal18 et social des plus-values.
Le PFU limite l’intérêt de l’opération, sauf pour les TNS.
Hors PFU, l’opération reste compatible avec le régime des PME de moins de 10 ans.
La pratique s’attache à ne réaliser la réduction de capital que dans un contexte global justifiant l’opération par rapport à une distribution (modification de la géographie du capital, sortie d’un minoritaire avant le LBO etc.) et est évitée sur les sociétés unipersonnelles. Le PFU devrait rendre la question du risque fiscal plus relative que par le passé.
La sortie préalable de minoritaires avant le LBO est parfois une condition imposée par le cessionnaire, que la société cible peut avoir du mal à financer comptant.
Un endettement bancaire (limité) de la cible est parfois envisagé.
Sur un plan économique, son endettement (alors qu’une holding va être constituée pour s’endetter elle-même) pourra étonner certains, mais semble peu gênant si le volume global de dette du groupe est identique celui qui serait logé dans la seule holding pour racheter la cible sans sortie préalable de minoritaire.
La déductibilité fiscale des charges financières supportées par la cible est cependant délicate puisque la déductibilité des charges à l’IS (basée sur les règles des BIC) (19) peut se trouver limitée en cas d’opération abusive (20) ou d’acte anormal de gestion (théorie jurisprudentielle aux multiples illustrations).
Après avoir donné une suite favorable à la déductibilité dans un contexte spécifique (21) (réorganisation d’un groupe), la jurisprudence vient de traiter de cette question dans une situation plus courante (22), estimant qu’une opération peut présenter un intérêt pour les associés sans être un acte anormal de gestion s’il y également un avantage pour la société. Au cas d’espèce, une mésentente entre associés préjudiciable à la société était mise en avant, mais non prouvée, l’acte anormal de gestion ayant été retenu et la déductibilité des charges financières refusée (23). Plus qu’un problème de motif, l’acte anormal de gestion a été retenu pour une question de preuve.
La prudence subordonne donc l’endettement d’une société en vue du financement d’une réduction de capital à l’existence d’un avantage réel et démontrable pour la société.
L’environnement fiscal actuel limite donc l’intérêt de la sortie préalable de trésorerie sur un LBO pur. Il en va différemment dès que l’opération intègre une mutation à titre gratuit, ce qui est le cas des FBO.
Outre l’obtention de trésorerie pour payer les droits de mutation à titre gratuit et frais d’actes, notons que la sortie préalable de trésorerie est de nature à rendre une société opérationnelle nettement éligible au régime « Dutreil » transmission (les critères s’analysant ici à la date de l’opération et non sur les années antérieures).
Faire maigrir une structure avant un FBO peut ainsi présenter un réel intérêt.
LBO et « année blanche » 2018
Seuls les revenus courants de 2018 bénéficient du CIMR et non les revenus exceptionnels, les revenus de capitaux mobiliers et plus-values restant taxés.
La réalisation d’un LBO cette année pose peu de difficultés en cas d’application du PFU, la taxation s’opérant au taux proportionnel.
Hors PFU, la formule de calcul du CIMR conduit à taxer la plus-value à un taux moyen d’imposition (et non au TMI), mais si la plus-value est importante par rapport aux revenus courants (ce qui est souvent le cas sur un LBO), alors le taux effectif de taxation se rapproche du TMI, l’importance du revenu exceptionnel diluant les revenus courants.
Donation de titres avant LBO
La donation de titres préalable à une cession est un schéma courant, dont l’absence de caractère abusif a été clairement validée par la jurisprudence, les cas litigieux actuellement soumis au comité de l’abus de droit fiscal (24) étant des situations résiduelles, parfois caricaturales.
Le traitement 2018 des donations en démembrement de propriété préalable à la cession s’avère intéressant du fait du PFU. Rappelons que le redevable de l’impôt de plus-value est soit le nu-propriétaire (remploi), soit l’usufruitier (quasi-usufruit).
L’opération cohabite bien avec le PFU, qui neutralise l’analyse du point de départ de l’abattement pour durée de détention.
En cas de remploi, seul le PFU sera en pratique utilisé, l’option pour la taxation au barème progressif se réalisant en pratique sans abattement (l’administration estime que la donation constitue le point de départ de la durée de détention et annule l’antériorité de détention).
La donation en nue-propriété avant cession avec quasi-usufruit, récemment sécurisée par la jurisprudence (25), cohabite particulièrement bien avec le PFU et peut être envisagée sur une partie des titres de la cible faisant l’objet du LBO.
L’évolution des comportements est notable : le quasi-usufruit autrefois contesté sur le terrain de l’abus de droit et préventivement évité par les praticiens est désormais une combinaison recherchée et performante.
S’agissant justement d’une cession de titres reçus par donation (ici en nue-propriété), le prix de revient de ce droit est calculé sur la base de la valeur déclarée dans l’acte et intègre les frais d’acquisition à titre gratuit (droits de mutation, honoraires de notaire, frais d’actes etc.) afférents aux titres vendus.
Encore faut-il que ce soit le donataire qui ait acquitté ces frais (et non le donateur), la jurisprudence venant de préciser (26) qu’en présence de titres démembrés (cas d’un remploi, mais transposable au quasi-usufruit) la prise en compte de ces droits de mutation est subordonnée à leur paiement par le donataire et non par le redevable de l’imposition de la plus-value de cession. Quel que soit le devenir du prix de cession des titres démembrés (report ou quasi-usufruit), il est donc souhaitable que le donataire acquitte lui-même les droits de donation et frais.
Des combinaisons aux nouveaux effets fiscaux
Il est parfois déraisonnable de financer le LBO intégralement à crédit, l’endettement devant rester supportable et le crédit-vendeur trouvant ses limites (impôt à payer en année N+1).
Une variante courante consiste donc à réaliser un LBO partiel par voie apport d’une partie des titres à la holding (le régime fiscal actuel prévoyant un report automatique d’imposition) (27) et lui vendre l’une autre partie (avec taxation).
L’opération était parfois problématique lorsque les titres de la cible sont grevés d’un report d’imposition antérieur à l’an 2000, l’administration refusant jusqu’ici le maintien de cet ancien report, y compris sur la fraction des titres apportés à la holding. Il y avait imposition de cette ancienne plus-value en report même en l’absence de perception de trésorerie.
La LF 2018 ayant consacré le maintien de ces anciens reports sur la partie apportée à la holding, ceci ouvre désormais la possibilité de réaliser des mix apport/vente y compris sur ces sociétés.
Même hors LBO, tout apport pur et simple de titres en 2018 à une holding à l’IS (report automatique d’imposition) peut à terme être impacté par l’application du PFU cette même année.
En effet, les règles d’assiette et de taux sont figées à la date de l’apport, ce qui présente une incidence en cas de revente ultérieure de la holding (LBO secondaire par exemple).
Si le PFU a été appliqué l’année de l’apport, il s’appliquera également à la plus-value en report (ce qui peut être regrettable si les titres de la société apportée étaient éligibles au régime PME de moins de 10 ans). Lors d’une combinaison apport/vente en 2018, refuser le PFU peut alors s’avérer bénéfique non seulement sur les titres vendus à la holding, mais également sur le traitement ultérieur de la plus-value en report si elle vient à tomber un jour.
Ce mode d’imposition global est à mettre en lien avec les remarques précédentes relatives à la variante de la sortie préalable de trésorerie.
L’exemple inverse consiste en un apport de titres d’une société non éligible au régime PME de moins de 10 ans à une holding. En cas de refus du PFU l’année de l’apport, toute opération ultérieure sur le capital de la holding entrainera une taxation au barème progressif de la plus-value en report. Les choix fiscaux de 2018 ont donc des incidences sur les LBO futurs.
Rappelons que l’apport de titres d’une société à une holding à l’IS avec constitution d’une soulte d’apport inférieure à 10 % de la valeur nominale des titres reçus est un schéma désormais obsolète, la plus-value étant imposée au titre de l’année de l’apport à concurrence du montant de cette soulte (28).
Si cette « pépite » fiscale a connu son heure de gloire (29), cette variante n’est plus utilisable et ses applications tardives viennent d’ailleurs d’être considérées comme abusives par le comité de l’abus de droit fiscal (30). L’or fiscal a été transformé en plomb et il faudra à l’avenir prospecter de nouveaux filons fiscaux.
Traitement fiscal pour la holding portant le LBO
L’effet de levier fiscal du LBO présente une double composante pour le cessionnaire : le mode d’imposition intragroupe et la déductibilité des charges financières de la holding.
Le régime des sociétés mères et filiales (31), après avoir fait l’objet d’inquiétudes suite à l’instauration d’une clause anti-abus par le droit communautaire (32) transposée en droit français (33), a finalement été sécurisé par l’administration elle-même (34), même en présence de LBO avec une holding passive ou patrimoniale.
En intégration fiscale (35), l’« amendement Charasse » (36) vient de faire l’objet d’une jurisprudence défavorable (37), la limitation de déduction des charges financières se déclenchant que le cédant contrôle la holding seul ou de concert avec des investisseurs.
Une QPC (38) (au raisonnement discutable) confirme d’ailleurs la validité de cette limitation de déduction et l’impossibilité d’apporter la preuve de l’absence de but fiscal à l’opération, malgré les attentes des praticiens qui espéraient une suppression pure et simple de cette règle.
L’« amendement Charasse » reste donc en vigueur lors d’une opération de LBO.
Même hors intégration, la déductibilité des charges financières de la holding à l’IS reste encadrée : limite de rémunération des comptes courants d’associés, intérêts versés à des entreprises liées et imposition minimale chez l’entreprise créancière, absence de sous-capitalisation de l’entreprise versante, limitation de la déduction des charges financières afférentes aux titres de participation et plafonnement général de déduction des charges financières (39). L’administration commente d’ailleurs les combinaisons de régimes (40).
En intégration fiscale, et après application des limitations ci-dessus pour chaque société membre du groupe (41), il est appliqué la limitation des intérêts non déductibles en cas de sous-capitalisation d’une filiale et transférés à la société tête de groupe, puis la limitation de l’« amendement Charasse », puis le mécanisme du plafonnement général de déduction des charges financières nettes du groupe (42).
L’article 209, IX du CGI est source de difficultés sur de nombreuses opérations, même hors intégration fiscale. Le dispositif a certes été instauré (43) pour éviter les schémas abusifs d’endettement d’une holding en France pour acquérir une société étrangère, mais le texte ne restreint pas le lieu d’établissement de la cible, la limitation s’appliquant aussi aux LBO avec des sociétés établies en France.
La suppression du texte prévue par le projet de LF pour 2018 n’a conduit qu’à une retouche.
Rappelons que cette limitation de déductibilité des charges financières s’applique dès que la valeur totale des titres de participation atteint 1 000 000 €, sauf si la holding apporte la preuve qu’elle exerce un pouvoir de décision ou un contrôle effectif de la cible.
Le commentaire administratif, fraichement actualisé, considère toujours que la limitation de déduction s’applique à toute holding passive44. La portée du dispositif concerne donc de nombreuses opérations et est bien plus large que l’amendement « Charasse ».
Il en va de même des FBO dans le cadre de la reprise d’un pacte « Dutreil transmission », la holding devant par définition être passive sauf à perdre le bénéfice du régime « Dutreil » (45).
Les praticiens suivront avec intérêt le devenir de ce texte et ses jurisprudences associées.
En supposant un LBO avec remontées de dividendes dans le régime mères et filiales, la déduction des charges financières dans la holding neutralise le (faible) coût fiscal des remontées de dividendes et peut créer un déficit IS reportable.
L’article 209, IX du CGI est alors de nature à générer de l’IS dans la holding, mais le niveau bas des taux d’emprunt et la baisse progressive du taux d’IS relativisent cependant le coût fiscal.
Même hors intégration fiscale, une analyse préalable poussée s’impose avant de garantir au client la déductibilité des charges financières sur son LBO.
Des nouveautés fiscales imminentes ?
L’OCDE a beaucoup travaillé sur l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices (projet BEPS), dont l’Union européenne s’est inspiré en publiant le 28 janvier 2016 un paquet contre l’évasion fiscale, dont la directive ATAD46 adoptée le 12 juillet 201647.
L’article 4 de cette directive limite la déduction fiscale des charges financières nettes à hauteur du plus élevé entre 30 % de l’EBITDA ajusté de l’emprunteur et 3 000 000 €.
Certaines exonérations sont cependant prévues par la directive (emprunts contractés avant le 17 juin 2016 ou servant à financer des projets d’infrastructures publiques à long terme au sein de l’Union européenne, entreprises financières).
La transposition en droit interne doit se réaliser d’ici le 31 décembre 2018 pour une application au 1er janvier 2019, délai porté au 1er janvier 2024 en ce qui concerne la déductibilité des charges financières pour les Etats membres disposant de règles nationales comparables à celles prévues par la directive.
Si les acteurs du capital investissement français s’inquiètent légitimement des restrictions à venir, encore faut-il constater l’existence de mécanismes proches en droit interne français (pouvant relativiser la portée de la transposition à venir).
Le niveau encore (temporairement ?) bas des taux limite ces retraitements aux seules très grosses opérations, sauf exonération visée par la directive.
C’est dans cet esprit que la direction de la Législation fiscale du ministère de l’Économie et des Finances a clos le 25 mai 2018 une consultation sur la réforme de l’IS48, traitant de la fiscalité des brevets, de l’intégration fiscale et de la transposition de l’article 4 de la directive ATAD.
Enfin, l’environnement fiscal des LBO (et plus particulièrement des FBO) est susceptible d’évoluer avec le vote de la loi « Pacte » et la proposition de loi visant à moderniser la transmission d’entreprise, via un assouplissement attendu du régime « Dutreil ».
Synthèse
Le PFU s’applique aux LBO (sans être garanti), mais le régime de PME de moins de 10 ans (clause de sauvegarde) sera souvent plus avantageux.
La sortie de trésorerie préalable à un LBO pur présente peu d’intérêt fiscal, mais en présente davantage sur un FBO.
Le rachat de titres en vue de leur annulation par réduction de capital est en relative perte de vitesse, son financement à crédit doit être évité sauf contexte spécifique.
La donation en nue-propriété avant cession avec quasi-usufruit et PFU est une combinaison performante.
Les combinaisons apport/vente (LBO partiels) sont possibles même avec un report antérieur à l’an 2000.
Le mode d’imposition des reports constitués à partir de 2018 est figé.
Le régime mères et filiales semble stabilisé.
L’« amendement Charasse » est maintenu, mais d’autres limites de déductions plus courantes (article 209, IX du CGI) sont gênantes, bien que rarement bloquantes.
1 CGI. art. 158, 6 bis et 200 A, 2
2 CE 27/01/2011
3 Amendement du Sénateur Albéric de MONTGOLFIER du 24/11/2017, traitant plus spécifiquement des dividendes.
4 Décision n°2012-662 DC du 29/12/2012 censurant l’abrogation rétroactive des PFL par la LF 2013.
5 Décision n°2014-435 QPC du 05/12/2014 censurant l’application rétroactive de la CEHR sur les revenus soumis à PFL en 2011 par la LF 2012.
6 CGI. art. 150-0 D, 1 quater-B-1°.
7 CGI. art. 150-0 D, 1 quater-B-3°.
8 BOI-RPPM-PVBMI-20-30-20 § 5 et 70
9 CGI. art. 150-0 D ter.
10 Sauf tempérament administratif de 1 %.
11 CGI. art. 154 quinquies, II.
12 BOI-IR-BASE-20-20-20170724 § 100.
13 CGI. art. 163-0 A.
14 RM Frassa JO Sénat 9/06/2016 et JO Sénat 7/07/2016.
15 CE 15/06/2005.
16 CE 19/03/2018.
17 RM Frassa précitée.
18 CGI. art. 112, 6° et 150-0 A.
19 CGI. art. 38 et 39.
20 LPF. art. L 64.
21 CAA Versailles 24/01/2012.
22 CE 15/02/2016 n°376739.
23 CAA Bordeaux du 05/07/2016 n°16BX00662.
24 Voir par exemple les avis rendus lors de la séance du 09 mars 2018 dans les affaires n°2017-37 et n°2017-3
25 CE 10/02/2017 n°387960 et CE 31/03/2017 n°395550.
26 Conseil d’État 11/05/2017 n°402479.
27 CGI. art. 150-0 B ter (pour les holdings « contrôlées »).
28 CGI. art. 150-0 B et 150-0 B ter modifiées par la LFR pour 2016.
29 Henri Hovasse : Une pépite fiscale : la soulte de l’article 150‐0 B CGI, JCP 2008.
30 Séance du 05/04/2018 affaires n°2017-40, n°2017-41 et n°2018-01. Voir également CE du 12/07/2017 n°401997 confirmant que la procédure d’abus de droit est applicable aux apports avec soulte.
31 CGI. art. 145 et 216.
32 Directive 2011/96/UE du Conseil du 30/11/2011 modifiée par la directive 2015/121 du Conseil du 27/01/2015.
33 CGI. art. 145, 6, k et 119, 3 ter.
34 BOI-IS-BASE-10-10-10-10-20161005.
35 CGI. art. 223 A et suivants.
36 CGI. art. 223 B, al. 6.
37 CE 01/02/2018 confortant la CAA Nantes 04/05/2017.
38 QPC 2018-701 du 20/04/2018.
39 CGI. art. 39, 1-3°, 209, 212 et 212 bis.
40 BOI-IS-BASE-35-10-20180404.
41 Sauf celle de l’art. 212 bis du CGI.
42 CGI. art. 223 B, al 13 à 18 et 223 B bis.
43 Art. 40 de la LFR pour 2011.
44 BOI-IS-BASE-35-10-20180404 et BOI-IS-BASE-35-30-10-20180404.
45 CGI. art. 787 B, f. 46 Anti tax avoidance directive. 47 https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX%3A32016L1164